lundi 13 février 2017

LA GUERRE AUX VIEILLARDS


LA GUERRE AUX VIEILLARDS


Version française – LA GUERRE AUX VIEILLARDS – Marco Valdo M.I. – 2017
Chanson italienne – La guerra dei vecchiettiRemo Remotti




Récitatif


Le siècle que nous avons derrière nous est le Vingtième Siècle. Un siècle de sang, de mort, de sueur, de larmes. De douleur.
Il y eut la première guerre mondiale, quelques millions de morts dans une connerie. Avant, il y avait eu la guerre de Libye. Et ensuite, la guerre civile espagnole : trois années où les hommes se sont tués comme des bêtes féroces. La guerre d’Afrique. Et finalement, la seconde guerre mondiale. CINQUANTE MILLIONS DE MORTS. Vingt millions rien qu’en Russie. Six millions de Juifs : l’holocauste. Hiroshima. CENT QUARANTE MILLE MORTS CE MATIN-. Nonante mille morts à Nagasaki. Le jour sont débarqués les alliés, les Américains en Normandie, le D-DAY. Sauvez le soldat Ryan. En ce seul jour : TROIS MILLE MORTS. LÀ, SUR LA PLAGE.
Je suis un ex-colonel du Génie. Je suis un génie. On m’appelle Eugène. Je suis au repos, mais je ne me repose jamais. Je cogito ergo sum. Je pense. Et l’autre nuit, j’ai pensé. Une idée géniale m’est venue qui fera de moi un des hommes les plus célèbres après Einstein. Ils me donneront le prix Nobel pour la paix. J’irai aux Nations Unies exposer mon plan. Une bêtise. Un œuf de Colomb. Ça suffit ces guerres où nous envoyons tuer et se faire tuer ces jeunes dix-huit, vingt ans pour enrichir des pétroliers ou des banquiers internationaux. Dorénavant les guerres seront faites par les vieux !
« Quel âge avez-vous ? »
« S
eptante ans. »
« En avant, sous les drapeaux ! »

Ces vieillards que vous abandonnez dans les jardins publics en compagnie des chiens, des chats et d’autres animaux pour aller faire un voyage dans le monde l’été, dorénavant… un coup de pied au cul !
TOUS À LA CASERNE ! MÊME LES VIEILLES !
Les vieilles nous les mettrons toutes à la Croix Rouge. Nous les ferons marner ces vieillardes, putain !
Allez, la vieille, à la Croix Rouge !
« Ils tirent sur la
Croix Rouge ! »
« 
On s’en fout ! »C’est dans l’ordre des choses. Nous irons dans les hôpitaux, nous irons dans les hospices, partout. Tous les malades en phase terminale : tous kamikazes !
« Mais je suis mal ! »
« 
Putain, on s’en fout, tu dois mourir, et putain con ! Quelle euthanasie, euthanasie mon cul !
Quoi, vous voulez faire mourir votre petit-fils, qui y a dix-huit- vingt ans ? Allez vous faire enculer ! »
Il vaut mieux mourir d’un coup sur la tête, d’une balle dans la tête, que mourir sans couilles : dans un hôpital là, intubé comme un serpent après des mois de souffrances.
Monsieur Marinetti, le futuriste, disait « Les guerres, c’est la hygiène de l’humanité ». Une vilaine phrase, elle ne m’a jamais plu. Mais peut-être dans ce cas, elle pourrait quand même faire bon usage.

Et puis, ces guerres au front seront plus paisibles, comment dire ?, plus débonnaires.
Première ligne :
« 
Tirez ! »
« Et
sur quoi, je tire ? Je ne vois pas à deux mètres ! J’ai la cataracte. Et vous voulez que je tire ? ! ? ! »
«
Alors, lancez une grenade ! »
« 
OUI, bonne chance ! La grenade… j’ai l’épaule ici que je ne peux pas bougerAllez vous faire lanlaire ! »
« Mais que
faites-vous ? Vous vous chiez dans le froc ? Vous avez peur ? »
« Mais que
lle peur, je n’ai pas peur ! J’ai passé quatre-vingts ans, bordel ! De temps en temps, je chie dans mon froc ! Et quoi, vous ne le savez pas ? »

« Achtung achtung ! Un instant ! Frères, ennemis que faisons-nous ici, que sommes-nous en train de faire ? Traduisez un peu ! Achtung ! Ah À quoi joue-t-on ici ? Nous avons réussi à arriver à nos quatre-vingts ans et on va se massacrer comme un tas de cons ? On vous aime bien frères ! Venez ici que nous fassions la paix, embrassons-nous ! »
« Vous connaissez la dernière ? »
« Que s’est-il passé ? »
« Ils ont pris trois otages italiens. »
« Ah
les pauvres garçons… »
« Mais quels garçons ?
Ils ont septante, quatre-vingts, nonante ans… Tout le monde s’en fout ! Et ensuite, même s’ils les renvoient ces otages, nous, savez-vous ce que nous ferons ? Nous les remettrons à l’hospice ! »