LA CHANSON DU CACHALOT
Version
française – LA
CHANSON DU CACHALOT – Marco
Valdo
M.I. – 2019
Chanson
italienne
– La
canzone del capodoglio
– La
Fabbrica dei Pesci Rossi
– 2011
Écrite
par Maggi et Marchitelli
Pour
tous ceux qui, comme moi, célèbrent le cachalot et non le Nouvel
An…
Dialogue
halieutique
En
fait, à quoi elle te fait penser cette chanson du cachalot ?
Dis-moi, Marco Valdo M.I. mon ami, toi qui viens de la mettre en
français ?
À
vrai dire, Lucien l’âne, ta question est vraiment pertinente, car
cette chanson m’a fait tout d’abord penser à « Bella
ciao ».
À
« Bella Ciao » ?, dit Lucien l’âne. Là,
vraiment, je suis surpris et j’aimerais quand même un mot ou deux
d’explication.
Eh
bien, Lucien l’âne mon ami, j’y ai immédiatement pensé rien
qu’à voir le début du texte. Compare le premier vers de chacune
des chansons : « Stamattina mi sono alzato, » (Bella
Ciao) et « Stamattina mi sono spiaggiato » (Capodoglio).
Je suis persuadé que ce n’est pas là un hasard et qua la
signification est évidente : les deux chansons sont unies par
leur chant de résistance.
J’imagine
que tu as raison, Marco Valdo M.I. mon ami. Mais je vois à ton œil
luisant que tu as d’autres réminiscences en tête. Au fait,
quelles sont-elles ?
Tout
d’abord, eu égard au titre de la chanson et à ce qu’elle
raconte – à première vue – la mort d’un cachalot, animal
aquatique, j’ai pensé à La Pêche à la Baleine de Prévert :
« La
baleine est sortie,
Asseyez-vous,
Attendez là,
Dans une quinzaine d’années, sans doute elle reviendra… »
Asseyez-vous,
Attendez là,
Dans une quinzaine d’années, sans doute elle reviendra… »
Évidemment,
ça ne pouvait manquer, dit Lucien l’âne, cette histoire de
baleine après celle du cachalot, mais encore ?
Et
puis, Lucien
l’âne mon ami, animal
marin pour animal marin, je me suis souvenu de La
complainte
du phoque
que
chantaient nos amis québecois de Beau Dommage.
« Ça
ne vaut pas la peine
De laisser ceux qu’on aime
Pour aller faire tourner
Des ballons sur son nez »
De laisser ceux qu’on aime
Pour aller faire tourner
Des ballons sur son nez »
Note
que ça, ça se discute ; il vaut peut-être mieux faire tourner
des ballons sur son nez que de … etc., il y a tant de choses qu’il
vaut mieux ne pas faire.
Certes,
Marco Valdo M.I. mon ami, la guerre par exemple. Et puis, tu en as
encore à proposer de tes réminiscences, qui sont choses inévitables
dans la chanson ?
Là,
Lucien l’âne mon ami, le chemin est un peu plus long et plus
tortueux. Il me faut te ramener au sens
général
de cette
canzone,
c’est-à-dire à la mort du cachalot et ce qu’elle incarne, la
mort du monde marin, la mort du vivant sur Terre – en tout cas, en
ce compris, par
ricochet, de
l’humanité. Comme
tu l’as peut-être entendu, dernièrement, on trouve de plus en
plus de poissons et de cétacés et d’autres animaux marins, morts
sur les plages, le ventre plein de plastique. C’est là que j’ai
dérivé vers Léo Ferré et sa prophétique chanson Le
Temps du Plastique,
qui date – rends-toi compte de 1959, soixante ans et qui disait
alors déjà :
« Il
est peut-être pas trop tard
Trop tard…
Trop tard…
Trop tard…
Trop tard…
Trop tard…
Trop tard…
Trop tard…
Trop tard… »
Trop tard…
Trop tard…
Trop tard…
Trop tard…
Trop tard…
Trop tard…
Trop tard…
Trop tard… »
Cependant,
même si Les
temps changent
comme
le pensent les optimistes quelque peu béats et crédules,
les
temps sont (de plus en plus) difficiles,
jusqu’à la disparition des temps, résultant de celle des
horlogers.
« Maintenant
Van Gogh vaut des millions,
Gauguin se vend mieux que du cochon.
Rien n’a changé on tourne en rond
Et dure dure ma chanson,
Le temps que je me marre. ».
Gauguin se vend mieux que du cochon.
Rien n’a changé on tourne en rond
Et dure dure ma chanson,
Le temps que je me marre. ».
Ah,
Léo, toujours Léo, dit Lucien l’âne. Tu n’aurais pas un petit
Vian à proposer, des fois ?
Évidemment,
dit Marco Valdo M.I., et quel Vian, Je
voudrais pas crever
que
j’entends encore
avec la voix, la voix inoubliable de Pierre Brasseur, qui joue pour
la cause le héraut :
« Je
voudrais pas crever,
Non monsieur, non madame,
Avant d’avoir tâté
Le goût qui me tourmente,
Le goût qu’est le plus fort.
Je voudrais pas crever,
Avant d’avoir goûté
La saveur de la mort. »
Non monsieur, non madame,
Avant d’avoir tâté
Le goût qui me tourmente,
Le goût qu’est le plus fort.
Je voudrais pas crever,
Avant d’avoir goûté
La saveur de la mort. »
Tout
compte fait, sentencie Lucien l’âne, c’était peut-être ce que
pense le cachalot ou la baleine quand il vague entre les vagues. Il
faut finir, alors je m’en vais conclure un peu abruptement, mais il
le faut. Oh, cachalot, cache-toi dans l’eau et ensemble, tissons le
linceul de ce vieux monde assassin, pestiféré, pestilentiel,
criminel et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Ce
matin, je me suis échoué sur une plage.
Pour
m’enfuir, je n’ai pas de jambes
Et
le sable, ce n’est pas la mer,
Pas
la mer.
Depuis
des jours, je nage dans le vide.
La
mer s’écrase sous les grandes ombres
Et
j’ai une énorme peur,
Énorme
peur.
Un
grondement a brisé la paix,
Des
bulles blanches envahissent la mer,
Maintenant,
dans la mer,
Je
pourrais me noyer.
Ce
matin, j’ai mangé une pomme,
Ce
matin, j’ai mangé une pomme,
Avec
le ver, avec le ver.
Je
suis le ver.
J’ai
avalé vos distractions,
Les
ersatz que vous avez créés,
Du
fer et des additifs, le verre en tessons
De
vos festivités.
Depuis
des jours, je nage dans le vide
Et
le rivage est soudain proche.
En
un instant, je te sens
Distant.
Je
suis fatigué et la vague de la mer
Pour
lui faire un câlin d’hiver
Caresse
ma peau.
Telle
est la fin d’un cachalot.
On
mange tous des pommes,
On
mange tous des pommes,
Avec
des vers, avec des vers :
Nous
sommes les vers.