dimanche 18 novembre 2018

BALLADE DES HABITS BLANCS


BALLADE DES HABITS BLANCS

Version française – BALLADE DES HABITS BLANCS – Marco Valdo M.I. – 2018
d’après la version italienne BALLATA DEI VESTITI DI BIANCO de Frantziscu Màsala / Francesco Masala
d’une








Une ballade, un poème-chanson (autrement dit : « cantone ») qui m’a rappelé des chansons comme Io so che un giorno de Ivan Della Mea ou Emigrato su in Germania et E qualcuno poi disse de Gianni Nebbiosi…



Écoutez, bonnes gens,
Depuis que monde est monde,
Toujours tournent en rond
Tournent toujours en rond
Les habits blancs.


Nous sommes dans le même bateau,
Depuis on ne sait plus quand,
Dans ce champ de blé
Le moissonneur ne vient
Jamais, ni aujourd’hui, ni demain.


Amis mal embarqués,
Compagnons de malheur,
Écoutez cette histoire,
C’est une histoire de vie,
Une histoire de mort.
Mon père paysan
Avait le ventre gorgé
De pain d’orge et d’eau,
Il moissonnait sous le soleil
Les épis rabougris.

Ma mère, œil de chèvre,
Était une chèvre sans lait ;
Chaque nuit, toute la nuit,
À une poupée de chiffons
Elle chantait sa berceuse.

Après, sont venus
Les
dieux de Milan :
Abandonne la terre, m’ont-ils dit,
Travaille à l’usine,
Tu seras ouvrier.

Ils m’ont pris ma terre
Et il m’est advenu ceci :
semer des briques,
Des tuyaux, des alambics,
Des cheminées,
Des trappes, des pièges,
Des engins infernaux :
Charger, décharger, monter,
Suer, peiner, démonter,
Visser, pousser, tourner,
Pincer, tenailler, tirer.

La fabrique de brouillard
Marchera toute seule, elle est cybernétique :
Je ne suis pas devenu ouvrier,
Je ne suis plus métayer,
Je suis seulement inoccupé.

Une valise liée avec la ficelle,
Émigré en Allemagne :
Dans les usines de ces patrons
Qui chaque soir se parfument
Le cul à l’eau de rose.

« Chaîne de montage » :
Charge, décharge, monte,
Sue, peine, démonte,
Visse, pousse, tourne,
Pince, tenaille, tire,
« Travaille… travaille… vite…
Travaille… vite… travaille… »

Une valise liée d’une ficelle,
Maltraitée
Par l’infortune.
Nous vivons dans
des baraques,
Nous sommes mille là-dedans :
Qui dort, qui mange,
Qui fume, qui boit,
Qui écrit, qui lit,
Qui crache, qui prie,
Qui jure, qui déprime,
Qui va au travail,
Qui revient du travail,
Jour et nuit, nuit et jour.

Aujourd’hui, ma pauvre femme
M’a écrit une lettre :
« Pourquoi
ne reviens-tu pas ? Je suis seule
Comme un
sillon sans semence ».
Étendu
sur le côté,
Je pense à son visage adoré.

Papillons de la mémoire
Et tarentules noires
Me mordent le cœur :
Je ne sais plus qui je suis
Je ne suis plus rien…
Librium… Camisole de force…
Électrochoc… Douche froide

Compris, bonnes gens ?
Je suis
revenu et ils m’ont mis maintenant
Parmi les habits blancs
Qui toujours en rond tournent,
En rond toujours tournent
Depuis que le monde est monde
Comme de pauvres types
À chaque jour compter
Depuis on ne sait plus quand,
Dans ce champ de blé
Le moissonneur ne vient
Jamais, ni aujourd’hui, ni demain.