Et
ma poupée ?
Chanson
française – Et ma poupée ? – Marco Valdo M.I. – 2020
Quelques
histoires albanaises, tirées de nouvelles d’Ismaïl Kadaré,
traduites par Christian GUT et publiées en langue française en 1985
sous le titre La Ville du Sud.(7)
Dialogue
Maïeutique
Laisse-moi,
Lucien l’âne mon ami, d’abord te conter une petite anecdote à
propos de nos petits dialogues maïeutiques.
Soit,
dit Lucien l’âne.
Donc,
reprend Marco Valdo M.I., il y a quelques jours notre ami R.V. dans
le commentaire introductif qu’il consacrait à la chanson Asia
de Francesco Guccini, dont je compte faire prochainement la version
française, et la clôture peut-être provisoire, probablement selon
moi, du Chansonnier du Coronavirus – qui, soit dit en passant
comporte 140 chansons et je pense même qu’il en manque.
Oh,
dit Lucien l’âne, une anecdote ? Pourquoi pas ? C’est
toujours distrayant.
Ainsi,
dans le commentaire que je t’ai dit, Lucien l’âne mon ami, R.V.,
qui administre avec un brio et une maestria diabolica, ce site des
Chansons contre la Guerre (auquel nous collaborons volontiers), y
introduit, écrit et traduit moultes chansons, dit ceci :
« Dans ce cas, je laisse (faire) à chacun des
considérations, des réflexions, des suggestions, des histoires, de
la géographie et de la politique ; comment dire, j’invite
vraiment chacun à se faire son Dialogue Maïeutique comme font Marco
Valdo M.I. et Lucien Lane. Ceci, à la rigueur, est le mien
(assaisonné à la diabolique)… »
Eh
bien, dit Lucien l’âne, nous voilà en quelque sorte
diaboliquement canonisés ; je n’en espérais pas tant.
Maintenant, dis-moi, la chanson raconte réellement une histoire de
poupée ?
Si on
veut, oui, répond Marco Valdo M.I., mais pas seulement. Elle
continue la saga familiale de Gjirokastër dans la guerre, vue par un
enfant. Pour rappel, on se trouve – fin 1940 – dans cette petite
ville du Sud de l’Albanie, proche de la frontière grecque. Les
envahisseurs italiens y passent dans un sens, puis dans l’autre à
leur retour, poursuivis par les Grecs ; puis, c’est au tour
des Grecs de reculer face aux Allemands. Je te rappelle que tous ces
trois belligérants sont des pays sous régime fasciste ou nazi.
Rien
là que de très habituel, dit Lucien l’âne. Ces allées et venues
sont les aléas de la guerre. Donc, on en est à l’arrivée des
Allemands qui s’en vont vers la Grèce.
Exactement,
Lucien l’âne mon ami, mais eux n’en sont encore qu’à l’aller
– moment exaltant et victorieux et ils sont précédés d’une
réputation des plus épouvantables ; on dit que ce sont des
massacreurs fort réputés. En marge de ces allés-retours des
étrangers au travers de l’Albanie, il y les règlements de compte
des Albanais entre eux. Ce sont des procédés incendiaires et
meurtriers.
Mais,
dit Lucien l’âne, si je comprends bien, sous la guerre militaire
des étrangers, il y a la guerre civile des Albanais.
Oui,
c’est à peu près ça, dit Marco Valdo M.I. et l’affaire se
présente ainsi : les fascistes albanais, qu’on nomme les
« ballistes », se rallient à l’occupant et tuent les
partisans, opposés aux occupants, et les partisans tuent les
« ballistes ». Tout ça se passe de façon civile,
c’est-à-dire clandestinement, de préférence la nuit, et un à la
fois. À la rigueur, par petits groupes. Dans cette agitation,
l’enfant qui nous raconte l’histoire, suit le parcours de sa
famille laquelle, à l’annonce de l’arrivée des Allemands,
s’exile dans un village des collines voisines et qui contemple avec
effroi – les adultes et avec animation – les enfants, la ville où
rougeoient des incendies. C’est durant cette nuit d’exode que la
petite fille pleure sa poupée, restée à la maison. Puis, toute la
famille revient au petit jour. Le reste est dit dans la chanson.
Au
fait, dit Lucien l’âne, ce doit être les actions des
« ballistes », car j’imagine que s’ils avaient eu
pareille intention, les Allemands auraient agi en plein jour, rasé
toute la ville et massacré les habitants. Ils auraient mis la chose
sur le compte des représailles. Quant à nous, nous tissons le
linceul de ce vieux monde plein de fureur et de bruits, incendiaire,
assassin, sentimental
et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Ce
sera une grande catastrophe, dit ma mère ;
Le
sang coulera, le frère tuera le frère.
Avec
ces Allemands, ce sera une grande guerre
Finalement,
dit ma grand-mère.
Les
Allemands viennent en longues files.
On
dit qu’ils exterminent.
On
dit qu’ils vont détruire la ville.
On
est partis dans les collines
Les
ballistes incendient les maisons des partisans.
D’ici
dans la nuit, on voit, les flammes
Trembler
sur le ciel étoilé d’occident,
Le
vent emporte la colère des femmes.
C’est
ma maison qui flambe, hourra !
Monte
là-dessus et tu verras Istanboul !
Qui
déjà est partisan chez toi ?
Mon
oncle, ma tante, mon frère, une foule !
Alors,
demain, ta maison brûlera,
Brûleront
les livres turcs de grand-père,
L’armoire
et le coffre de grand-mère.
Et
ma poupée, toute seule, là en bas ?
Mémé
dernière, papa devant,
Au
champ d’aviation, on s’arrête ; prudence !
En
face, les feux s’éteignent en silence.
Les
ballistes ont fusillé les partisans.
On
rentre en ville en fin de nuit.
Les
Allemands n’ont rien détruit.
Devant
la maison, sur un mort, un papier :
Espion,
mort au fascisme, liberté !