Le
Syndicaliste
Chanson
française – Le Syndicaliste – Marco Valdo M.I. – 2020
Scènes
de la vie quotidienne au temps de la Guerre de Cent Mille Ans.
Histoire
tirée du roman « Johnny et les Morts » – du moins de
la traduction française de Patrick Couton de « Johnny and the
Dead » de Terry Pratchett. (1995)
Tableau
de Boris Koustodiev
1920
|
Dialogue
Maïeutique
Par
le grand Onos,
dit Lucien
l’âne, un
syndicaliste.
Oui,
dit Marco Valdo M.I., un syndicaliste. Ce n’est
pas tous les jours qu’il y a une chanson pour vanter les mérites
des camarades syndicalistes.
Pourtant,
dit Lucien l’âne, souvent, ils les méritent ces mérites.
Surtout,
continue Marco Valdo M.I., quand ce sont des syndicalistes émérites
comme William Stickers, un gars presque célèbre qu’on célèbre
ici dans cette chanson ; une
chanson qui
fait en quelque sorte l’histoire des deux derniers siècles et du
début de celui-ci, vus
au travers du prisme particulier du syndicalisme. En gros, Johnny, tu
sais Johnny Maxwell, celui qui rencontre les morts dans le
cimetière
de Blackbury et qui parle avec eux, vient
de rencontrer William Stickers devant sa tombe et entame une
conversation avec lui.
Oui,
répond Lucien l’âne, je sais et même, très bien qui est
Johnny ; l’autre jour, il racontait l’histoire de Salomon
Einstein, le
taxidermiste
et
la fois précédente, il avait inauguré ces rencontres avec
l’alderman Bowler.
Donc,
dit Marco Valdo M.I., cette fois, c’est un syndicaliste, un nommé
William Stickers, presque célèbre au Cygne blanc, le bistro de
Blackbury, situé
dans la rue du Paradis,
où – dans
la première moitié du XXe
siècle – il
haranguait les prolétaires locaux. Avant d’aller plus loin, je
voudrais noter au passage que ses initiales – W.S – sont les
mêmes que celles de celui que le monde entier connaît sous le nom
de William Shakspere, comme il signait lui-même en son testament.
Oh,
dit Lucien l’âne, ça
ne m’étonnerait pas, car le
nom complet de William Stickers est presque une transcription de ce
nom de William Shakespeare,
alias
William Shackspeare, tel qu’il apparaît sous la plume du notaire
et d’après ses propres signatures : Willm Shakp., William
Shakspe, Wm Shaksper., William Shackspeare, Willim Shackspeare,
William Shakspeare.
L’idée
est excellente, Lucien l’âne mon ami, mais nous ne sommes pas là
pour débattre de
ce sujet si passionnant de la réelle personnalité qui se trouve
derrière ce nom de Shakespeare. Il nous faudrait faire le point sur
cette délicate question et nous n’avons pas le temps de le faire
ici. Pour ce qui est de William Stickers, même mort, il reste
lui-même.
Soit,
répond Lucien l’âne, mais quand même, Shackspeare
était-il Shakespeare ? D’aucuns disent que ce serait John
Florio et ils avancent des arguments à mes yeux assez fondés.
Cependant, passons.
Donc,
reprend
Marco Valdo M.I., j’en
reviens à William Stickers qui
a vécu toute sa vie avec la
conviction
qu’une révolution universelle étendrait le communisme depuis
l’Union soviétique (patrie des travailleurs) au reste de la
planète. Il va être bien déçu quand il apprendra qu’il n’y a
plus de patrie des travailleurs ; et Johnny n’ose imaginer de
lui dire ce qui s’est vraiment passé en Pologne, en Roumanie, en
Ukraine, au Cambodge ou ailleurs ; sans compter les nouvelles
révolutions, plus vraiment communistes.
Panta
rhei, dit Lucien l’âne, mais
il y a de quoi être déçu pour ceux qui comme lui ont mené leur
vie durant l’inlassable combat pour atteindre le socialisme –
antichambre du paradis ou autrement dit, pour faire triompher leur
rêve.
Bien
sûr, Lucien l’âne, et ils sont très nombreux ceux qui voyaient
dans la révolution la voie vers un
futur meilleur ; ils disaient : « Le
communisme est l’avenir radieux du socialisme. » Mais
même si la patrie des travailleurs a trahi, même si le rêve s’est
évanoui, on peut faire confiance à William Stickers pour assurer
que « le combat continue ». Syndicaliste chez les
vivants, il transporte son enthousiasme, son militantisme et son
indéfectible foi dans la victoire finale dans son nouveau monde, le
monde des morts.
Je
suis très curieux de lire ça, dit Lucien l’âne. Et nous qui
sommes aussi obstinés que William Stickers, nous tissons le linceul
de ce vieux monde réticent et lent, conservateur, doté d’une
incoercible inertie, hypocondriaque et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M. I. et Lucien Lane
Au
cimetière, gravé sur la grande pierre,
Au
milieu de la tombe de William Stickers,
On
lisait : Prolétaires du monde un.
Johnny
demande : « C’est quoi le monde un ? »
William
Stickers dit : Ce devait être « Unissez-vous »,
Un
gars a pris la caisse et l’argent manqua pour écrire tout.
À
Blackbury, William Stickers un gars presque célèbre,
Avec
le temps, jeté par la mort dans les ténèbres.
William
Stickers est un héraut du syndicalisme,
William
Stickers est un héros de la classe ouvrière
Un
homme de fer, un homme fier, un prolétaire.
Il
a presque inventé le communisme.
Derrière
ses lunettes et sa barbe noire, il était grand,
Il
aurait été Karl Marx, s’il avait existé avant.
« William
Stickers, vous êtes un fantôme ? — N’y pensez pas,
C’est
des superstitions, les fantômes n’existent pas. »
« William
Stickers, vous êtes mort ? —
Oui,
mort et dans l’ombre, sous la terre,
Mais,
l’humanité marche vers la lumière.
Et
heureuse et solidaire, elle vit encore.
Johnny,
dites-moi en quelle année nous sommes. –
En
deux mil vingt. Il y a toujours des hommes,
Mais
il n’y a plus d’Union soviétique
Et
ce n’est pas le plus dramatique :
Comment
avouer à William Stickers, l’évolution
Terriblement
malencontreuse des dernières révolutions,
Quand
les masses se sont mises en piste
Pour
renverser les tyrans communistes ? »
William
Stickers dit : « Je suis mort, c’est tout.
Il
faut être logique, rationnel ;
Il
faut constater, même si ça paraît fou,
Ici,
après ma mort, je suis éternel. »
« William
Stickers, ça fait quoi d’être mort ? —
C’est
très long et parfaitement ennuyeux.
On
est tout seul et de plus en plus vieux.
On
parle, mais on ne revit pas ; enfin, pas encore.
Mais
je milite pour la résurrection des macchabées.
Levez-vous,
levez le poing, levez tout, c’est ma tournée !
Camarades
cadavres de tous les pays, avancez !
La
révolution universelle va triompher ! »