mardi 15 mars 2022

MAMA ODESSA (en 1933)

 

MAMA ODESSA (en 1933)

 

Version française – MAMA ODESSA (en 1933) – Marco Valdo M.I. – 2022

d’après la version italienne de Riccardo Venturi

d’une

chanson ukrainienne (en yiddish) – Adessa Mame (1933 ça.) – Pesach Burstein – 1993

Interprétée par The Klezmer Conservatory Band
Album : The Thirteenth Anniversary Album, 1993
et par :
Pesach Burstein
Album : The Mazeltones Odessa, Washington

 

 



DANSE

Porcelaine – Musée juif – Odessa – Ukraine



C’est une chanson yiddish de Pesach Burstein. Les paroles et la musique sont différentes de celles de la chanson éponyme אדעסאַ מאַמאַ de Lebedeff. Toutes deux partagent la nostalgie d’Odessa, ville à la singulière coexistence métatemporelle. Les histoires, comme les crimes contre l’humanité, se reproduisent rarement sous les mêmes formes alors que les paradigmes de la mort se répètent, frappant tôt ou tard à la porte.

Burstein y mentionne la Moldavanka, un quartier d’Odessa habité par des amoureux, des marioles et des voleurs patentés, le quartier historique de la “mala”. Elle doit son nom à la colonie de Moldaves qui s’est installée à proximité au XVIIIe siècle. Elle était peuplée de Roumains, de Bulgares et de Juifs jusqu’en 1917. Ce sont les lieux célébrés par Isaac Babel dans les « Contes d’Odessa ». La chanson mentionne également la rue Bulgarskaja : sauf erreur, il s’agirait de l’actuelle Bolgarska ulica, qui est parallèle à la côte est de la ville.

Ce qui suit est un passage d’un essai de Joachim Schlör : Odessity publié dans le Quest Journal, Issues in Contemporary Jewish History Issue 2, 2011.


À LA RECHERCHE DE L’ODESSA TRANSNATIONALE



La particularité d’Odessa, le port ukrainien de la mer Noire, par rapport aux autres villes d’Ukraine et de Russie, est attribué à des qualités définissables comme « cosmopolites ». Aujourd’hui, tant les résidents que les non-résidents insistent sur le fait qu’Odessa est « internationale, multiethnique, juive, tolérante, mais pas ukrainienne ». Pourtant, l’Odessa cosmopolite du XIXᵉ siècle documentée par les historiens a été radicalement transformée par les cataclysmes de l’histoire du XXᵉ siècle. La ville a perdu la moitié de sa population à cause de la révolution et de la guerre civile. La classe dirigeante de l’Union soviétique a considérablement réduit l’importance économique d’Odessa et ses liens avec le monde. La Seconde Guerre mondiale a anéanti la population juive restante dans Odessa occupée, tandis que les politiques soviétiques ultérieures ont déporté les Allemands et les Tatars pour collaboration avec les nazis. Pendant ce temps, la campagne d’après-guerre de Staline contre le cosmopolitisme visait les Juifs et refusait explicitement tout contact et toute orientation vers le monde extérieur, de sorte que le passé cosmopolite d’Odessa était, du moins officiellement, dénigré et réprimé. Les procès de la « diversité » ont rapidement commencé, et comme dans tant d’autres parties de l’Empire, les Juifs ont été isolés, marginalisés, du moins tant qu’ils ont essayé de maintenir leur judéité ou de lui donner une nouvelle forme dans le mouvement sioniste. Ces processus ont fini par détruire l’équilibre précaire entre les communautés qui composaient autrefois Odessa et caractérisaient l’« Odessité ».
[…]
Odessa a pu être – ou est peut-être encore – “juive” dans la mesure où la ville a reflété les ambivalences juives sur le désir et l’appartenance, la maison et l’exil, Israël et la diaspora. Pendant plusieurs décennies, l’idée d’Odessa s’était transformée en un souvenir, un livre, un poème, une chanson ; aujourd’hui, beaucoup de choses ont à nouveau changé. Odessa est une ville ukrainienne, mais on peut trouver chez certains de ses habitants une nouvelle conscience du passé de la ville. Il existe un nouveau musée juif, des langues étrangères sont enseignées au « Bavarski dom », il y a un club culturel grec et le tourisme a amené des membres de groupes nombreux et variés à visiter la ville. Certains de ceux qui ont émigré en Israël ou en Allemagne au début des années 1990 reviennent ou, du moins, font la navette. Alors, où est Odessa ? Pendant de nombreuses années, les clubs et les équipes nationales du monde entier et le monde virtuel de l’internet ont été les seuls endroits où “Odessa” pouvait être commémoré et célébré. Aujourd’hui, la diversité, le multiculturalisme et l’esprit d’entreprise qui ont fait d’Odessa un objet de renommée et de nostalgie se retrouvent dans la ville qui porte son nom.




Les interprétations


En général, lorsque nous proposons plus d’une interprétation, nous préférons présenter d’abord l’originale ou la plus ancienne. Dans ce cas, nous nous sommes écartés du critère historique pour une raison simple et banale : depuis des années, nous avons un faible pour le Klezmer Conservatory Band, un groupe extraordinaire au répertoire vaste et intéressant, fruit de quarante ans d’activité.


[Riccardo Gullotta].






J’ai entendu beaucoup de bonnes chansons,

Toutes chantées avec beaucoup de passion.

Sur Slutsk, sur Belz, sur Tiatev et la Lituania.

Je n’ai rien entendu sur mon Odessa.


Peut-on oublier une ville si belle que ça,

Où vit ma patrie, où j’ai grandi.

Dans le monde entier, il y a une seule Odessa,

Je veux vous le rappeler ici.


Oh Odessa, mon Odessa, mon aimée,

Où je vais, où je suis, je ne pense qu’à toi.

Tes rues, tes foules, où ma vie est passée,

De jour, de nuit, j’ai nostalgie de toi.


Je me souviens du marché et des boutiques,

Et des bals mirifiques

Où les jeunes couples s’attachent,

Et vont les voyous aux fausses moustaches.


Et la dame au manteau en peau d’agneau,

Entrée au théâtre avec sa fourrure,

Ressortie, sans son beau manteau,

Ses épaules ont perdu leur parure.


Oh Odessa, mon Odessa, mon aimée,

Où je vais, où je suis, je ne pense qu’à toi.

Tes rues, tes foules, où ma vie est passée,

De jour, de nuit, j’ai la nostalgie de toi.


Ma Moldavanka où j’ai grandi,

Est-il au monde pareil diamant encore ?

Oh la Façade, devant mon œil encore épris,

Et les vagues de l’étrange Mer noire.


Rue de Bulgarsk, je me revois garçon,

Une fille au bras, à la main, les tournesols ;

Personne ne doit voir le baiser que je vole.

Je lui balançais ma chanson.


« Oh Jablodka, la belle Zipe est pour ma main,

Djela, ma mère, installe-moi un baldaquin,

Sois prête, Mère, installe-moi un baldaquin. »


Oh Odessa, mon Odessa, mon aimée,

Où je vais, où je suis, je ne pense qu’à toi.

Tes rues, tes foules, où ma vie est passée,

De jour, de nuit, j’ai la nostalgie de toi.