mercredi 12 septembre 2018

Gare au Garou


Gare au Garou

Chanson française – Gare au Garou – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux –
88
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel –
III, XLIII)




Ah, dit Lucien Lane, qui arrive claudiquant à pas lents, ce titre me semble inspiré directement du « Gare au gorille ! », antienne du Gorille que composa et chanta Georges Brassens. Sans doute, le plus célèbre Gorille de tous les temps ; et à propos de gorilles, en restera-t-il encore sur Terre dans quelque temps ? Car, on les chasse odieusement. Cela dit, j’imagine que ce titre est un clin d’œil de connivence et c’est fort bien, mais est-elle aussi drôle, ta chanson ? ; je ne le sais pas, car je ne l’ai pas encore vue, mais j’en doute.

Elle ne l’est absolument pas, dit Marco Valdo M.I., car elle conte la chasse au loup-garou que va mener Till dans ces dunes proches de la plage, un lieu ordinairement empreint de paix et de sérénité, où depuis un certain temps – dans la nuit du samedi au dimanche – les gens sont assassinés. Tous ont la nuque brisée et au col des morsures de longues et pénétrantes dents. La dernière personne en date est Betkine, une jeune fille victime d’un meurtre dans les dunes. Cela posé, le « Gare au garou ! » s’impose, mais à l’inverse du « Gare au gorille ! », son avertissement, sa menace s’adresse au garou, c’est l’annonce faite au garou que sa fin approche à pas de loup.

Bien, dit Lucien l’âne, en se dandinant pour trouver la bonne position. Qu’en est-il alors de la chanson ? Que raconte-t-elle ?

Eh bien, reprend Marco Valdo M.I., elle rapporte la suite des événements qui fait escorte à la découverte du cadavre d’une jeune fille assassinée dans les dunes qui longent la Mer du Nord du côté de Knokke. On a ramené le corps à la maison communale de son village, on l’autopsié et le bruit s’est répandu qu’il s’agit de l’œuvre d’un loup-garou. Le loup-garou – comme on sait – est un personnage mythique qui incarne dans le monde paysan toute l’angoisse, toute la frayeur refoulées.

Évidemment, dit Lucien l’âne, car c’est l’incarnation du loup en humain ou de l’humain en loup. Et des histoires de loup-garou, le monde féodal en était plein ; le monde romantique aussi – pour ne parler que de l’Europe ancienne. Je ne connais pas les loups-garous des autres continents ; ils doivent avoir d’autres apparences. Dans le réel, tout au long de mes pérégrinations, je n’en ai jamais, au grand jamais rencontré un seul ; tout comme je n’ai jamais rencontré de farfadet, de lutin, de gnome, de démon, d’ange ou de dieu ; ce sont des fantaisies de l’imagination.

Donc, dit Marco Valdo M.I., à l’idée du loup-garou, l’imagination s’emballe et on – c’est vraiment de « on » qu’il s’agit – décrète la chasse au loup-garou. Tout le monde crie au loup, mais de tous ces crieurs du devoir, personne ne se présente pour aller véritablement à la chasse au garou – sauf la mère de l’enfant et ses frères. Simplement, surgissent alors quelques réflexions plus raisonnables et notamment, l’idée que l’assassin mystérieux ne saurait se résumer à un garou – lequel se préoccupe comme le vampire essentiellement de sang frais, car le vol apparaît comme le véritable mobile de ces assassinats. D’autre part, Till intervient qui se porte volontaire et pas trop certain de ne pas avoir à faire à un garou, il s’es confectionné un piège à loup comme on en faisait à l’époque. Il s’en va seul affronter le tueur et le reste est dit dans la chanson.

Oui, Marco Valdo M.I., laissons dire la suite à la chanson et reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde lâche, traître, pervers, assassin et cacochyme.



Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane


La population s’est rassemblée
Devant le corps de Betkine assassinée.
Femmes, enfants, hommes, tous pleurent
Et se lamentent d’un si grand malheur.

Et Toria, la mère de la morte
Geint et crie d’une voix forte :
« Je chasserai le garou jusqu’à tant
Que je le tuerai de mes dents. »

Des femmes dans son vœu la soutiennent,
Par prudence, d’autres la retiennent.
Avec son homme et ses frères, Toria s’en va
Par plage, dune et vallée et ne le trouve pas.

Le bailli dit : « Un loup-garou boit le sang,
Mais ne vole pas les habits d’argent. »
À la recherche des sols et des habits de l’enfant,
On arrête les bélîtres et les mendiants.

Mais tout ça ne donne rien.
Till alors s’en vient chez le bailli
Et dit : ce garou est un humain ;
J’en délivrerai le pays.

Till forge un piège secrètement,
Puis s’en va, dit-il, chasser la mouette.
Sur la plage, il ouït le flot déferlant
Et va voir le curé en tête à tête.

J’ai besoin d’aide pour cette nuit ;
Quelques hommes courageux, ça suffit.
Tous ont peur, à venger l’enfant, personne ne t’aidera
Sauf ses deux oncles et sa mère Toria.

Ce soir, le vent souffle d’Angleterre.
Till marche dans le sentier maudit,
Ses pas sont hésitants, il cherche la terre.
Il zigzague et titube en ivrogne accompli.

Till pose le piège sur le chemin
Il avance un peu et bande son arbalète.
Il chante faux un vrai refrain
Et veille en tanguant comme une bête.

Soudain, un pas lourd et ferme ;
D’un coup, un bruit de fer, un cri
Le piège se referme.
Le loup-garou est pris.