jeudi 31 mars 2016

UNE LUCIOLE D’AOÛT


UNE LUCIOLE D’AOÛT

Version française – UNE LUCIOLE D’AOÛT – Marco Valdo M.I. – 2016
Chanson italienne – Una lucciola d’agosto – Gianmaria Testa – 2003







Une luciole d’août 

S’en allait un matin doux,
Fière de sa valise,

Chercher la lune
Et criait aux quatre vents
Sa joie d’être vivant.
Elle la criait aux quatre vents
Et sa lumière clignotait joyeusement.

Mais la luciole d’août,
douce luciole
Vit le soleil qui naissait.

Seul, derrière les montagnes,
Elle vit le soleil qui brillait.
Elle dit au soleil : il ne faut pas monter
Avec ta lumière assassine.
Elle cria au soleil – de ne pas monter
Et sa lumière déjà décline.

Et sur un perce-neige,
On trouva une luciole d’août, douce luciole,
Tenant dans sa main droite,
Sa valise contenant la lune.
Ils dirent : elle sera morte
De peur ou d’amour trop fortes.
Ils dirent : elle sera morte,
Car elle n’avait plus de lumière,
Car elle n’avait plus de lumière.

Et le soleil vit la luciole
Sur cette fleur de neige
Et à la luciole,
Il offrit un sourire.


Un des derniers, si pas le dernier, poème de Gianmaria Testa, dit par lui-même le 21 novembre 2015. Un poème contre la guerre (version française Marco Valdo M.I.) :


LA BEAUTÉ EXISTE

Dans le bec jaune-oranger d’un merle

Dans n’importe quelle fleur
Dans l’horizon perdu et lointain de la mer

La beauté existe.
C’est un mystère dévoilé
Un secret évident
La vie.
La beauté existe

Et elle n’a peur de rien
Même pas de nous
Les gens.

mercredi 30 mars 2016

SENS DESSOUS – DESSUS


SENS DESSOUS – DESSUS

Version française – SENS DESSOUS – DESSUS – Marco valdo M.I. – 2016
Chanson italienne – SottosopraGianmaria Testa – 2011




Moi, je reste ici par ma volonté et je me contente

De parler avec l’enfant.






Tu vois, Lucien l’âne mon ami, même si comme moi, on déteste travailler dans l’instant, dans la coulée de l’actualité, on peut parfois faire l’exception. C’est le cas, ce soir, pour Gianmaria Testa, que j’avais traduit plusieurs fois pour les Chansons contre la Guerre. Je l’avais même suivi – de loin – lors d’une tournée au Québec où il s’essayait à chanter Ferré. Et donc, je me suis dit qu’aujourd’hui, je lui consacrerai une version française d’une de ses chansons. Hommage du vice à la vertu !


En effet. Qui es-tu toi pour décider de pareil hommage ?, dit Lucien l’âne en souriant.


Oh, comme tu le sais, je ne suis rien et comme toi, je m’en vais dans le sous-bois d’un petit pas. Mais, si tu veux bien, je reviens à Gianmaria Testa et à sa chanson Sottosopra qui me semble incarner sa situation présente. Car, tu le verras en lisant, cette chanson raconte l’histoire d’un homme qu’on écarte de son destin et qui va se réfugier sur un toit – solitaire, pour réfléchir à sa propre vie. Évidemment, comme pour toute la poésie, il faut dépasser l’interprétation au premier degré (où cet homme était un travailleur révolté et désespéré) et lui donner un plus vaste horizon. En l’occurrence, je l'ai reformulée pour l’infini du néant, où – dit Gianmaria Testa :
«  Ainsi tout seul, je continue mon histoire.
Il ne m’importe plus de descendre ou de rentrer ».


Eh bien, saluons cet homme en sa retraite éternelle et reprenons notre tâche et tissons le suaire de ce vieux monde si frelaté, télévisuel, médiatisé et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Beaucoup plus que la terre sous mes pieds,
Ici me manquent les voix et la cité
Et puis, tu me manques toi que je ne vois plus
Depuis que je suis ici au-dessus.

Nous sommes montés avant la fin de notre service
Pour voir du toit de l’usine
Si d’en haut, on pourrait identifier
Celui qui nous a fait licencier.

À toute allure, le premier jour est passé :
Nous dessus, et les autres dessous à se demander
Qui sont ces visages sur le toit
Et que peuvent-ils regarder de là.

Puis la patrouille est arrivée,
Un enfant a salué d’un balcon.
Avant qu’il fasse nuit, la télévision
S’est installée.

Non, je ne descends pas
Et on ne m’aura pas en bas,
Même pas la télé.
Non, je ne descends pas
Et va-z-y toi
Devant la télé !

Comme des passants quand il pleut à l’improviste,
Entassés sous l’abri d’un porche unique,
Ceux de dessous s’écrasaient sans façon
Devant la camera de la transmission.

Moi sur le toit, je suis resté moi-même ;
Pour moi, c’est la faute à la délocalisation.
Tous voulaient le micro pour dire
Quelque chose à la télévision

Quand l’obscurité tomba dans les rues,
Sur les grilles et les barrières de Turin,
Même le lampion du balcon s’est éteint
Où cet enfant regarde les nues.

Moi pour un instant, j’ai cru te voir
Parmi les autres en dessous, par solidarité.
Ce n’était pas toi et je suis resté dans le noir,
Sur le toit, seul à bivouaquer.

Non, je ne descends pas
Et on ne m’aura pas en bas,
même pas la télé.
Non, je ne descends pas
Et va-z-y toi
Devant la télé !

Des jours et des nuits ont passé depuis ce moment
Et dans la rue, tout recommence à circuler.
Quelqu’un lève les yeux de temps en temps
Et me regarde regarder.


Les camarades sont partis et je les comprends,
Il n’est pas si facile de rester
Quand quelqu’un t’attend,
Si tu as quelqu’un à qui raconter.

Ainsi tout seul, je continue mon histoire.
Il ne m’importe plus de descendre ou de rentrer,
Il ne m’importe même plus de savoir
Qui m’a licencié.

Les jours passent tous égaux sans que je les compte ;
Ils étouffent qui les prend pour argent comptant.
Moi, je reste ici par ma volonté et je me contente
De parler avec l’enfant.



JE T’OFFRIRAI UNE ROSE

JE T’OFFRIRAI UNE ROSE

Version française – JE T’OFFRIRAI UNE ROSE – Marco Valdo M.I. – 2010 – nouvelle version 2016.
Chanson italienne – Ti regalerò una rosa – Simone Cristicchi – 2007



Je t’offrirai une rose, 
Une rose rouge pour peindre toute chose 



Une autre chanson qui parle de folie et d’asiles.



Moi, dit Lucien l’âne, je trouve cette nouvelle version plus jolie…


Je t’offrirai une rose,
Une rose rouge pour peindre toute chose ;
Une rose pour consoler chacune de tes larmes ;
Une rose pour t’aimer.
Je t’offrirai une rose,
Une rose blanche comme si tu étais mon épouse,
Une rose blanche qui te serve à oublier
La moindre peine.

Je m’appelle Antonio et je suis fou à lier
Je suis né en 54 et je vis ici depuis que j’étais enfant ;
Ils m’ont enfermé ainsi dans un asile durant quarante ans.
Je t’écris cette lettre, car je ne sais pas parler –
Pardonne ma calligraphie de petit garçon –
Et je m’étonne d’éprouver encore une émotion,
Mais la faute est à ma main qui ne cesse de trembler.

Je suis un piano avec une touche cassée,
L’accord dissonant d’un orchestre d’ivrognes
Et jour et nuit continuent à se ressembler
Dans le peu de lumière qui traverse les vitres opaques.
Je fais encore sous moi tant j’ai peur ;
Pour la société des sains, nous avons toujours été des hideurs.
Je pue de pisse et de chiure :
J’ai une maladie mentale et il n’existe pas de cure.

Je t’offrirai une rose,
Une rose rouge pour peindre toute chose ;
Une rose pour consoler chacune de tes larmes ;
Une rose pour t’aimer.
Je t’offrirai une rose,
Une rose blanche comme si tu étais mon épouse,
Une rose blanche qui te serve à oublier
La moindre peine.

Les fous sont des points d’interrogation sans phrase,
Des milliers d’astronefs qui rentrent à la base.
Ce sont des pantins étendus au soleil à sécher ;
Les fous sont des apôtres d’un Dieu qui les a rejetés.
Avec la frigolite, je me fabrique de la neige ;
Dtre toujours seul, m’a fait si malheureux.
Maintenant prenez un télescope, mesurez les distances
Et regardez entre vous et moi, qui est le plus dangereux ?

Dans les pavillons, nous nous aimons en cachette
Ciselant un coin qui soit à nous seulement.
Je me rappelle les rares instants où nous nous sentons vivants,
Plus un de ces dossiers cliniques perdus dans des archives.
Tu seras le dernier à disparaître de mon cœur ;
Tu étais comme mon ange lié à un radiateur.
Malgré tout, je t’attends à chaque heure
Et si je ferme les yeux, je sens ta main qui m’effleure.

Je t’offrirai une rose,
Une rose rouge pour peindre toute chose ;
Une rose pour consoler chacune de tes larmes ;
Une rose pour t’aimer.
Je t’offrirai une rose,
Une rose blanche comme si tu étais mon épouse,
Une rose blanche qui te serve à oublier
La moindre peine.

Je m’appelle Antonio et je suis sur le toit
Chère Marguerite, ça fait vingt ans que je t’attends
Nous sommes les fous quand personne ne nous comprend
Je te laisse cette lettre, à présent je dois partir sans toi
Pardonne ma calligraphie de petit garçon –
Et je m’étonne d’éprouver encore une émotion,
Qu’Antonio sache voler, ça t’étonne toi ?

mardi 29 mars 2016

APRÈS LA BATAILLE

APRÈS LA BATAILLE




Version française – APRÈS LA BATAILLE – Marco Valdo M.I. – 2016
Chanson allemande – Nach der Schlacht – Kurt Tucholsky – 1924



Texte de Kurt Tucholsky, publié sous le pseudonyme de Theobald Tiger in Die Weltbühne du 29 mai 1924.




Entre 1959 et 1961 ce
poème de Tucholsky, comme beaucoup d’autres, fut mis en musique par Hanns Eisler. L’interprétation de Ernst Busch se trouve sur le disque « Rosen Auf Den Weg GestreutErnst Busch Singt Kurt Tucholsky » publié en 1981.En 1984, on trouve la version de Leon Boden et Bernd Klinzmann dans leur « Tucholsky in Rock ».
Plus récemment, l
e poème a été repris par Christoph Holzhöfer, prolifique auteur-compositeur allemand de « gauche », originaire de Bestwig, Rhénanie-Westphalie.

Quand je vais mal, personne ne me répond.

La faim d’autrui est terrible : elle gêne.
Et
plus d’un dit, en entendant mon nom :
« Oui,
oui, je me rappelle… »

Je sonne en vain à toutes les portes.
J’encaisse ainsi, quand je patiente là sur le pavé.
Comme résultat d’une vie entière, il reste :
« Mon Dieu, c’est passé – ! »

Un ami des bons jours d’antan,
M’adresse quelques bonnes paroles
Il parle et m’offre un de ses vieux col
Et puis, se sauve rapidement.

Moi, je me cacherais, s’il m’arrivait d’aller mal,
Il y a ici d’autres encore beaucoup plus mal :
Certains mendient aux coins des rues.
Là, l’un à côté de l’autre.

De quoi me plaindrais-je, si je ne peux plus rien faire ?
D’autres trouvent, après la sanglante danse d’enfer,
Avec une jambe de bois et une médaille de pacotille,
Le remerciement de la patrie.

lundi 28 mars 2016

LE TESTAMENT DU CURÉ MESLIER 2018

LE TESTAMENT DU CURÉ MESLIER



Nouvelle version française – LE TESTAMENT DU CURÉ MESLIER – Marco Valdo M.I. – 2016
à partir de la
Version française – LE TESTAMENT DU CURÉ MESLIER – Marco Valdo M.I. – 2008
 Chanson italienne – Il testamento del parocco Meslier – Anton Virgilio Savona – 1972






Mes chers amis, puisqu'il ne m'auroit pas été permis et qu'il auroit même été d'une trop dangereuse et trop facheuse consequence pour moi de vous dire ouvertement, pendant ma vie, ce que je pensais de la conduitte et du gouvernement des hommes, de leurs religions et de leurs moeurs, j'ai résolû de vous le dire au moins après ma mort... (JEAN MESLIER - 1729)

À tous présents et à venir, salut !

Il existe une pièce de théâtre qui donne la parole à Jean Meslier et un remarquable petit théâtre de Bruxelles qui la portait depuis sa création. La Ministre de la Culture vient de tuer le Théâtre et d’asphyxier la pièce. Il faut que la Ministre en question est membre du parti catholique, qui se dissimule en Belgique sous le nom jésuitique de « Centre Démocrate Humaniste », on ne peut plus faux-cul.

La pièce s’intitule :
Curé le jour, athée la nuit...
La bonne parole du curé Meslier


En résumé, la Ministre de la Culture a supprimé la dotation au Théâtre Poème où j'ai donné (in illo tempore) vers 1965 des conférences sur Boris Vian et parmi toutes les conséquences de cet assassinat assez analphabète, la pièce de Jean-François Jacobs à propos de Jean Meslier a été elle aussi asphyxiée. Sauf si on l'aide, ce que j'ai déjà fait un peu. Il n'est pas nécessaire de se ruiner, mais il est important de faire savoir qu'on soutient les artistes.
Par ailleurs, ABA (association belge des athées) a décidé de se porter productrice de ce spectacle.
On peut aussi faire circuler l'info.

Voir en annexe pour les détails :


https://fr.ulule.com/cure-le-jour-athee-la-nuit



Cordial

Marco Valdo M.I.


Ah, Lucien l’âne mon ami, en ces temps troubles, je suis allé au spectacle pas plus tard qu’hier à Bruxelles pour écouter la bonne parole du curé Meslier. On n’était pas vraiment très nombreux, car la salle était petite et puis, on n’aurait pas mis grand monde non plus dans l’église de Jean Meslier à Étrépigny.

Que voilà une bonne idée d’aller écouter la bonne parole d’un si bon curé, dit Lucien Lane en riant.

En effet, tu ne pourrais mieux dire, car c’était un excellent sermon, un très remarquable prône dans lequel notre curé athée s’en prend directement à toutes les religions – je dis bien à toutes les religions, y compris in primis les monothéismes, les religions du Livre. Mais pas seulement, cependant.

Pas seulement aux religions et à qui donc peut-il faire de tels reproches, de si grandes accusations ?, dit Lucien l’âne en levant les oreilles vers l’infinitude des espaces et des temps.


Eh bien, notre bon curé, qui connaît la vie qui est faire aux pauvres, s’en prend également aux riches et aux puissants – comme nous le faisons à la suite de Pierre Valdo – quand nous évoquons la Guerre de Cent Mille Ans que les riches et les puissants (les mêmes) font aux pauvres afin de les dominer, de les écraser, de les ruiner, de les mépriser et de s’assurer en propre les plus énormes richesses et les plus grands privilèges. C’était vrai au temps de Valdo, c’était vrai au temps de Meslier et c’est toujours vrai de notre temps. Et je me suis souvenu qu’il y a déjà huit ans, j’avais fait une version française d’une chanson italienne d’Anton Virgilio Savona, intitulée précisément « Il Testamento del parocco Meslier ». Mais, elle s’était un peu perdue à l’horizon.

C’est un peu normal, car depuis ce temps-là, à vue de nez, tu as fait plusieurs centaines de versions françaises de toutes sortes. Il est assez compréhensible que tu perdes de vue les plus anciennes.


Et donc, je me suis dit qu’il fallait profiter de l’occasion pour la ramener au jour et tant qu’à faire, la toiletter un peu et en donner une nouvelle version. Restait à la publier : bien évidemment, dans les Chansons contre la Guerre et tout aussi évidemment sur les blogs : le mien (Canzones) et le tien, celui de l’Asino resuscitato.

C’est un bon jour que ce lundi de Pâques pour une résurrection, dit Lucien l’âne en brayant un bon coup. Maintenant, voyons voir cette nouvelle version et reprenons notre tâche qui consiste à tisser le suaire de ce vieux monde crédule, croyant, superstitieux, religieux, sectaire et cacochyme.


Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Dernières nouvelles de Jean Meslier
Depuis Bruxelles 28 mars 2016.


Il s’agit de signaler deux livres à propos de Jean Meslier :

Celui de Serge Deruette :

LIRE JEAN MESLIER, CURÉ ET ATHÉE RÉVOLUTIONNAIRE (http://www.aden.be/index.php?aden=lire-jean-meslier---cure-et-athee-revolutionnaire)
Il s’agit de voir aussi cet extrait de sa conférence à propos de Meslier : https://www.youtube.com/watch?v=Bs1dvuyWnEI

Celui de Jean-François Jacobs :
LA BONNE PAROLE DU CURÉ MESLIER
chez le même éditeur (Aden)
et voir cette présentation du spectacle en un extrait de la véritable performance d’Alexandre Von Sivers
dont j’extrais (pour l’édification générale) cette petite citation :

« Unissez-vous donc, peuples, si vous êtes sages !
Toutes les religions ne sont que des inventions humaines.
La matière ne peut avoir été créée.
Elle a d’elle-même son être et son mouvement.
Il n’y a point de Dieu. »

À entendre certains qui discourent sur les « racines chrétiennes de l’Europe », dont je rappelle qu’il s’agit d’une marchandise d’importation, d’une pacotille pour bons sauvages, d’une colonisation cultuelle par des missionnaires venus du Moyen-Orient, je me dis qu’il est bon et juste de leur opposer Jean Meslier, né dans les Ardennes et solidement enraciné dans une des plus belles régions européennes.

Évidemment, également, une publication dans l’Asino s’impose, dit Lucien l’âne.
C’est ce que nous allons faire…
Car, comme les paysans (les terroni) de Lucanie, région du sud de l’Italie, anciennement Grande Grèce, pas loin d’Élée :
« Noi, non siamo cristiani, siamo somari » (Nous, nous ne sommes pas des chrétiens, nous sommes des bêtes de somme, des gens, des mécréants, des athées…)

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane


Chanson italienne – Il testamento del parocco Meslier - Anton Virgilio Savona - 1972
LE TESTAMENT DU CURÉ MESLIER

Vous avez sur le râble le fardeau pesant
Des princes, des prêtres, des tyrans
et des gouvernements;
des nobles, des moines, des chanoinesses et des prélats,
des fripons de garde-sel et de tabac
et des magistrats.
Vous avez sur le râble les puissants et les guerriers,
les ineptes, les inutiles et les rusés,
et les douaniers,
les riches qui volent pour s'engraisser
laissant le peuple entier
entretemps – crever.

Abattez
les riches condottières
et les princes !
Ce sont eux,
pas ceux de l'enfer,
les diables !

Des vermines qui laissent au paysan
seulement la paille du grain
et la lie du vin.
Ils théorisent paix, bonté et fraternité
et puis, ils légalisent les trônes
et l'inégalité.
Ils ont inventé le Dieu des puissants
pour endormir et faire plier
les corps et les esprits.
Ils ont inventé les démons et les enfers
pour faire trembler et taire
les pauvres et les sans-terre.

Abattez
les riches condottières
et les princes !
Ce sont eux,
pas ceux de l'enfer,
les diables !

Ce ne sont pas les démons de la cour inférieure
vos pires ennemis,
après la mort; mais ce sont ces gens qui lèvent les doigts,
anéantissent et font pourrir
votre vie !
Et si vous vous unissiez, vous pourriez les arrêter
en utilisant du boyau de prêtre
pour les pendre;
Ainsi, vous ne seriez plus leurs esclaves
mais enfin, du fruit de votre travail : les maîtres !

Abattez
les riches condottières
et les princes !
Ce sont eux,
pas ceux de l'enfer,
les diables !


Commentaire à la version de 2008.

Jean Meslier (Mazeny, Champagne 1664 – Étrépigny, Champagne 30 juin 1729), curé d’Étrépigny, en Champagne (commune proche de Charleville-Mézières, où naquit et grandit plus tard un autre imprécateur de haut vol, le dénommé Arthur Rimbaud – actuellement département des Ardennes – 08 – Région Champagne-Ardennes) eut cette idée de publier – en les déposant sous forme de testament – ses pensées et ses colères à titre posthume. Est-ce parce qu’il y travailla jusqu’au bout de sa vie ou en application d’un principe de précaution ? Toujours est-il que ce texte et sa lettre aux paroissiens qui le présente, ont surgi à son décès, puis ont disparu et par la suite, ont connu des fortunes diverses avant de pouvoir venir au jour en édition intégrale plus de deux cents ans après ce dépôt, qui pourtant les a sauvés. Dans cette aventure du « Mémoire des pensées et sentiments de Jean Meslier », le caviardage de Voltaire fut assurément une vilénie (Meslier à la sauce déiste de Voltaire est à la correction littéraire et intellectuelle, ce que le fast-food est à la cuisine – une trahison !), mais l’arrangement voltairien eût quand même le mérite (involontaire) d’attirer l’attention sur les 3 exemplaires que Jean Meslier avait déposés au greffe. Grâce soit rendue, dès lors, au hollandais Rudolf Charles, éditeur de son état, qui tenta la première intégrale !

Quant à savoir pourquoi Jean Meslier n’a pas publié de son vivant, j’ai ma petite idée à ce sujet. Tout simplement, il faut quand même connaître un peu les Ardennes pour comprendre que un : trouver un éditeur était en soi une odyssée, deux : qu’écrire le « Mémoire » (outre que de tenir sa charge de curé), était aussi un formidable défi et trois : qu’enfin, en rédiger les copies prenait du temps et était essentiel pour en assurer la postérité. Le reste est sans doute dû à la volonté d’aller le plus loin possible dans la rédaction. Jean Meslier ne s’en cache pas lui qui commença son texte par : « Mes chers amis, puisqu’il ne m’aurait pas été permis.. », et dit – en substance ensuite – « Je vous l’aurais bien dit de vive voix, juste avant de mourir, mais je ne suis pas sûr (ceci traduit en langage moderne) que j’aurai encore toute ma tête à ce moment… Donc j’ai pris la précaution d’écrire ». En ce temps-là, la mémoire des bûchers de l’Inquisition illuminait encore l’Europe.

Par ailleurs, on n’a pas fini de disserter sur Jean Meslier. Je n’en dirai pas plus ici, sauf à reprendre ce que les paysans de Lucanie disaient au temps de Carlo Levi (1936) : « Noi, non siamo cristiani, siamo somari » (« Nous nous ne sommes pas des chrétiens, nous sommes des bêtes de somme »), sauf à reprendre la phrase de Jean Meslier qui excommunie quiconque la prononce ou la reproduit : « Je voudrais, et ce sera le dernier et le plus ardent de mes souhaits, je voudrais que le dernier des rois fût étranglé avec les boyaux du dernier prêtre. »
Puis-je ajouter, dit Marco Valdo M.I., que c’est aussi le mien de souhait – et pas le dernier.
Et, comme disait cet autre mécréant anarchiste de Brassens : « Et tant mieux si c’est un péché, nous irons en enfer ensemble… Il suffit de passer le pont… »

Le texte qui précède date du 2 août 2008, date de son insertion dans les Chansons contre la Guerre et il ne me paraît pas utile d’y changer, d’y retrancher ou d’y ajouter quelque chose.
Sauf que j’y adjoindrai volontiers les commentaires que j’en avais faits depuis lors dans les Chansons contre la Guerre. À savoir :

Notre bon Meslier

(date d’insertion dans les Chansons contre la Guerre : 20 mai 2010)

Pour en revenir à notre bon Meslier, curé de son état, il est proprement indigne de lui imputer la méconnaissance du christianisme, fût-il des origines. Bien au contraire, c’est de le bien connaître qu’il en eut la dégoûtation. Il suffit de lire les écrits de Jean Meslier pour s’en rendre compte de manière tout à fait objective. Par ailleurs, il ne pouvait ignorer cela ayant subi le « séminaire » de Châlons, été ordonné prêtre et nommé curé le 7 janvier 1769 curé d’Étrépigny et de But dans les Ardennes.

Cela dit, il voyait clair dans le jeu des illusions chrétiennes et plus spécifiquement, catholiques, apostoliques et romaines. Il disait, par exemple : « …vous adorez effectivement des faibles petites images de pâte et de farine, et vous honorez les images de bois et de plâtre, et les images d’Or et d’Argent. Vous vous amusez, Messieurs, à interpréter et à expliquer figurativement, allégoriquement et mystiquement des vaines écritures que vous appelez néanmoins saintes, et divines ; vous leur donnez tel sens que vous voulez ; vous leur faites dire tout ce que vous voulez par le moyen de ces beaux prétendus sens spirituels et allégoriques que vous leur forgez, et que vous affectez de leur donner, afin d’y trouver, et d’y faire trouver des prétendues vérités qui n’y sont point, et qui n’y furent jamais. Vous vous échauffez à discuter de vaines questions de grâce suffisante et efficace. Et en plus, vous vilipendez le pauvre peuple, vous le menacez de l’enfer éternel pour des peccadilles, et vous ne dites rien contre les voleries publiques, ni contre les injustices criantes de ceux qui gouvernent les peuples, qui les pillent, qui les foulent, qui les ruinent, qui les oppriment et qui sont la cause de tous les maux, et de toutes les misères qui les accablent. »

J’insiste pour qu’on relise la dernière phrase, dit Lucien l’âne, on dirait qu’elle parle de l’Italie actuelle et de bien d’autres pays.

Je la relis, Lucien mon ami : « Et en plus, vous vilipendez le pauvre peuple, vous le menacez de l’enfer éternel pour des peccadilles, et vous ne dites rien contre les voleries publiques, ni contre les injustices criantes de ceux qui gouvernent les peuples, qui les pillent, qui les foulent, qui les ruinent, qui les oppriment et qui sont la cause de tous les maux, et de toutes les misères qui les accablent. »

En effet, dit Lucien l’âne en redressant la tête et en lançant d’un coup de cou sec sa crinière en arrière pour dégager ses yeux, que cela plaise ou non aux cagots, Jean Meslier avait une vision du monde assez lucide.

Ainsi parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.

Et

Jean Meslier aurait connu le destin du Chevalier de la Barre, si...
(3 juin 2015)

Jean Meslier était un homme intelligent. De ce fait, il avait très bien perçu que s’il voulait atteindre son but : transmettre et faire connaître la nécessité de l’athéisme et la corollaire réfutation de(s) dieu(x), en ces temps où on torturait joyeusement les incroyants, avant de les massacrer, il était prudent d’être prudent et d’user de discrétion. Ce pourquoi, il attendit d’être mort pour diffuser son Testament.
Eût-il fait autrement, l’eût-il fait de son vivant… Il aurait connu le destin du Chevalier de La Barre (ou de tant d’autres qui finirent sur les bûchers catholiques) et ses textes auraient connu le même destin, de sorte que nul n’aurait pu savoir ce qu’il avait le souhait de faire connaître.
Quant au destin du Chevalier de La Barre, voici :
Quarante ans plus tard, le Chevalier de la Barre, un jeune homme de 20 ans – moins prudent – finira torturé, décapité et enfin, brûlé pour avoir chanté avec ses amis et n’avoir pas tiré son chappeau au passage de capucins…
Voici le témoignage de Voltaire :
Dans son article « Torture » de l’édition de 1769 du Dictionnaire philosophique, Voltaire fait le récit du martyre du chevalier de La Barre :
« Lorsque le chevalier de La Barre, petit-fils d’un lieutenant général des armées, jeune homme de beaucoup d’esprit et d’une grande espérance, mais ayant toute l’étourderie d’une jeunesse effrénée, fut convaincu d’avoir chanté des chansons impies, et même d’avoir passé devant une procession de capucins sans avoir ôté son chapeau, les juges d’Abbeville, gens comparables aux sénateurs romains, ordonnèrent, non seulement qu’on lui arrachât la langue, qu’on lui coupât la main, et qu’on brûlât son corps à petit feu ; mais ils l’appliquèrent encore à la torture pour savoir combien de chansons il avait chantées, et combien de processions il avait vues passer, le chapeau sur la tête. »
Pour de plus amples informations :
Et pour que nul n’en ignore, dit Lucien l’âne, il faudra en faire une chanson et même deux, une pour Meslier, une pour La Barre.
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

LE TESTAMENT DU CURÉ MESLIER
nouvelle version française – 28 mars 2016.



Vous avez sur le râble le fardeau pesant
Des princes, des prêtres, des tyrans et des gouvernements;
Des nobles, des moines, des chanoinesses et des prélats,
Des fripons de garde-sel et de tabac et des magistrats.
Vous avez sur le râble les puissants et les guerriers,
Les ineptes, les inutiles et les rusés et les douaniers,
Les riches qui volent pour s’engraisser,
Laissant le peuple entier –
Entretemps – crever.

Abattez les riches condottières
Et les princes !
Ce sont eux les diables,
Pas ceux de l'enfer !


Des vermines qui laissent au paysan
Seulement la paille du sarrasin
Et la lie du vin.
Ils théorisent paix, bonté et fraternité
Et puis, ils légalisent les trônes et l’inégalité.
Ils ont inventé le Dieu des puissants
Pour endormir et faire plier
Les corps et les esprits. Ils ont inventé
Les démons et les enfers
Pour faire trembler et taire
Les pauvres et les sans-terre.

Abattez les riches condottières

Et les princes !
Ce sont eux les diables,
Pas ceux de l'enfer !


Ce ne sont pas les démons de la cour inférieure
Après la mort, vos ennemis les pires ;
Non, vos ennemis, ce sont ces gens qui accusent,
Pourrissent votre vie et vous anéantissent !
Et si vous vous unissiez, vous pourriez vous défendre
En usant du boyau de prêtre pour les pendre;
Ainsi, vous ne seriez plus leurs esclaves
Mais, enfin, du fruit de votre travail, les maîtres !

Abattez les riches condottières
Et les princes !
Ce sont eux les diables,
Pas ceux de l'enfer !