samedi 7 octobre 2017

ÊTRE ROI

ÊTRE ROI


Version française – ÊTRE ROI – Marco Valdo M.I. – 2017
d’après la version italienne VOGLIO ESSERE RE de l’ Anonimo Toscano del XXI Secolo
d’une
Chanson catalaneJo vull ser reiEls Pets – 1994







Une chansonnette amusante et ironique sur les droits sacrés des dynasties, écrite en 1994 (in tempore non suspecto) par le groupe catalan « Els Pets », littéralement : « Les Pets » (ou les prouts). À l’époque, Juan Carlos 1er (Juan Carlos Alfonso Víctor María de Borbón y Borbón-Dos Sicilias) était encore roi d’Espagne ( je n’ai jamais compris pourquoi la reine ou le roi d’Angleterre doivent s’appeler« Elisabetta » ou « Carlo » en italien, et celui d’Espagne ne pourrait pas être Giancarlo – en français : Jean-Charles, d’autant plus qu’il est né à Rome, viale dei Parioli 122 – c’est même un « pariolino » ( nom donné aux habitants de ce quartier assez snob ; dans les campagnes, on dirait « un de la ville » !). Jean-Charles Premier avait été mis sur le trône par Francisco Franco ; ensuite on a dit qu’« il avait facilité le passage à la démocratie ».

Cependant, Els Pets se demandent, comment est-ce possible, putain, je ne pourrais jamais être roi ? Jamais voté ou élu ? C’est ce que se demandait peut-être lui aussi dans cette circonstance, le successeur de Jean-Charles, un certain Philippe, un beau fieu et affectueux papa de roitelets qui un jour lui succéderont lorsque il donnera sa démission (en jargon, on dit abdiquer, ndr) ou tirera sa révérence, qui est obstinément absolument contre un vote libre et qui n’a même pas dit un mot sur les façons avec lesquelles on a cherché à l’empêcher, bien soutenu par le gouvernement, les partis (même celui « socialiste » !), les militaires et une improbable Union Européenne, qui pourtant, dernièrement, a dû subir la défection d’une ancienne monarchie. La motivation fournie par le roi Philippe est éclairante : « L’économie sera sur les genoux ». Autant dire : Vive les sacrées et indivisibles frontières de la Patrie !

Dans la lointaine 1994, cependant, des garçons musiqueux se demandaient, avec un peu de désappointement ironique, pourquoi ils ne pouvaient pas aspirer à être rois, avoir la moto déjà pétaradante au pied de la maison, pouvoir voyager et aller faire du ski en Suisse. Qui voudraient la République ? Peut-être. Entre temps, ici, on voit des images historiques du roi Jean-Charles, qui, bien qu’ayant abdiqué jouit toujours d’une enviable santé (à 79 ans) et remporte même des trophées internationaux en voilier. Le voilier doit être une affaire de roi ; Constantin de Grèce (encore une fois : pourquoi pas Konstandinos ?), par exemple, en était un champion et célèbre, il remporta même la médaille d’or aux Olympiades de Rome de 1960 ; quelques années après, par contre, il gagna un exil doré après avoir mal fait ses calculs à l’occasion d’un coup d’état fasciste (qui, d’autre part, instaura la république ; c’est dire qu’il n’y a jamais rien de parfait dans ce monde).

Pour ce qui me concerne moi personnellement en personne, encore tout gamin je tentai, à l’Elbe, de mettre pied sur un petit bateau à voile de classe « Laser », avec des résultats désastreux. Ensuite je m’essayai au windsurf, en me renversant catastrophiquement et en frappant de plein fouet un pauvre oursin qui termina son existence en me plantant vingt-six mille aiguillons dans un pied. Cela prouve que ni moi, ni les Pets catalans ne nous pourrons jamais être rois. Cependant, il me plaît terminer avec les mots d’un sujet d’une monarchie, défini comme « un barbare ne manquant pas de talent », écrits il y a quelque temps pour une de ses pièces. Il s’appelait Guglielmo (je ne vois pas pourquoi l’appeler « William »).

« Oh gentilhommes, le temps de la vie est bref !
Passer cette brièveté dans la bassesse
Serait chose trop longue.
Si nous vivons, c’est pour marcher sur la tête des Rois. »
[At-XXI]


Dialogue Maïeutique


Tu vois, Lucien l’âne mon ami, notre ami l’Athée du XXIième siècle est de retour. Saluons-le.

Oh, oui, Marco Valdo M.I. mon ami, il convient de toujours saluer les athées, car ce sont des amis, surtout pour nous les ânes qui ne croyons ni à Dieu(x), ni à diable(s) ; ni aux barbus, ni aux cornus. Je le salue donc. Et j’en profite pour lui signaler cet autre marin de plaisance qu’était Guillaume, alias Wilhelm, alias Friedrich Wilhelm Viktor Albrecht von Hohenzollern, tellement passionné de régates du côté de Kiel, qu’il se fit faire une marine complète avec croiseurs et sous-marins ; les choses se sont mal terminées pour lui aussi et pire encore évidemment pour les populations qui le chérissaient tellement – croyait-il. Là aussi, il y eut des surprises.

Tout cela est exact, Lucien l’âne mon ami, mais il me faut en venir à la canzone et d'abord et avant tout, rappeler que c’est une chanson catalane et qu’avec le recul (elle date de 1994 et nous sommes en 2017), elle éclaire d’une singulière lueur les événements qui se déroulent actuellement. Une petite remarque pour attirer ton attention sur le fait que j’ai laissé de côté la référence directe à Porcel, plus exactement Baltasar Porcel le Pujol (1937-2009), important écrivain, essayiste, dramaturge et journaliste majorcain, qui écrivit tant en castillan qu’en catalan. Il fut très lié à Jean-Charles de Bourbon et que je lui ai préféré le nom de « plume », nettement plus général, lequel englobe tous les scribes, écrivassiers, journaleux à la solde du pouvoir. Au passage, on aurait ainsi une interprétation un peu hérétique de l’adage « La plume est serve, mais la parole est libre », que interpréterais et que j’utiliserais de la façon suivante : les plumitifs (gens à la solde du pouvoir central et en ce cas, royal) sont à la botte, mais la parole de la rue est libre. Autre façon d’éclairer les événements. Pour le reste, je te laisse découvrir le texte de cette chanson où la fonction et la personne royales sont plongées dans un bain d’acide ironique.

Oh, dit Lucien l’âne en riant de toutes ses dents, c’est une vision très populaire, mais les puissants ne l’entendent pas de cette oreille. Ils n’aiment pas les caricatures ; c’est contraire à leur nature révérencieuse et protocolaire et pour tout dire, imbue d’elle-même plus que raison. Les riches et les puissants détestent qu’on se moque de leurs petits travers et de leurs gros ridicules (grosses bagnoles, costumes d’apparence, démarches guindées, langues ampoulées, cous amidonnés), car – et ils ont raison – ils soupçonnent qu’on met ainsi en cause leur importance. En fait, elle est égale à toutes les autres, c’est-à-dire nulle ou infinie. Ce qui les gêne, c’est surtout qu’elle soit égale. C’est l’égalité qu’ils veulent exclure de la légalité. Quant à nous, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce monde riche, trop riche, inégal, insensé, raide, gonflé de son importance et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Je veux être roi !
Être, bordel, chef de l’État !
Avoir tout pour moi

Parce que je suis le fils à papa ;
Faire tout à ma mode
Sans être jamais élu, jamais candidat ;
Avoir toujours prête
Ma moto en bas de chez moi.

Très gêné d’être entouré
D’une bande de lèche-bottes
Qui suent l’infaillibilité
Tel un dictateur, tel un cacique.

Me faire une petite baise
Avec la certitude
Que l’enfant ainsi né
Aura son avenir bien assuré.
Avoir
une plume
Qui me défende
Ou me fasse des discours
Que tous applaudissent toujours.

Très gêné d’être entouré
D’une bande de lèche-bottes
Qui suent l’infaillibilité
Tel un dictateur, tel un cacique.

S’il est certain qu’on est égaux devant la loi,
Pourquoi, bordel, je ne pourrais jamais être roi,
Être roi,
Être roi ?

Réclamer
Contre qui m’a mis ici
À ne parler
Que l’espagnol et puis,
Beaucoup voyager
Tant officiellement que pour mon plaisir
Qui est, comme on sait,
De skier en Suisse à loisir.

Très gêné d’être entouré
D’une bande de lèche-bottes
Qui suent l’infaillibilité
Tel un dictateur, tel un cacique.

S’il est certain qu’on est égaux devant la loi,
Pourquoi, bordel, je ne pourrais jamais être roi,
Être roi,
Être roi ?