lundi 7 février 2022

GÉNÉRAL

 

GÉNÉRAL

Version française – GÉNÉRAL – Marco Valdo M.I. – 2022

d’après la traduction italienne de Riccardo Venturi – General – 2022

Chanson russe – Генерал : General – Kino / Кино1983

Paroles et musique : Viktor Coj [Tsoi]








La chanson, écrite comme presque toutes les autres par Viktor Coj (ou “tsoi”, comme on le traduit encore souvent dans l’ancien style), date de 1983 et provient à l’origine de l’album « 46 », qui fait suite au premier album studio de Kino en 1982, intitulé « 45 ». Plus tard, en 1984, la chanson a également été incluse dans le troisième album, Начальник Камчатки [Načalnik Kamčatki, « La tête de Kamčatka » ; « Kamčatka » était le nom que Coj avait donné à la cuisine de son très modeste appartement en 1985]. C’est une chanson courageuse : il est impossible de ne pas y lire des références explicites à l’aventure soviétique en Afghanistan, dans laquelle l’URSS s’était empêtrée sans pouvoir en sortir et qui a sans doute précipité sa disparition. [RV]



Dialogue Maïeutique


Ohlala, dit Marco Valdo M.I., il y a tant de chansons dans le monde, tant d’autres choses, tant d’autres gens et tant d’autres populations et tant d’autres façons de vivre – rien que pur ce qui concerne l’espèce humaine, qu’on en a le cerveau tout retourné rien que d’y songer. Pour donner une idée, mais assez vague quand même encore, il y a dans ce labyrinthe des Chansons contre la Guerre, au moment où je te parle, plus de 60 000 chansons – originelles et traductions confondues. C’est dire l’ampleur de l’affaire.

Oui, dit Lucien l’âne, on peut y vaguer tant et plus, sans compter la diversion des 160 langues (j’arrondis) qui entrent en jeu. Soit, mais ensuite, quid de la chanson ?


Il faut ici préciser sans attendre, reprend Marco Valdo M.I., qu’elle s’intitule Général (dans sa version française), qu’à l’origine, elle est en langue russe et que son auteur est Viktor Tsoï. J’ajoute que le commentateur et traducteur italien Riccardo Venturi précise qu’elle fait allusion à la guerre et l’invasion (1979) et la retraite (1989) des armées russes d’Afghanistan, où cent mille – note bien le chiffre de 100 000, il est plus que symbolique, car on le retrouve de ces jours-ci dans tous les médias – soldats russes ont participé à l’opération Chtorm 333 (Tempête 333), qui fut rebaptisée à l’époque : « Opération Prague », en référence à la « libération de la Tchécoslovaquie envahie par ses propres habitants, opération menée par des armées amies en 1968 » – voir à ce sujet Le Printemps de Prague.


Oui, dit Lucien l’âne, la coïncidence est troublante ; on dirait que se répète la même scène, on dirait que l’Histoire bégaye. Une armée d’amis va-t-elle venir libérer les Ukrainiens d’eux-mêmes ? On dirait une absurde histoire de Zinovie. Enfin, voilà le cadre posé, mais quelle est l’anecdote de la chanson ?


Elle interpelle à mots couverts (c’est la pluie…), dit Marco Valdo M.I., un général apparemment à la retraite… C’est là que vont les généraux quand ils tombent en panne de guerre.


Ah, dit Lucien l’âne, voyons ça et tissons le linceul de ce vieux monde bégayant, radotant, rejouant ses vieilles rengaines et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane








Où êtes-vous et avec qui, maintenant ?

Qui veut être juge finalement ?

Qui se souvient des identités ?

On a épuisé nos arguments,

Ne troublez pas la tranquillité,

C’est un très sombre moment.


Où est votre uniforme, général ?

Où sont vos médailles, votre dos raide ?

Vous n’avez pas entendu sonner la retraite,

C’est la pluie qui frappe votre toit, Général.


Tout le monde trouve le temps de sortir d’ici,

Mais personne n’ira jusqu’à le faire.

Ceux qui viennent parlementer, un après lautre,

Connaissent déjà le goût amer de ce fruit.

Où est votre uniforme, général ?

Où sont vos médailles, votre dos raide ?

Vous n’avez pas entendu sonner la retraite,

C’est la pluie qui frappe votre toit, Général.


On
voudrait dormir, mais voici le thé.

Et la pièce est très bien éclairée.

Demain, la matinée pourrait être ensoleillée,

Finalement, trouvera-t-on la bonne clé ?


Où est votre uniforme, général ?

Où sont vos médailles, votre dos raide ?

Vous n’avez pas entendu sonner la retraite,

C’est la pluie qui frappe votre toit, Général.