Mémoires d’un Rat militaire
Chanson française – Mémoires d’un Rat militaire – Marco Valdo M.I. – 2022
LA
ZINOVIE
est le voyage d’exploration en Zinovie, entrepris par
Marco Valdo M. I. et Lucien l’âne, à l’imitation de Carl von
Linné en Laponie et de Charles Darwin autour de notre Terre et en
parallèle à l’exploration du Disque Monde longuement menée par
Terry Pratchett.
La Zinovie, selon Lucien l’âne, est ce
territoire mental où se réfléchit d’une certaine manière le
monde. La Zinovie renvoie à l’écrivain, logicien, peintre,
dessinateur, caricaturiste et philosophe Alexandre Zinoviev et à son
abondante littérature.
LA
ZINOVIE
Épisode
1 : Actualisation
nationale ;
Épisode 2 : Cause
toujours ! ;
Épisode
3 : L’Erreur
fondamentale ;
Épisode
4 : Le
Paradis sur Terre ;
Épisode
5 :
Les
Héros de l’Histoire ;
Épisode
6 :
L’Endémie ;
Épisode
7 : La
Réalité ;
Épisode
8 : La
Carrière du Directeur ;
Épisode
9 : Vivre
en Zinovie ;
Épisode
10 : Le
But final ;
Épisode 11 : Les
nouveaux Hommes ;
Épisode
12 :
La
Rédaction ;
Épisode
13 :
Glorieuse
et grandiose Doussia ;
Épisode
14 : Le
Bataillon des
Suicidés ;
Épisode
15 : Les
Gens ;
Épisode
16 : Jours
tranquilles au Pays ;
Épisode
17 : La
Région
DÉPART À LA GUERRE
Konstantin Vassiliev - 1974
Dialogue Maïeutique
Dans ce voyage en Zinovie, comme tu le sais, Lucien l’âne mon ami, on entend toutes sortes de voix, on capte des discours, des dialogues, des monologues, des ruminations, des échos, des remembrances.
J’avais remarqué tout ça, dit Lucien l’âne. C’est d’ailleurs un peu étrange, mais il est vrai qu’en voyage, on fait des rencontres insolites, on est interpelé par des inconnus en mal de confidences. J’ai toujours connu ça. Certaines gens gardent malgré eux sur leur conscience des secrets fort lourds qu’ils ne peuvent dévoiler à personne de leur entourage et qu’ils révèlent – pour se soulager, je pense – à l’anonyme de passage. Évidemment, on peut proposer la confession, mais c’est un procédé moins sûr.
De fait, reprend Marco Valdo M.I., la confession est chose délicate et sujette à précautions, surtout dans les pays comme la Zinovie où la dénonciation tient du sport collectif. Bon, tout ça pour dire que ces mémoires d’un rat militaire, qu’il aurait mieux valu appeler « mémoires d’un rat quand il était militaire », comme Pipo, héros de « La Guerre de Pipo », sont comme leur intitulé le laisse présager une débondade, un débondage irrépressible.
Soit, dit Lucien l’âne, je comprends de quoi il s’agit, en général, mais il faudrait quand même un peu préciser les détails de ces souvenirs soudain jaillissants.
Je vais, dit Marco Valdo M.I., d’abord situer le personnage. Au vu de son surnom « le rat », on peut aisément imaginer qu’il devait être – aux yeux de ses contemporains – assez répugnant et c’est le cas, en effet. Ici, il est seulement question du début de sa vie et de son engagement comme militaire. On notera en passant que la chanson précise qu’il avait rejoint l’armée dès avant la guerre. Il n’est pas clair s’il entendait faire carrière comme militaire ou s’il avait simplement devancé l’appel, faute de poursuivre des études. Toujours est-il qu’il fit la guerre à l’arrière dans un poste de commandement – comme commissaire politique. De son propre aveu, c’était un endroit beaucoup plus sûr, plus confortable et plus agréable que le front. On y bénéficiait d’un bon logement, d’une bonne nourriture, de bonnes femmes.
C’est assez classique dans les armées, dit Lucien l’âne.
À propos de bonnes femmes, continue Marco Valdo M.I., je laisse la chanson révéler ses mystères et ce qui s’en est suivi.
Voyons voir ça, dit Lucien l’âne, et tissons le linceul de ce vieux monde guerroyant, guerrier, martial, belliqueux, belligérant, bellifère, belliciste, boutefeu, toujours prêt à remettre ça et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Moi, je viens de cette froide savane ;
Je suis né dans une pauvre cabane.
Enfant, on m’appelait le rat.
À l’Institut, on me nomme comme ça.
Je ne suis pas un imbécile,
J’ai fini l’école secondaire.
Avant la guerre, déjà, j’étais militaire
Service dur, combat facile.
Tous les jours, tous les mois,
Dans la boue, la touffeur et le froid,
Lit au carré, fusil nettoyé, au pas,
J’étais le meilleur des soldats.
Ah, c’était le bon temps, la guerre !
Tout était net, tout était clair.
Épreuves, sacrifices héroïques,
C’était une époque magnifique.
Aucun doute, aucune hésitation
L’ennemi se trouvait devant,
On tenait nos positions.
On mangeait bien au restaurant :
Pain frais, viandes, crèmes,
On buvait tant qu’on voulait ;
Les femmes aussi pullulaient.
On était des hommes, quand même !
Au régiment, je partageais mon logement
Avec un capitaine fort séduisant.
Il ramenait des filles encore et encore ;
Il en voulait cinq cents, il visait un record.
J’avais une camarade, une cuisinière
Avec qui je copinais pépère.
Le capitaine dit : une seule, c’est pas assez.
À la guerre faut profiter.
Un soir, ma jeune secrétaire est venue ;
Avant, elle voulait se marier ;
Au matin, elle s’est pendue.
Dans une lettre, elle a tout raconté.
Qui disait : les pucelles sont sans danger ?
Ce fut toute une affaire ;
On m’a sermonné,
Puis, comme c’était la guerre,
On enterra cette histoire.
Quand c’est fini, c’est tout,
Sauf dans ma mémoire.
Alors, je bois comme un trou.
Les jeunes d’aujourd’hui ont tout reçu :
Tout ce qu’on a payé de notre chair,
Qu’au prix de notre peau, on a défendu.
Ils ont tout sans rien faire et pour pas cher.