TEMPO DE BERCEUSE
(ICI NOUS SOMMES ENTERRÉS POUR TOUJOURS)
Version
française – TEMPO DE BERCEUSE (ICI NOUS SOMMES ENTERRÉS POUR
TOUJOURS) – Marco Valdo M.I. – 2016
Chanson
italienne – Tempo di Berceuse (Qui siamo sepolti per sempre) – I
Gufi
– 1969
Lucien
l’âne mon ami, voici une chanson des Gufi qui me paraît fort
proche et même directement inspirée de l’anthologie de Spoon
River d’Edgar Lee Masters, comme en fera plus tard – deux ans
plus tard – Fabrizio De André et comme je pense également que
furent inspirées les Voix
du Charnier [[44836]] d’Erich Kästner, plus de quarante ans
auparavant. Dans tous les cas, ces épitaphes sont très critiques à
l’égard du monde des vivants.
Oui,
Marco Valdo M.I. mon ami, je les entends encore ces Voix du Charnier
et aussi, les chansons de Fabrizio De André, du moins celles dont tu
avais fait une version française – comme La
Collina
[[405]], Un
Blasfemo
[[36994]], Un
Giudice
[[45029]], Un
Matto
[[8630]], Un
Medico
[[36983]], tout comme le renvoi historique aux épigrammes, épitaphes
grecs. Mais j’imagine que cette chanson des Gufi même si elle
ressortit du même genre, se différencie des autres ; les Gufi
étant ce qu’ils sont ; n’était-elle pas d’eux la chanson
qui me fit tant rire « Poussez
pas, on fout le camp comme vous ![[671]] ».
Tu
te souviens bien, Lucien l’âne mon ami, ta mémoire est d’une
grande fidélité, je le sais pour l’avoir si souvent expérimentée.
Pour cette berceuse, car c’en est une, une berceuse pour le long
sommeil sous la terre, les Gufi (les Hiboux, si tu préfères) n’ont
pas abandonné leur ton mi-comique, mi-ironique, mi-sarcastique, un
ton d’entre-deux, comme tu le vois. C’est donc un mort qui parle
(un des enterrés là), mais pas seulement ; ils sont plusieurs
cette fois, comme sur la colline d’Edgar Lee Masters et tous vivent
leur mort dans la contradiction.
Le
premier est un Allemand qu’on a enterré en le prenant pour un
Anglais ;
Le
second est Polonais qui prenait l’Italie pour le « pays où
fleurissent les citronniers » et a trouvé le « pays
où fleurissent (aussi) les canons [[1844]]» ;
Le
troisième, un Étazunien, un noir du Mississippi très honoré
d’être mort et enterré là avec les blancs.
La
fin tient quant à elle de la science-fiction ou plus exactement, du
roman d’anticipation qui se situe sur une Terre où la Guerre de
Cent Mille Ans serait finie depuis longtemps ; depuis si
longtemps qu’il faut raconter aux enfants de ce temps qu’il y a
eu des guerres et leur expliquer ce que peut être une guerre.
Voilà,
Marco Valdo M.I. mon ami, un bien heureux temps que celui-là. Mais
comme j’entends, même en allant fort vite, il n’est pas pour
demain. En tous cas, ce ne sont pas aux enfants d’aujourd’hui
qu’il faut dire qu’il y a des guerres et que les humains
assassinent avec une certaine obstination et en bandes. Alors, il ne
nous reste qu’à continuer notre tâche et à mener à bien notre
engagement de tisser le linceul de ce vieux monde catastrophal,
belliqueux, guerrier, meurtrier et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Nous sommes enterrés ici pour toujours ;
Pour nous, le temps s’est arrêté ce jour.
On a pleuré pour nous,
On se souvient parfois encore de nous.
À
peu à de pas d’ici, tout près,
À peu à de pas d’où,
Disent les autres, là où
« Nous reposons en paix »,
Les automobiles passent à toute vitesse
Sur la grand-route d’asphalte.
À peu à de pas d’où,
Disent les autres, là où
« Nous reposons en paix »,
Les automobiles passent à toute vitesse
Sur la grand-route d’asphalte.
Le
canot rouge ou les skis.
On aperçoit, derrière les pins, derrières les haies, discrètes,
Mille croix blanches
« Un cimetière militaire.
On pense, tant de morts ! »
Ensuite, d’un coup, on accélère
Vers le week-end et le port.
On aperçoit, derrière les pins, derrières les haies, discrètes,
Mille croix blanches
« Un cimetière militaire.
On pense, tant de morts ! »
Ensuite, d’un coup, on accélère
Vers le week-end et le port.
Sur
ma croix, il n’y a pas de nom
À mon corps carbonisé sous un char, méconnaissable
Personne n’a pu donner de nom.
À l’examen des chaussures, l’unique élément reconnaissable,
On m’a déclaré « unidentfied British soldier »,
Soldat anglais non identifié.
Je faisais partie de la Wehrmacht ; en réalité,
Je suis de Berlin. Mon nom est Richard Gruber.
Mes godillots étaient cassés,
J’avais emprunté ceux d’un mort oublié.
Elles servaient à tenir au chaud mes pieds.
Finalement, grâce à eux, me voici :
Encore toujours parmi les vainqueurs, moi aussi.
À mon corps carbonisé sous un char, méconnaissable
Personne n’a pu donner de nom.
À l’examen des chaussures, l’unique élément reconnaissable,
On m’a déclaré « unidentfied British soldier »,
Soldat anglais non identifié.
Je faisais partie de la Wehrmacht ; en réalité,
Je suis de Berlin. Mon nom est Richard Gruber.
Mes godillots étaient cassés,
J’avais emprunté ceux d’un mort oublié.
Elles servaient à tenir au chaud mes pieds.
Finalement, grâce à eux, me voici :
Encore toujours parmi les vainqueurs, moi aussi.
Mon
nom est Ian Piazinski.
Un début, une fin et deux dates.
Vingt ans entre ces dates.
La guerre m’a pris
Me chassant de la Pologne de mon cœur
En cette Italie, que j’avais toujours pressentie
Un pays de soleil, de chants et de fleurs
Et que j’ai vue par un terrible automne de feu et de pluie.
Je suis mort un jour, en novembre,
Touché par une bombe, par hasard.
J’ai vécu, sans avoir le temps de comprendre.
Je suis mort, sans avoir le temps de m’en apercevoir.
Un début, une fin et deux dates.
Vingt ans entre ces dates.
La guerre m’a pris
Me chassant de la Pologne de mon cœur
En cette Italie, que j’avais toujours pressentie
Un pays de soleil, de chants et de fleurs
Et que j’ai vue par un terrible automne de feu et de pluie.
Je suis mort un jour, en novembre,
Touché par une bombe, par hasard.
J’ai vécu, sans avoir le temps de comprendre.
Je suis mort, sans avoir le temps de m’en apercevoir.
Alors,
on m’appela Smiley.
Pauvre nègre, je suis né sur les rives du Mississippi,
Traité à coups de pied, de crachats et de vexations
Pauvre nègre, je suis né sur les rives du Mississippi,
Traité à coups de pied, de crachats et de vexations
Par
les blancs de mon pays.
Un jour, un homme blanc venu de Washington
M’a dit : « Ça suffit. Nous sommes tous égaux,
Nous sommes tous frères,
Un jour, un homme blanc venu de Washington
M’a dit : « Ça suffit. Nous sommes tous égaux,
Nous sommes tous frères,
Quelle
que soit la couleur de notre peau.
Viens avec nous, frère nègre ! »
Je suis allé et, les gars, c’était vrai !
Je voyageais avec les blancs, je marchais avec les blancs,
J’ai eu l’honneur de mourir, avec les blancs !
Moi, Charlie Wright dit Smiley,
Pauvre nègre né sur les rivages du Mississippi
Et mort sur le bord d’un fossé,
Un jour de mars, en Italie.
Viens avec nous, frère nègre ! »
Je suis allé et, les gars, c’était vrai !
Je voyageais avec les blancs, je marchais avec les blancs,
J’ai eu l’honneur de mourir, avec les blancs !
Moi, Charlie Wright dit Smiley,
Pauvre nègre né sur les rivages du Mississippi
Et mort sur le bord d’un fossé,
Un jour de mars, en Italie.
Ce
sont nos voix, entre mille autres,
Qu’entendent, la nuit, les arbres, la lune et les grillons.
Un jour nos croix tomberont
Et se confondront avec la terre.
Et avec la terre se confondront nos osselets,
Qui ne reposent pas encore en paix.
Sur les prés, viendront des enfants
Et parmi tant de questions d’enfant,
peut-être, aussi celle-ci : « Papa, c’est quoi la guerre ? »
Et alors, il faudra expliquer qu’un temps,
Mais il y a très très longtemps,
Les hommes se massacrèrent.
On rangea les hommes d’une tribu,
D’une ville, d’un État.
Qu’entendent, la nuit, les arbres, la lune et les grillons.
Un jour nos croix tomberont
Et se confondront avec la terre.
Et avec la terre se confondront nos osselets,
Qui ne reposent pas encore en paix.
Sur les prés, viendront des enfants
Et parmi tant de questions d’enfant,
peut-être, aussi celle-ci : « Papa, c’est quoi la guerre ? »
Et alors, il faudra expliquer qu’un temps,
Mais il y a très très longtemps,
Les hommes se massacrèrent.
On rangea les hommes d’une tribu,
D’une ville, d’un État.
« C’est
quoi des bombes ? »
Ils se tuèrent. C’est ça la guerre.
« Oui, mais pourquoi papa ? Pourquoi ? »
Ils se tuèrent. C’est ça la guerre.
« Oui, mais pourquoi papa ? Pourquoi ? »