lundi 10 mai 2021

SI ON TE COUPAIT EN MORCEAUX

 

SI ON TE COUPAIT EN MORCEAUX


Version française – SI ON TE COUPAIT EN MORCEAUX – Marco Valdo M.I. – 2021

Chanson italienne – Se ti tagliassero a pezzetti – Fabrizio De André – 1981

Paroles et musique : Fabrizio De André

 

 

 

 

 

 

LE JOUEUR À LA MANDOLINE


André Derainca. 1930

 

 

 

 

 

 

 

 




Dialogue maïeutique


Je me demande, Lucien l’âne mon ami, ce que dirait une jeune fille à qui on commencerait par dire ce qui fait le titre, l’accroche de la chanson : « Se ti tagliassero a pezzetti – SI ON TE COUPAIT EN MORCEAUX ». Qu’en penses-tu ?


Oh moi, dit Lucien l’âne, je ne suis qu’un âne, mais je serais très affolé, très apeuré ou très intrigué : très affolé, car je me demanderais de quel esprit malade aurait surgi cette proposition folle ; apeuré, me disant que mon interpellateur serait bien capable de la mettre à exécution et pour ce faire, de m’exécuter ; intrigué, me demandant ce qui pourrait bien suivre un tel hors d’œuvre. Dans tous les cas, je serais très attentif à la suite.


Et c’est précisément là le but recherché, reprend Marco Valdo M.I. ; par cette accroche, c’est attirer toute l’attention de la demoiselle, la sidérer d’un coup d’accroche-cœur, la tétaniser d’un coup d’arrache-cœur et ça marche, évidemment. Par la suite, il apparaît qu’il s’agit bien d’attirer l’attention d’une jeune (ou moins jeune) femme. C’est donc ce que confirme en apparence la seconde strophe, laquelle m’a fait songer à une chanson de Brassens, qui elle-même renvoie à toute une tradition qui se perd dans la nuit des temps, qui s’intitule « Dans l’eau de la claire fontaine » et qui commence ainsi :


« Dans l’eau de la claire fontaine,

Elle se baignait toute nue

Une saute de vent soudaine

Jeta ses habits dans les nues… »


Et cette eau de la claire fontaine est sans doute, dit Lucien l’âne, de la même eau de la même fontaine que celle que chantait depuis longtemps celui qui disait :


« À la claire fontaine, m’en allant promener

J’ai trouvé l’eau si belle que je m’y suis baigné »


Sans doute, Lucien l’âne mon ami, même si la version plus moderne de Brassens est plus malicieuse et se situe en quelque sorte de l’autre côté du miroir, comme une autre chanson de Fabrizio De André qui conte aussi une rencontre au bord de la fontaine ; elle porte un titre à rallonge : Carlo Martello torna dalla battaglia di Poitiers – CHARLES MARTEL DE RETOUR DE LA BATAILLE DE POITIERS ; je t’en cite un petit extrait :

« Le miroir de la fontaine d’étain
Reflète le fier vainqueur des Mores.
Quand voici que dans l’eau débonde,
Admirable vision, le symbole de l’amour.
Au cœur de longues tresses blondes
Paraît en plein soleil son sein nu. »


De celle-là, je me souviens, dit Lucien l’âne.


Donc, dit Marco Valdo M.I., la chanson poursuit son déroulé et il se révèle qu’il convient de prendre le titre au sérieux et que par ailleurs, la dame, la demoiselle est peut-être d’une autre dimension que celle qu’on pouvait penser. Serait-ce vraiment Madame Liberté qui sera assassinée ?


Tout ça, dit Lucien l’âne, est bien mystérieux.


Il te reste donc, Lucien l’âne mon ami, à aller voir la chanson et à méditer. À mon sens, c’est voulu et ça donne tout son charme à la chanson. Elle invite à une sorte de danse des voiles où la danseuse, horriblement séduisante, se dépouille voile après voile jusqu’à présenter sa (ou ses) vérité.


C’est toujours troublant ces choses-là, dit Lucien l’âne. Imaginons et tissons le linceul de ce vieux monde terne, morne, triste et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.







Si on te coupait en morceaux,

Le vent les ramasserait,

Les araignées recoudraient

Ta peau,

La lune tisserait tes cheveux

Et peindrait ta figure

Et le pollen d’un dieu,

D’un dieu, ferait ton sourire.


Je t’ai trouvée près de la rivière

Qui jouait d’une feuille de fleur,

Qui d’amour chantait les paroles légères ;

J’ai goûté tes lèvres et de ton cœur

Le rouge rouge miel liquoreux.

J’ai dit donne ce que tu veux,

Je donnerai ce que je peux.


Rose jaune, rose de cuivre,

Je n’ai jamais dansé tant

Sur le fil de la nuit d’argent,

Sur les pierres du jour, ivre,

Moi, les soirs, joueur de guitare,

Moi, joueur de mandoline au matin,

À la fin, on tomba dans le foin.


Perdue pour beaucoup, perdue pour peu,

Pris au sérieux, pris par jeu,

Il n’y eut pas beaucoup

À dire ou penser. Pour nous,

La fortune souriait au miroir

Comme un étang au printemps

Soufflé par tous les vents

Du soir.


Et, j’attendrai demain

Pour la nostalgie

Madame Liberté, mademoiselle Anarchie

Précieuse comme le vin,

Gratuite comme la tristesse,

Nimbée de beauté et de faiblesses.


À la gare, je t’ai croisée.

Prise au piège

D’un tailleur droit et beige,

Tu suivais ta senteur poivrée,

Journaux dans une main

Et dans l’autre ton destin ;

Tu marchais déjà tout à côté

De ton assassin.


Si on te coupait en morceaux,

Le vent les ramasserait,

Les araignées recoudraient

Ta peau,

La lune tisserait tes cheveux

Et peindrait ta figure

Et le pollen d’un dieu,

D’un dieu, ferait ton sourire.