CENT JOURS AVANT LE NÉANT
Version française – CENT JOURS AVANT LE NÉANT – Marco Valdo M.I. – 2020
d’après la traduction italienne 100 GIORNI ALLA FINE DEL MONDO de Riccardo Venturi d’une
Chanson allemande – 100 Tage bis zum Untergang – Die Toten Hosen – 1987
Paroles et Musique : Maurer / Frege
Album : Reich & sexy II : Die fetten Jahre
(Perlen vor die Säue : Die besten Raritäten & B-Seiten aus 20 Jahren)
LE TRIOMPHE DE LA MORT Pieter Bruegel den Aauwe – 1564 |
À supposer que la fin du monde (que la langue allemande exprime magnifiquement avec le terme Untergang, littéralement “effondrement”) survienne à cause d’une guerre, d’une épidémie, d’un astéroïde ou qui sait de quelle cause maléfique, que se passerait-il si, coquin de sort, on annonçait demain la fin du monde dans les cent jours ? Cent jours, c’est un peu plus de trois mois, c’est-à-dire que si aujourd’hui, le 8 octobre 2020, la fin du monde était annoncée dans les cent jours, la date catastrophique et définitive serait le 16 janvier 2021.
Au cours de ces cent jours, toutes nos perspectives vont certainement changer, sauf notre individualité sacrée et notre capacité – ou incapacité – à toute sorte de réaction. Mais je dirais que, face à une telle perspective finale, au moins deux choses seraient généralisées : la perception de la futilité authentique et désespérée des “règles” qui ont freiné l’humanité depuis ses débuts, et l’irruption de la fin dans la “Normalité”, ou dans toute cette série infinie de normalités quotidiennes qui forment la chaîne bosselée qui, d’une certaine manière, nous lie tous, et partout. Il faudrait alors, bien sûr, voir quelle sorte de fin du monde se prépare : une chose serait la fin de l’humanité, l’extinction de l’espèce homo sapiens ou « race humaine » pour ainsi dire, et une autre l’explosion de la planète Terre qui entraîne avec elle les océans, les montagnes, les animaux, les plantes et tout le reste.
En général, nous avons tendance à identifier la « fin du monde » avec la fin du reste d’entre nous, mais ce n’est pas le cas. Si nous en finissions avec le reste d’entre nous, la vie continuerait sous d’autres formes, d’autres manières. Ce serait une autre histoire et, un jour, peut-être serions-nous considérés comme nous considérons les dinosaures aujourd’hui. Eh bien, en attendant ces fameux trois mois avant la fin du monde – quelle que soit la déclinaison –, il m’est venu à l’esprit que le célèbre groupe allemand Toten Hosen (qui signifie quelque chose comme « pantalon mort », mais qui est en fait un jeu de mots sur « roten Rosen », roses rouges) venait de faire une petite chanson sur les cent jours qui nous séparent de la fin du monde ; une petite chansonnette qui dit toutes sortes de choses à faire, des plus ordinaires (comme payer les factures ; vous ne voulez pas aller au bout du monde avec l’électricité coupée…) au plus haut niveau, comme de décider qui sont vos amis ou qui vous voudrez embrasser – les accords sur les masques et la distanciation sociale le permettant. Quels seront vos derniers mots, qui d’ailleurs ne seront pas enregistrés pour la postérité ? Une facétie ou une prière ? Ou allez-vous vous taire ? Serez-vous en compagnie ou seul ? Ou vous rendrez-vous compte qu’en réalité, le monde est déjà fini depuis longtemps et que vous ne l’avez même pas remarqué, occupé à écrire de futures idioties sur les réseaux sociaux ? [RV]
Dialogue Maïeutique
D’abord, dit Lucien l’âne, il faudrait que tu m’expliques le titre de la version française de cette chanson, car il me semble bien particulier ou en tout cas, divergeant par rapport aux titres des versions allemande et italienne.
Oui, d’abord, d’abord, tu as raison, Lucien l’âne mon ami. Donc, littéralement le titre allemand originel peut être traduit par – 100 jours jusqu’à l’effondrement ; le titre italien traduit par : 100 jours jusqu’à la fin du monde. Comme tu le sais, mon choix est en effet fort différent lorsqu’il dit – Cent jours avant le néant. L’allemand parle de l’effondrement, donc d’une catastrophe et d’une chose en mouvement, l’effondrement est un processus ; l’italien évoque un moment fixe et effroyable : la fin du monde et donc une situation ultime, une phase terminale ; quant à mon titre en pointant le néant, il décrit l’après, le futur.
En somme, dit Lucien l’âne, on a ainsi l’effondrement qui est une action ; la fin du monde qui est son aboutissement ; et le néant qui est son état futur au-delà du moment fatal. Ce sont effet trois visions différentes. C’est aussi le mystère de la traduction et sans doute aussi, y a-t-il derrière cette cacophonie une différence de perception, un certain décalage que j’aurais tendance à qualifier de philosophique, même si je la soupçonne fort d’être principalement due aux habitudes linguistiques. Mettons donc, le néant ; c’est lui qu’il faut que tu m’expliques.
Oh, dit Marco Valdo M.I., le néant. Ce n’est pas ce qui n’est pas, mais bien ce qui n’est plus. Je vois ta surprise, mais c’est pourtant logique. Pour définir, faire exister un « ce qui n’est pas », il faut nécessairement penser un « ce qui est » ; autrement, il n’y a rien qui l’institue. Et dès lors, le néant n’existe que parce qu’on peut l’envisager ; sinon, paradoxalement, le néant se réduit à rien. Évidemment, je te l’accorde, le même raisonnement peut être appliqué au rien ou à n’importe quoi. Mais pour en revenir à ce titre, le néant est ce qui n’est plus ou ce qui est au-delà de ce qui n’est plus ; c’est un troisième stade. On a donc trois temps, comme à la valse : ça s’effondre, c’est effondré ; ça n’est plus. Voilà tout ! Encore faut-il si ce n’est qu’une séquence réservée aux vivants que ça se passe calmement, que ce ne soit pas un scénario à la Brueghel, un triomphe de la mort.
Sans doute, dit Lucien l’âne, mais même dans ce cas, je perçois quelque chose de plus dans cette affirmation du néant, je pressens une tranquille certitude ou une certitude de tranquillité. Mais à part ça, que dit la chanson ?
Tout simplement, répond Marco Valdo M.I., elle s’interroge sur ce qu’on pourrait faire dans la période des cent jours qui précède l’effondrement – fin du monde – néant.
Oh, dit Lucien l’âne, cent jours, c’est le temps nécessaire pour aller de l’île d’Elbe à Waterloo.
En effet, reprend Marco Valdo M.I. en riant, mais la chanson n’a pas vu les choses sous cet angle historique et impérial. Elle est, en quelque sorte, plus terre à terre. Et globalement, elle peut – à part ce délai un peu pressant – être appliquée à la vie elle-même où qu’il s’agisse d’une femme, d’un homme, d’un enfant, d’un vieillard, d’une civilisation, d’un peuple, d’une espèce, d’un pays, d’un empire, d’un continent, de la vie sur une planète, de la planète, d’une étoile, d’une galaxie, d’un univers, bref, de tout ce à quoi on peut penser, tout rigoureusement et dans la plus ordinaire indifférence, tout connaîtra ses cent jours. Mais s’il faut s’arrêter à ça, on ne ferait plus rien.
Bien dit, dit Lucien l’âne, sur ça, je te rejoins. Tissons le linceul de ce vieux monde biologique, géologique, astronomique et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Avez-vous bien tout emballé
Qui vous importe et que vous aimez ?
Avez-vous rangé tous vos papiers
Et tous vos amis salués ?
Y a-t-il quelque chose inachevé ?
Toutes vos factures sont-elles payées ?
Votre tombe est-elle déjà commandée
Ou bien, vous vous en foutez ?
Que ferez-vous quand arrivera la nouvelle dernière :
« Cent jours avant le néant ! »
Votre ultime répartie, sera-t-elle une facétie ou une prière ?
Cent jours avant le néant.
Cent jours avant le néant.
Pour escalader chaque montagne, vous avez le temps ;
Pour parcourir chaque vallée, vous avez le temps ;
Pour traverser chaque mer, vous avez le temps ;
Pour voir chaque pays du monde, vous avez le temps ;
Vous avez le temps, pour décider,
Cent fois encore dans quelle direction aller.
Que ferez-vous quand arrivera la nouvelle dernière :
« Cent jours avant le néant ! »
Votre ultime répartie, sera-t-elle une facétie ou une prière ?
Cent jours avant le néant.
Cent jours avant le néant.
Lentement, vous devez décider,
Comment votre vie achever,
Et qui seront désormais vos ennemis
Et qui seront maintenant vos amis,
Et qui vous tiendrez dans vos bras,
Quand tout finira.
Que ferez-vous quand arrivera la nouvelle dernière :
« Cent jours avant le néant ! »
Votre ultime répartie, sera-t-elle une facétie ou une prière ?
Cent jours avant le néant.
Cent jours avant le néant.
Que ferez-vous quand arrivera la nouvelle dernière :
« Cent jours avant le néant ! »
Votre ultime répartie, sera-t-elle une facétie ou une prière ?
Cent jours avant le néant.
Seulement cent jours avant le néant.
Cent jours avant le néant.
Que ferez-vous quand arrivera la nouvelle dernière :
« Cent jours avant le néant ! »
Votre ultime répartie, sera-t-elle une facétie ou une prière ?
Cent jours avant le néant.
Seulement cent jours avant le néant,
Cent jours avant le néant.