Version
française – LA BALLADE DES CAMÉLÉONS – Marco Valdo M.I. –
2018
Chanson
allemande – Die
Ballade vom Nachahmungstrieb – Erich
Kästner – 1931
Chanson écrite par Erich Kästner et publiée le 24 mars 1931 dans l’hebdomadaire Die Weltbühne, dirigé par Kurt Tucholsky en 1926 et 1927, et puis, par son ami Carl von Ossietzky jusqu’à son arrestation en 1933.
Les nazis arrêtèrent Carl von Ossietzky, avec des milliers d’opposants au lendemain du pseudo- « incendie du Reichstag ». Ce fut alors qu’ils commencèrent à jouer, à s’amuser sadiquement avec toutes ces vies réduites en captivité, vraiment comme le font les protagonistes de cette « Ballade de l’imitation » ; un groupe d’enfants, curieux de savoir ce qu’éprouvent les grands lorsqu’ils exécutent un criminel, décident de pendre par jeu l’un d’eux, Fritz Naumann, après l’avoir sommairement poursuivi en justice comme voleur… Lorsque un adulte s’aperçoit que le jeu s’est changé en tragédie, il est alors trop tard… La police, survenue sur le lieu de cette barbarie enfantine, questionne un gamin et celui-ci, un peu effrayé et un peu incrédule, dit : « Mais nous avons seulement fait comme font les grands ! »
Inévitablement, je me suis rappelé le chef-d’œuvre cinématographique « Das weiße Band – Eine deutsche Kindergeschichte » (« Le ruban blanc ») de Michael Haneke (2009).
1914, à la veille de la première guerre mondiale. Dans une petite communauté rurale allemande, l’âpreté de la vie quotidienne, du travail dans les champs s’accompagne de la mesquinerie des hommes, à peine cachée par la dureté implacable d’un système éducatif caractérisé par un protestantisme très rigide, bigot et féroce. Pendant que sur le fond de paysages très beaux, s’écoule la vie quotidienne, se succèdent des incidents et des délits obscurs et atroces qui semblent mus certains par un désir de vengeance, d’autres par pur sadisme à l’égard des plus faibles, des différents…
Seul
l’instituteur du
village, un étranger à la
communauté, se rend
doucement compte que toute cette
violence quotidienne,
toutes ces
règles et
punitions qu’il
est impossible d’esquiver,
tout le mensonge, la
mesquinerie, la
putrescence dont est
imprégnée la
vie de la
communauté, ont fait des
enfants non pas
de
sages et dociles
créatures, pas
des rebelles,
mais plutôt de
violents sadiques
frustrés fort
solidaires entre
eux… Le
noyau de ces
jeunes qui
commencèrent à
construire le cauchemar
nazi dans l’entre-deux-guerres…
Échos de « Scènes de chasse en Bavière » de Peter
Fleischmann (1968), de « Le
village des
damnés » de Wolf Rilla (1960) et de « Le
Seigneur des
mouches » de Peter Brook (1963)…
Dialogue
maïeutique
Dis-moi,
Marco Valdo M.I. mon ami, que peut raconter une ballade des
Caméléons, car je suppose que les caméléons – les vrais, ceux
qui courent à quatre pattes et qui ressemblent à des lézards ou à
de petits iguanes, ne chantent pas de ballades. Du mois, je n’en ai
jamais entendu parler. Alors ?
Très
juste, Lucien l’âne mon ami, les caméléons ne chantent pas de
ballades, ni de chansons, ni rien du genre et
c’est même le cas pour ceux qui sont évoqués dans la chanson. En
fait, la confusion provient de l’ambivalence des mots. La Ballade
des caméléons peut-être comprise de deux façons : celle dont
tu l’as comprise où il s’agit de la ballade que chantent les
caméléons ou diversement, celle où c’est une ballade qui chante
les caméléons, où les caméléons sont acteurs de la chanson, mais
n’en sont pas les interprètes. Reste évidemment à dire ce que
viennent y faire les caméléons et à préciser de quels caméléons
il s’agit et ce qu’ils font.
C’est
précisément, Marco Valdo M.I. mon ami, ce que j’allais te
demander, mais tu m’as ôté les mots de la bouche.
Dès
lors, reprend Marco Valdo M.I., il faut préciser d’abord que ce
titre de la version française est une pure invention de ma part, car
en allemand, le titre est « Die
Ballade vom Nachahmungstrieb » et
peut se traduire, grosso mode, par « La Ballade de
l’Imitation » ; et comme l’imitation est une des
caractéristiques
habituellement attribuée aux caméléons, j’ai
trouvé plus agréable et pour tout dire, plus exotique d’attribuer
ce titre à la chanson. En quelque sorte, c’est un titre plus
coloré que j’ai utilisé pour faire ressortir cette idée que les
enfants – souvent – ont tendance à imiter leurs aînés, qui est
le leitmotiv de la chanson d’Erich Kästner.
Oh,
dit Lucien l’âne, kil n’y a là rien de bien gênant à ce que
les enfants apprennent par imitation ; c’est même un des
mécanismes efficaces et
fondamentaux de l’éducation de base.
Certes,
Lucien l’âne mon ami, pour autant il devient désastreux si les
enfants imitent les penchants les plus détestables des grands, des
adultes, des anciens et c’est précisément le cas ici où ce sont
des enfants qui vient en Allemagne des années 20-30, où depuis la
fin de la guerre, se multiplient les morts violentes, les
bastonnades, les guets-apens,
les assassinats politiques. On peut rappeler par exemple le cas de
Rathenau
ou
l’histoire des Trois
Frères de Barmberg, mais ce sont des crimes qui se
comptent par milliers et qui sont l’œuvre de bandes armées qui
sévissent dans tout le pays et qui sont plus ou moins directement
liées aux partis politiques. Pêle-mêle : les Casques d’Acier,
les SA, les groupes armés du SPD ou du KPD ; certains peuvent
être considérés comme des groupes d’auto-défense dans une
guerre civile larvée et se comportent généralement comme tels ;
d’autres (Casques d’Acier et SA, qui conflueront dans la future
SS) ont des penchants plus criminels et ont une pratique développée
des tribunaux secrets. C’est contre cette forme d’organisations
et d’actions « politiques » que met en garde Erich
Kästner, qui comme journaliste à Leipzig,
puis à
Berlin, avait
un témoignage direct sur ces événements. Cependant, il est clair
que ces mises en garde et ses inquiétudes n’ont rien pu empêcher.
Quelques années plus tard, l’Europe entière était envahie par
les caméléons, tous atteints d’hitlérite aiguë.
Belle
image, dit Lucien l’âne, mais ce n’est pas aimable, ni juste
pour les caméléons…
Certes,
mais ceux dont parle la chanson sont un groupe d’enfants qui va
jouer au tribunal secret et appliquer sur un de leurs copains une
sentence de pendaison. Voilà toute l’histoire qu’il convient
aussi de rapprocher des faits de harcèlements scolaires, de quartier
ou via internet dont on parle si souvent dans la presse. Il y a là
un délitement social assez ignoble.
Ce
sont des dérives nées de la bêtise et de sa reproduction sociale ;
il faut – comme le faisait Kästner – en parler afin que nul n’en
ignore ; car ce sont des gestes qui
s’accomplissent dans l’ombre et prolifèrent dans la
clandestinité. Comme quoi aussi, on le voit la Guerre
de Cent Mille Ans se
répercute partout, à tous les niveaux de la vie dans nos sociétés.
Maintenant, restons-en là avant de pontifier exagérément,
reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde
transformiste, caméléon, menteur, suiveur, harceleur et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
Véritablement,
le poison agit
rapidement !
L’homme, même encore enfant,
Pour les vices de ce monde,
Se débrouille tôt et très vite apprend.
En février, je ne sais quel jour,
Lors du harcèlement d’un garçon,
Des enfants qui jouaient dans l’arrière-cour,
Ont décidé de pendre Fritzchen Naumann.
L’homme, même encore enfant,
Pour les vices de ce monde,
Se débrouille tôt et très vite apprend.
En février, je ne sais quel jour,
Lors du harcèlement d’un garçon,
Des enfants qui jouaient dans l’arrière-cour,
Ont décidé de pendre Fritzchen Naumann.
Par
les journaux, ils ont appris des
histoires
De meurtres et de police
Et ils ont décidé d’exécuter Naumann,
Car, ont-ils dit, c’est un voleur.
Ils ont passé sa tête dans un nœud.
Il se lamentait beaucoup, Karl qui faisait le curé
Lui dit, quand il commençait à trop crier,
Qu’il gâchait le jeu.
Fritz Naumann protesta, il dit qu’il avait peur.
De meurtres et de police
Et ils ont décidé d’exécuter Naumann,
Car, ont-ils dit, c’est un voleur.
Ils ont passé sa tête dans un nœud.
Il se lamentait beaucoup, Karl qui faisait le curé
Lui dit, quand il commençait à trop crier,
Qu’il gâchait le jeu.
Fritz Naumann protesta, il dit qu’il avait peur.
Les
autres sérieux l’ont emmené.
Par-dessus la barre, la corde, ils ont jeté
Et alors, ils ont commencé à le hisser.
Fritzchen regimbait. Il était trop tard. Il planait.
Alors, ils fixèrent la corde à un crochet.
Fritz a tressailli, car il vivait encore.
Pour voir, une petite fille lui pinça la jambe.
Il gigotait tout à fait muet, et à cet instant,
Par-dessus la barre, la corde, ils ont jeté
Et alors, ils ont commencé à le hisser.
Fritzchen regimbait. Il était trop tard. Il planait.
Alors, ils fixèrent la corde à un crochet.
Fritz a tressailli, car il vivait encore.
Pour voir, une petite fille lui pinça la jambe.
Il gigotait tout à fait muet, et à cet instant,
Le
jeu d’enfant en
meurtre s’est mué.
Comme les sept petits chenapans
L’ont reconnu, ils ont fui effrayés.
Comme les sept petits chenapans
L’ont reconnu, ils ont fui effrayés.
Encore
personne ne
savait pour le pauvre enfant.
La cour était silencieuse. Le ciel était rouge sang.
Le petit Naumann balançait au vent.
Il n’avait rien remarqué. Car il était inconscient.
La cour était silencieuse. Le ciel était rouge sang.
Le petit Naumann balançait au vent.
Il n’avait rien remarqué. Car il était inconscient.
La
veuve Zwickler, qui
s’inquiétait,
Courut dans la rue et se mit à crier,
Même si elle ne pouvait pas pleurer.
Et la police a interpellé les six suspects.
Courut dans la rue et se mit à crier,
Même si elle ne pouvait pas pleurer.
Et la police a interpellé les six suspects.
La
mère est tombée évanouie devant
le garçon
Et tous deux ont été ramenés à la maison.
Karl, qu’on a arrêté, dit froidement : « Nous avons
Seulement fait comme les adultes font. »
Et tous deux ont été ramenés à la maison.
Karl, qu’on a arrêté, dit froidement : « Nous avons
Seulement fait comme les adultes font. »