dimanche 24 octobre 2021

Arbre d’ananar

 

Arbre d’ananar

Chanson française – Arbre d’ananar – Marco Valdo M.I. – 2021





ARBRE ROUGE

Piet Mondrian – 1909


Dialogue maïeutique


Qu’est-ce que c’est que cette chanson « Arbre d’ananar » ?, dit Lucien l’âne. C’est marrant, elle me rappelle une chanson où il est question de moi, oui, oui, de moi, à poil et en os, même qu’elle s’intitule « L’Âne anar ».


Tu as raison, Lucien l’âne mon ami, et même qu’elle est liée à une autre chanson, une chanson de Léo Ferré, qui s’intitule « Graine d’ananar » et même que Bernart Bartleby (tout un programme ce nom de Bartleby) nous l’avait dédiée. Donc, celle-ci – précisément « Arbre d’ananar » – reprend en une parodie du texte et pourquoi pas, carrément la musique, le schéma de celle-là. C’est une lointaine tradition des poètes et des chansonniers, des trouvères et des troubadours, des aèdes et des rhapsodes, des ménestrels et des croque-notes, des bardes et des scaldes et même des cantastorie que j’ai coutume de traduire par « chantauteurs ». Je l’ai faite à force de voir partout célébrer le centenaire posthume de Tonton Georges et quand je me suis rendu compte de cette coïncidence : il a pris sa retraite (de manière assez abrupte) à quelques jours de son anniversaire de naissance. Ce qui fait qu’il y a ces jours-ci quarante ans qu’il s’en est allé dans les bras de la Camarde.


Oui, dit Lucien l’âne, je sais cela. Mais parle-moi encore d’« Arbre d’ananar ».


Il te souviendra aussi, dès lors que tu as une pareille mémoire, Lucien l’âne mon ami, d’une autre parodie dont on avait parlé ici, que j’avais faite en souvenir de Léo Ferré, intitulée « Mon vieux Léo », tirée de la chanson de Georges Brassens « Le vieux Léon ». Elle imaginait, cette chanson, que Brassens adressait une salutation à Léo Ferré. On y disait :

« C’est « Mon Vieux Léo », une canzone où il est question de Léo Ferré. C’est, comme je te l’ai dit, une parodie d’une chanson de Georges Brassens : « Le vieux Léon » (1953) et elle a comme trame une histoire que j’ai inventée, à savoir que Georges Brassens, reprenant son vieux Léon, s’adresse à Léo Ferré par-delà le temps de façon très amicale et l’interpelle à propos de son grand saut dans le rien ou sur le rocher (étant Monaco où on l’a ramené d’Italie) et la vie d’artiste qu’il peut y mener avec les autres anarchistes exilés là-bas dans le néant. »


Sûrement que je m’en souviens, répond Lucien l’âne et je pourrais reprendre mot pour mot ma conclusion de cet ancien dialogue :

« Juste pour dire, évidemment. Cela étant, il faudrait sans doute un de ces jours que tu insères « Le vieux Léon » de Tonton Georges dans les Chansons contre la Guerre, car tout comme La Vie d’Artiste de Ferré, cette chanson manque cruellement au tableau. Enfin, je t’avoue que je suis très impatient de découvrir cette parodie et je me réjouis hautement déjà, rien qu’à l’idée. Voyons-la et reprenons notre tâche »


Sans doute, dans le futur, te souviendras-tu de ce dialogue-ci, reprend Marco Valdo M.I. ; maintenant, j’invite à un petit jeu sans malice et qui remue bien des souvenirs.


En voilà une idée, répond Lucien l’âne en riant et de quoi s’agit-il ?



Tout simplement, Lucien l’âne mon ami, il s’agit de découvrir dans cette parodie une série d’allusions, de références à diverses chansons de Georges Brassens et aussi, de Léo Ferré.


À première vue, conclut Lucien l’âne, je dirais aussi de Boby Lapointe, qui dans « Ta Katie t’a quitté » disait :


« Ce soir au bar de la gare
Igor hagard est noir
Il n’arrête guère de boire. »


Ma parole, ta parole, par exemple ; avec un peu d’oreille et de mémoire, on peut y jouer avec beaucoup de chansons et trouver des tas de clins d’yeux à d’autres chanteurs, à d’autres poètes. On en a assez dit, tissons le linceul de ce vieux monde féroce, oublieux, sénescent, pénible, ignoble, ignare et cacochyme.


Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane






Le temps s’en est allé

Mais toi, tu es resté

Au Bal des Quat’z’Arts,

Hors de ce grand bazar

Qu’est cette société,

Loin de la société,

Tu l’as toujours été,

Tu es un type à part,

Un arbre d’ananar.


On a dit que mouflet,

Tu volais

Et que ton papa

Brave homme, ne voulait pas

Qu’on mette à l’écolier

Un collier tressé

Qui l’aurait blessé,

Une chaîne de clébard

À l’arbre d’ananar.


T’avais des copains

Qui buvaient le vin

Mais le vin est tiré

Pour être éclusé

En bonne société.

Au cœur de l’amitié

À chacun son quart,

Arbre d’ananar.


Si je savais où

Tu as fait ton trou,

J’irais te retrouver

Pour t’écouter chanter.

Comme je ne sais pas

Où aller pour ça,

J’irai voir au bar de la gare

Après l’arbre d’ananar.


On me dit que c’est fini,

Que tu es parti

Et que tu resteras

Au nom de la loi

De l’éternité,

Loin de cette société

Qui doit regretter

D’avoir mis au rancart,

L’arbre d’ananar.


Même le grand oubli

Se fait tout petit,

Même les corneilles

Croassent des merveilles,

Pour te garder ici

Et c’est amusant

Qu’il y a ce vent

Qui souffle sur le pont des Arts

Dans tes branches d’arbre d’ananar.


Après toutes ces années,

Il reste de toi

Les traces de ta voix

Et de tes idées.

Moi, je dis que la société

Ne doit pas brusquer

Les enfants bâtards

De l’arbre d’ananar.

x

Tous Frères


Tous Frères



Chanson française – Tous frères Marco Valdo M.I. – 2021


Épopée en chansons, tirée de L’Histoire du Parti pour un Progrès modéré dans les Limites de la Loi (Dějiny Strany mírného pokroku v mezích zákona) de Jaroslav Hašek – traduction française de Michel Chasteau, publiée à Paris chez Fayard en 2008, 342 p.


Épisode 1 – Le Parti ; Épisode 2 – Le Programme du Parti ; Épisode 3 – Le Fils du Pasteur et le Voïvode ; Épisode 4 – La Guerre de Klim ; Épisode 5 – La Prise de Monastir ; Épisode 6 – La Vérité sur La Prise de Monastir ; Épisode 7 – Le Parti et les Paysans ; Épisode 8 – Le Premier Chrétien ; Épisode 9 – Le Provocateur ; Épisode 10 La Victoire morale ; Épisode 11 – Le Parti et ses Partisans ; Épisode 12 Le Monde des Animaux ; Épisode 13 Le Parti National Social ; Épisode 14 Le Camarade Škatula





Épisode 15







LIBERTÉ, ÉGALITÉ, CHOUCROUTE


Jacques Faizant – 1985




Dialogue maïeutique




La chanson « Tous Frères », Lucien l’âne mon ami, raconte une histoire de partis ou plus exactement, de deux partis, dont on a déjà parlé et qui sont deux personnages importants de la lutte politique vers 1911 à Prague.


Oui, dit Lucien l’âne, ce sont sans doute le Parti pour un Progrès modéré dans les Limites de la Loi et le Parti National Social, qui serait – si j’ai bien compris l’affaire – son concurrent le plus direct et si j’ai bien suivi, l’affrontement est assez rude. Heureusement pour le Parti d’Hašek qu’il y a la victoire morale.


Voilà, dit Marco Valdo M.I., c’est bien ça. Donc, entre eux, c’est la lutte finale et de ce fait, tous les moyens sont bons face à la concurrence ; enfin, presque tous, car il y a encore des limites qu’ils hésitent à franchir ou même, qu’ils ne conçoivent pas de transgresser et que le cas échéant, ils s’interdisent de violer. L’Histoire nous apprend que ce n’est pas toujours le cas. Donc, entre ces deux partis, il y a une forte rivalité, mais elle ne va pas jusqu’à l’assassinat.


C’est heureux, Marco Valdo M.I. mon ami, car la politique et la démocratie se doivent de respecter certaines règles de bienséance. Bref, on se bat les uns contre les autres, au besoin, on élimine l’opposant, mais politiquement et dans le respect des formes.


Plus ou moins, réplique Marco Valdo M.I., car comme le montre la chanson, entre partis, on ne se fait pas de cadeaux et aussi, on ne se fait pas confiance ; même si, évidemment, il faut parfois faire des alliances. La chanson poursuit ainsi l’étude du Parti pour un Progrès modéré dans les Limites de la Loi (en abrégé : P.P.M.L.L.).


Ohlala, dit Lucien l’âne, ces initiales, ce sigle, il faut savoir les interpréter. On dirait par exemple qu’il s’agit d’un Parti Populaire Marxiste-Léniniste Libéral ou quelque chose du genre.


Certes, reprend Marco Valdo M.I., et rien ne dit qu’il n’aurait pas pu l’être ou le devenir dans la suite de l’histoire tchèque. Dans tous les cas, comme pour tous les partis – et c’est une nécessité vitale pour eux, le P.P.M.L.L. est foncièrement uni. Sa devise est « Tous pour un ».


« Le Parti ne fait qu’un : « Tous pour un ! »,

Le Parti a un programme commun.

Le Parti n’a qu’un corps ;

Le Parti se décompose en sections »


Une belle devise, s’amuse Lucien l’âne ; reste à savoir qui est ce « un » énigmatique.


En théorie et a priori, répond Marco Valdo M.I., ce « Un », c’est le Parti. C’est toujours comme ça au début. Et bien évidemment, par la suite, il est possible que cette belle unanimité serve un autre « Un ».


Ça s’est déjà vu, dit Lucien l’âne. Et c’est même fréquent.


Oh, reprend Marco Valdo M.I., c’est une loi du développement de groupe ; les groupes politiques ne peuvent y échapper. Par ailleurs, le Parti se veut à l’avant-garde. Là aussi, se pose la question : à l’avant-garde de quoi ? Et puis, dans sa lutte le Parti a tout intérêt à savoir ce qui se passe, ce qui se trame chez son adversaire. En bonne logique et en toute illégalité, il va l’espionner de l’intérieur.


Ça aussi, c’est courant en politique, Marco Valdo M.I. mon ami, et pas seulement entre partis. On a vu des partis s’espionner eux-mêmes.


Passons, dit Marco Valdo M.I. ; grâce à l’espion, quand même, on apprend certaines choses comme la devise du Parti national Social (P.N.S.), qu’il avait été chercher dans les coulisses de l’Histoire de la Révolution française et qui est fort célèbre depuis : « Liberté, égalité, fraternité » et qui fut joyeusement illustrée par Jean Yanne dans son film « Liberté, égalité, choucroute ». Et comme le montre la chanson, elle est immédiatement bafouée par le P.N.S., lui-même.


« Liberté, égalité, fraternité »

Est la devise du Parti National Social.

Pourtant, l’espion a relevé dans son comité

Tout comme dans « La Parole », son journal,

L’existence de maîtres et de serviteurs. »


Oh, dit Lucien l’âne, connaissant l’humanité et ses habitudes, une telle devise a vraiment peu de chances d’être appliquée. Mais en voilà assez, il nous faut tisser le linceul de ce vieux monde hypocrite, menteur, dissimulateur, tricheur et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient, Marco Valdo M.I. et Lucien Lane






Le Parti ne fait qu’un : « Tous pour un ! »,

Le Parti a un programme commun.

Le Parti n’a qu’un corps ;

Le Parti se décompose en sections :

La principale campe au Litre d’Or,

Les trois autres ont d’autres bastions :

La Chandelle, le Café slave et chez Bláha,

Là, se réunit le groupe des Galapiats ;

C’est la section des artistes,

On y rencontre Honza le pianiste.


Quand les Turcs occupaient la Tchécoslovaquie,

Pour les chasser, on priait la Vierge Marie.

C’est une vieille histoire

Qui reste encore dans les mémoires.

Sur la colline, en souvenir de ces souffrances,

On garde précieusement une potence.

À présent, dans le pays, il y a autant de brasseries

Qu’il y avait de monastères au Moyen Âge.

À l’avant-garde dans le paysage,

Le Parti fait campagne dans les brasseries.


Le Parti a ses propres agents

Particulièrement, de renseignements.

À la « Parole tchèque », le journal

Organe du Parti National Social,

Le Parti a un espion qui opère

À la chronique des faits divers :

Il raconte les catastrophes, les assassinats

Quand il y en a et quand il n’y en a pas, vite,

Il invente des comètes et des Adamites

Qui courent tout nus dans les bois.


« Liberté, égalité, fraternité »

Est la devise du Parti National Social.

Pourtant, l’agent a relevé dans son comité

Tout comme dans « La Parole », son journal,

L’existence de maîtres et de serviteurs.

Au Parti National Social, sans erreur,

Tous s’appellent mutuellement « frère »,

Vocable égalitaire, sublime, émouvant.

Membres du Parti, pourtant, tous tes « frères »,

Le policier te prend, le juge te juge, le bourreau te pend.