La Marotte de Fol
Chanson
française – La Marotte de Fol– Marco Valdo M.I. –
2018
Ulenspiegel le Gueux – 34
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – II, VII)
Ulenspiegel le Gueux – 34
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – II, VII)
Lucien
l’âne mon ami, il te souviendra de ce qui était déjà amorcé
dans les précédentes chansons : Les
Gueux, La
Besace et Le
Joueur de Rommelpot, à savoir la répression de la
liberté de conscience des gens des Pays-Bas et des Ardennes, des
vallées de Sambre et Meuse et d’Escaut. De la Gueldre à
Saint-Quentin, les inquisiteurs et le bras armé de Philippe
s’échinaient à vaincre les hérésies, du moins de qui était
considéré ainsi par l’Église catholique et son très fidèle
fils, Philippe II d’Espagne.
Certes
que je me souviens de tout cela, Marco Valdo M.I. mon ami, et même
d’autres choses : de Lamme cherchant sa femme, de Till portant
la flamme de la révolte et de ce qui s’est dit avec l’hercule
buveur, Brederode. Mais que raconte de plus cette chanson ?
Elle
conte,
Lucien l’âne mon ami, une triste histoire ; enfin pas si
triste que ça finalement, comme on le verra. Mais quand même une
horrible affaire de trahison, une péripétie où paraît une
délatrice professionnelle, un agent de l’occupant, une
collaboratrice vénale qui rend compte
de tout au Cardinal Antoine
Perrenot de Granvelle,
qui est l’homme de Philippe d’Espagne. Ce Cardinal a dans la
population une réputation exécrable, au point qu’on le surnomme
le Chien rouge – le rouge étant la couleur de sa robe cardinalice.
Je vois l’interrogation dans ton œil. Donc, si on veut comparer ce
puissant ecclésiastique
dans son action comme gouvernant des Pays-bas à celle d’un
personnage du genre plus contemporain, j’imagine qu’on pourrait
l’assimiler à un gauleiter : par exemple, à Heinrich Himmler
quand il gouverna la Tchécoslovaquie.
Cette
affaire de délation est pénible, dit Lucien l’âne. Mais qu’en
pense Till, que fait Till ?
Eh
bien, Lucien l’âne mon ami, je peux aisément satisfaire ta
curiosité. Till conte fleurette à une couturière de la rue de
Flandre, laquelle se situe à Bruxelles, où on peut aujourd’hui
encore la parcourir et même, y trouver des couturières, car
c’est à présent un quartier où prospère le vêtement et autres
atours. J’y ai
moi-même conté fleurette. Dans mes jeunes années, il y avait
encore là certain cabaret où des artistes en chair et en os
faisaient leur récital au milieu du public. C’était plaisant, car
on pouvait lier connaissance avec eux sans difficulté. Donc, Till
fait des approches à une jeune fille qui chante qu’elle cherche un
époux. Rien là d’inhabituel. Et Till lui répond et propose sa
candidature.
Et
qu’en penserait Nelle ?, dit Lucien l’âne en riant d’un
regard malicieux.
Bof,
Lucien l’âne mon ami, Till
est, comme tu le sais, un personnage folâtre et un peu coquin. Il
aime les hôtesses, il aime la vie, il aime le vin. Et son joli
genre, cette
fois encore, va
le sauver. La jeune fille – un peu séduite – le
met en garde contre sa propre mère, qui n’est autre que la
délatrice, l’espionne de Granvelle. L’Histoire ne retiendra pas
le
nom de cette
odieuse personne,
mais lorsqu’on coupera sur la Grand-Place de Bruxelles la tête
d’Egmont (pour qui, selon la chanson, la vieille mégère a brodé
la marotte), elle se souviendra très bien des
méfaits de
cette sordide taupe.
Comme tu le vois, on est déjà vraiment dans la guerre contre
l’occupant espagnol.
Mais,
dis-moi Marco Valdo M.I. mon ami, comme tu le sais, j’ai la manie
de vouloir décrypter tes titres de chanson et donc, j’aimerais que
tu me dises quelques mots de cette « marotte de fol ».
Évidemment,
Lucien l’âne mon ami, et avec grand plaisir encore. Alors, cette
marotte de fol est
– à l’origine
– un bâton
taillé surmonté d’une tête, souvent celle de la Vierge Marie et
cette marotte est portée par les fous ; du moins, par les fous
et les fols de château ou de carnaval. Quant à son nom, il dérive
de celui de Marie,
mariole, marotte. Pour ce qui
est de savoir pourquoi
les conjurés ont choisi cet insigne, ce signe de reconnaissance, je
n’en sais rien et je serais bien curieux de le savoir.
Passons
sur ce détail, dit Lucien l’âne, il est temps de conclure et
reprendre notre tâche ; tissons donc le linceul de ce vieux
monde traître, délateur, vénal, collabo et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Les
cendres de Claes battaient
Sur
la poitrine de Till en colère ;
Les
flammes rouges éclairaient
Tous
les horizons de la terre des pères.
Irrémédiables,
les jours noirs viendront
Comme
l’hiver en l’année,
Heureux
ceux qui tiendront haut l’épée.
Till
dit à Lamme : Marchons !
Août,
août
Dis-moi,
doux mois,
Qui
sera mon époux ?
Qui
comblera mon émoi ?
Ainsi
chantait en la rue de Flandre la couturière.
Till
dit : regarde-moi !
Je
ne suis pas de pierre,
Je
ne suis pas de bois.
Qui
donc es-tu, bel amoureux ?
Vas-tu
à messe ? En confession ?
Es-tu
riche ? Es-tu un de ces gueux
Qui
résiste aux placards de l’Inquisition ?
Ah,
dit Till, les cendres battent mon cœur,
Le
feu de vengeance en fureur
Me
parle à toute heure
Et
rougeoie encore l’affreuse lueur.
Que
les rats rongent l’oppresseur,
Que
le glaive, la corde, la dévastation
Ruinent
les bourreaux jusqu’en leur demeure,
Que
périsse l’envahisseur et meure sa religion !
Quand
tu verras ma mère,
Tiens
ta langue, petit frère.
Elle
cause, elle cancane à tout-va,
Et
murmure aux oreilles du roi.
Marie,
marotte de fol, signal
Contre
le Chien rouge, contre Granvelle,
Cardinal
au roi féal
Qui
veut museler Mons, Anvers et Bruxelles.
Ah,
dit la vieille, cet insigne, j’ai brodé
Sur
le manteau d’Egmont et des autres conjurés
Qui
vont en ville encapuchonnés.
Le
Chien rouge en est très fâché.