lundi 7 mai 2018

Le Sermon de Cornélis


Le Sermon de Cornélis

Chanson française – Le Sermon de Cornélis– Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux – 35

Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – II, XI)


Et même ici, sans aucune retenue,
Les Adamites courent nus dans les rues.


L’autre jour, commence Marco Valdo M.I. du ton du conteur, Till était à Bruxelles et faisait le rossignol auprès d’une couturière qu’il avait vue à sa fenêtre.

Sur ce, Lucien l’âne tout guilleret se met à fredonner :

« Rossignol, rossignol de mes amours,
Dès que minuit sonnera,
Quand la lune brillera,
Viens chanter sous ma fenêtre »

C’est exactement ça qui s’est passé, Lucien l’âne mon ami, c’est exactement ça que Till a entendu, mais par une voix plus féminine que celle du ténor basque, Luis Mariano qui par la voie des ondes charmait les ménagères qui elles avaient les mains dans l’eau graisseuse du bac à vaisselle.
Mais, trêve de marivaudage et de zwanzerie, Till et Lamme, à toute allure, ont dû fuir Bruxelles et se retrouvent à Bruges, fort désargentés, ce qui les mène tout droit dans une église en lieu et place d’une taverne, où ils ne pouvaient payer leur écot.

Alors, si je comprends bien, dit Lucien l’âne, nos deux compères sont dans une église. Voilà qui n’est pas ordianire. Et que peuvent-ils y faire ?

Oh, là, pas grand-chose, répond Marco Valdo M.I. et d’autant moins qu’ils arrivent au moment où le Père Cornélis Adriaensen, tel Jupiter en colère tonne son sermon devant un aréopage de jeunes femmes, béates de confuse admiration, subjuguées de chrétienne componction. Le prêcheur de sa chaire les écrase et de son discours fulmine les hérétiques de tous poils : luthériens, calvinistes, adamites, libertins et athées, tous gens qui – aux yeux du religieux aboyeur et à ceux de la Très Sainte Mère de Rome – sont tous des gueux.

Ah, dit Lucien l’âne, je vois que le temps est à l’orage, que les prédicateurs se muent en provocateurs et ouvrent ainsi la porte aux pires excès, aux plus terribles outrages.

Tu ne crois pas si bien dire, Lucien l’âne mon ami, car si cette chanson du Sermon de Cornélis est en soi effrayante, elle n’est que la première partie du discours du « vilain Père Cornélis », dans laquelle il dénonce les hérétiques et les accuse de toutes sortes de vilenie. La suite est pire encore, mais c’est l’objet de la ou des prochaines chansons. Une dernière remarque avant de te laisser conclure. Parlant des Libertins (ne serait-ce pas des libertaires tout simplement d’être aussi rétifs aux enseignements de la catéchèse ?), l’énergique Père Cornélis dit que « le devoir de l’homme est de se soumettre » et compte-tenu de notre devise, qui est – je le rappelle – « Ne jamais se soumettre », l’éructant prêcheur nous aurait montrés du doigt et nous aurait désignés à la vindicte catholique.

Bonté divine, dit Lucien l’âne en riant de toutes ses dents, il ne me fait pas peur ce pénible orateur. Attendons donc la suite avec patience, d’autant plus qu’il te faut encore l’écrire. Alors, sans désemparer, reprenons note tâche et tissons le linceul de ce vieux monde sermonneur, accusateur, dénonciateur et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Plus tard, à Bruges, en une église,
Till et Lamme ouïrent ainsi prêchant
Le vilain Père Cornélis,
Sale, éhonté, aboyeur prédicant.


Jésus, clamait-il, fut justement condamné,
Car il avait désobéi aux lois antiques.
Les lois punissent toujours les hérétiques
Qui veulent rejeter la Sainte Autorité.


Une requête contre l’Inquisition ?,
Contre les placards si fertiles,
Établis dans un but si bon,
Plus nécessaires que le pain et plus utiles.


Dans quel gouffre infect et puant,
Va-t-on tomber à présent ?
Luther, ce bœuf enragé, ce balourd,
Triomphe en Saxe, en Brunswik et en Lunebourg.


Dans le Nord, Servet le Lunatique
A imposé sa vision hérétique :
Il blasphémait la Trinité.
Heureusement, Calvin l’a brûlé.


Contre l’Église, ces loups vont protestant.
Calvin, sentant l’aigre, dégoûtant,
Face de fromage et grandes dents,
Ne vaut pas mieux que l’Allemand.


Que voit-on en nos pays si pieux ?
Des Libertins méprisant Dieu.
Et même ici, sans aucune retenue,
Les Adamites courent nus dans les rues.


Ils mentent tous ces hérétiques.
Le devoir de l’homme
Est de se soumettre à l’Église catholique,
À notre Sainte Mère de Rome.


À Anvers, ils disent ces gueux :
« Il n’y a pas de Dieu,
Ni de vie éternelle, ni de résurrection,
Ni d’éternelle damnation,


Il n’y a pas de purgatoire. »
Comment oser douter du purgatoire ?
Sans lui, bonnes gens, il n’y a pas d’espoir
De voir un jour Dieu en sa gloire.