Till et Philippe
Chanson
française – Till et Philippe – Marco Valdo M.I. – 2015
Ulenspiegel
le Gueux – 2
Opéra-récit
en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La
Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses
d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs
(1867).
« Ik ben ulen spiegel » – « Je suis votre miroir » |
Évidemment…
Évidemment, Lucien l'âne mon ami, je n'ai pas pu – pour une fois
– résister à mon goût caché (généralement) de me plonger dans
un dictionnaire afin de vérifier certain mot qui m'est venu à
l'esprit, la bouche, à la plume, à la pointe ou au bout des doigts,
selon que je le pense, le parle, l'écrive (au stylo ou au crayon) ou
le tape au clavier. À la suite de cette exploration savante, je ne
résisterai pas à l'envie d'expliquer (une fois n'est pas coutume)
un vers, mais un seul, de cette canzone. Même si elle mériterait
bien elle aussi qu'on s'y attarde. Notamment dans ce parallèle entre
le futur Gueux et le futur roi d'Espagne. Mais de cela, il en sera
question tout au long de cette légende de Till le Gueux, car c'en
est le principe moteur, comme
le Ying et le Yang pour certaine philosophie chinoise, comme le blanc
et le noir en photographie, comme le oui et le non dans les
questionnaires ou le zéro et le un en informatique… Principe
binaire définissant ici les deux pôles de ce moment de la Guerre
de Cent Mille Ans [[7951]]
que
fut la Guerre des Gueux, où l'on tortura, brûla, assassina,
massacra, éventra à qui mieux mieux les pauvres gens de par ici.
Ne
m'embrouille pas encore une fois et dis-moi quel est donc ce vers si
mystérieux…
Mystérieux,
je ne dis pas. Je dirais plutôt mystifiant ou mystificateur.
D'ailleurs, le voici ; s'agissant de Till, il dit :
« Il
se gausse, c'est un zwanzeur. »
Ce
que je m'empresse de traduire en français standard contemporain –
au
passage, remarque qu'une
langue qui perd ses mots ou l'usage de ses mots entre en
déliquescence. Comme tu le vois, mon
propos est tout à l'inverse (alla rovescio). Donc, je traduis le
français en français : « Il se moque, c'est un
blagueur » ou « Il raconte des craques, c'est un fouteur
de gens » ou « Il dit des conneries, il se fout du
monde »… On pourrait en ajouter bien des autres. Mais il
s'agit de Till et de rendre hommage à Charles De Coster, son très
mortel auteur – tous deux zwanzeurs émérites. Car, et il convient
que cela se sache, De Coster avait formulé le projet et avait
finalement tenu la gageure d’introduire dans ce roman baroque, dans
cette
épopée burlesque (mais pas seulement), tous les néologismes et les
mots
qui lui passaient par la tête (et il y en avait beaucoup), y compris
ceux que de savantes têtes dénonçaient comme vocables
patoisants, localement usités, mais à déconseiller fortement.
C'est le cas du « zwanzeur », qui selon le Dictionnaire
vivant de la langue française
(http://dvlf.uchicago.edu/mot/zwanze)
et
surtout, le Centre
national de ressources Textuelles et Lexicales
(http://www.cnrtl.fr/definition/zwanze
), remonterait au néerlandais « zwans :
queue; membre viril », etc
(se reporter à la notice du
Centre National de ressources textuelles...).
Mais ce n'est pas tout. Il me faut avouer également que j'ai trouvé
fort plaisante la conjonction de ce zwanzeur avec « gausse »,
car (toujours selon la notice), ce serait André GOOSSE qui aurait
fait connaître zwanze, zwanzer et zwanzeur aux érudits du français.
Ce
petit intermède terminé, nous diras-tu ce qu'il y a dans la
chanson ?
Mais
je l'ai déjà dit… Il s'agit tout simplement de la présentation
des deux héros de l'histoire, car comme dans toute bonne pièce,
nouvelle, légende, épopée, saga ou dans n'importe quel (bon)
roman, il convient de présenter les personnages. J'ajouterai
cependant et c'est mon dernier vers (pour ce soir), qu'il y a là une
explication – mais directement donnée par De Coster – de
l'étrange surnom de Till et sa signification. Car il veut dire
quelque chose cet Ulenspiegel… et on trouve cela dans la canzone,
au dernier vers.
Et
bien, allons voir ce dernier vers, découvrir ces protagonistes et
leur contraste et puis, reprenons notre tâche et tissons le linceul
de ce vieux monde binaire, divisé, empli d'assassins, de dévots
sadiques et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Le
fils du charbonnier Claes croissait en malice ;
Pluie,
neige ou soleil tapant, il dansait.
Le
rejeton impérial dolent traînait sa peau lisse
Dans
les longs corridors noirs du palais.
Dans
la chaleur de l'été triomphant,
Philippe
étendait son corps frissonnant.
Mal
au ventre, à la tête, aux mollets,
Loin
des jeux de son âge le tenaient.
Mon
homme, où est notre Till, maintenant ?
Till
a quitté la maison depuis trois jours.
Avec
les chiens vagabonds, il court.
Femme,
notre enfant n'a que neuf ans.
Charles
dit : Mon fils, il te faut rire et t'amuser.
Je
n'aime point jouer, dit Philippe.
Charles
dit : Mon fils, il te faut courir et sauter.
Je
n'aime point bouger, dit Philippe.
Till
éclaire les tristes mines de ses sauteries ;
Il
enchante la compagnie de ses gamineries ;
Il
fait des niches, c'est un amuseur ;
Il
se gausse, c'est un zwanzeur.
Inerte,
sec, revêche, sans émotion,
Philippe,
fils de Carolus Quintus
Confit
en dévotions.
Philippe
se signe à l'Angélus.
À
la belle, Till prend deux baisers ; au moine, deux patards.
Au
clerc enflé, au soudard étonné, au vieillard encorné,
Pour
un peu de cuivre, Till dit leurs quatre vérités.
Puis,
il dit : « Ik ben ulen spiegel » – « Je suis
votre miroir ».