SUR L’ELBE : PLUS DE NAPOLÉON
Version française — SUR L’ELBE : PLUS DE NAPOLÉON — Marco Valdo M.I. — 2023
Chanson italienne (Elboise) — All'Elba non c’è più Napoleone — Alberto Carletti — 1955 ça.
Chanson composée par Alberto Carletti
NAPOLÉON SUR L’ELBE
Elles ne sont pas nombreuses, malheureusement, les informations que j’ai pu repérer sur Alberto Carletti, un chansonnier de Rio Marina qui est également l’auteur de « Elba terra nostra » — ELBE NOTRE TERRE (écrite en 1945), la chanson qui est quelque peu reconnue comme « l’hymne d’Elbe ». D’après ce qu’on trouve sur le net, Alberto Carletti est décédé en mai 2008 à Livourne ; son frère Carlo Carletti (connu sous le nom de Carlo D’Ego), également poète et animateur culturel de Rio Marina (et du Cavo), est décédé quelques années plus tard. Les chansons d’Alberto Carletti, c’est-à-dire celle présentée ici et « Elba terra nostra » mentionné ci-dessus, ont été interprétées et enregistrées par Giorgio Onorato, chanteur et interprète de folklore romain, sur un disque GEVOX 45 tours (d’une année que je n’ai pas pu identifier, mais certainement entre les années 1950 et 1960), avec une orchestration du maestro Roberto Pregadio, célèbre pour sa direction dans le programme de radio et de télévision « La Corrida » de Corrado Mantoni. Voici (ci-après) quelques-unes de mes considérations et impressions personnelles.
En tant qu’Elbois de naissance, je me suis fait, par la force des choses, un « cal » de Napoléon. Il fut une période, en effet (et c’est sans compter le bicentenaire de la venue de Napoléon à l’île d’Elbe, tombé en 2014), où pour le moins un nombre de personnes au moins venaient à l’île d’Elbe pour entendre parler du « Grand Corse », de ces peu de mois où il en était le souverain, de son fatal destin, des cent jours, et ainsi de suite. Il semble que la première victime de la bataille de Waterloo ait été une cuisinière d’Elbe, Maria Santelli, que Napoléon avait emmenée avec lui pour ses talents et qui a été touchée par la première balle tirée le 18 juin 1815. Lorsque le tourisme de masse est arrivé à l’île d’Elbe, que Napoléon y soit présent ou non, le “napoléonisme” a pris le dessus en peu de temps ; pour le meilleur ou pour le pire, l’île d’Elbe est entrée dans les livres d’histoire pour ces quelques mois, et le reste de son histoire millénaire n’intéresse malheureusement pas grand monde. Ce fut toute une floraison de Napoléons : de l’eau minérale (et des boissons gazeuses) « Fonte Napoleone » — Source Napoléon (qui existe encore aujourd’hui) aux sardines en boîte “Napoleon”, de l’agence de voyage “Napoleonelba” à je ne sais combien d’autres organisations et entreprises décorées du “N”. J’ai toujours pensé que, tout bien considéré, Napoléon Bonaparte aurait mieux fait de rester là, sur l’île d’Elbe. Qui sait ce qu’il serait devenu, mais il aurait certainement évité de finir ses jours sur une autre petite île, beaucoup plus petite et plus éloignée qu’Elbe.
Les Elbois, du moins tels qu’il m’a toujours été donné de comprendre, sont un peu attachés à Napoléon et un peu las de lui. Il est certain qu’ils s’en sont servi spécialement, surtout quand, après la guerre, les usines de Portoferraio ont été détruites par les bombardements (et fermées pour toujours), et que l’industrie du tourisme commençait. Quelque touriste française, sans doute, aura été attirée par ce Scoglio (Rocher) en face de la Corse pour des motifs historiques, sans parler du fait que l’île d’Elbe a conservé des liens historiques avec la France, dont elle a fait partie pendant un certain temps. Mais je dois dire que peu d’Elbois pensent exactement comme moi : après tout, le « grand Corse » était en réalité un grand couillon, lui et ses destinées impériales. Comme disait aussi Tonton Georges : Pauvres rois, pharaons, pauvre Napoléon…
« Pauvres rois, pharaons ! Pauvre Napoléon !
Pauvres grands disparus gisant au Panthéon !
Pauvres cendres de conséquence !
Vous envierez un peu l’éternel estivant,
Qui fait du pédalo sur la vague en rêvant,
Qui passe sa mort en vacances… »
(Brassens — Supplique pour être enterré sur la plage de Sète)
et ce n’est pas un hasard si ma supplique serait d’être enterré sur la plage de Galenzana. Mais nous autres, nous ne sommes pas des empereurs ; lui, qui l’était de l’île d’Elbe et pouvait jouir des amours de Walewska à la Madonna del Monte, choisit au contraire d’aller prendre une bonne raclée dans la boue de Waterloo, un 18 juin hivernal, déjà sous l’effet de l’éruption du Tambora. Bonne Sainte-Hélène, cher Napoléon ! Moi, au contraire, je retourne à l’Elbe dans quelques jours, tiens ». Et, comme la jeune Sérénella dans la chanson, que m’importe Napoléon… ? [RV]
À l’Elbe, un matin arriva Sérénella.
Elle pensait y trouver Napoléon,
Mais surprise et grande déception,
Le Corse n’était plus là…
Triste et déçue, elle allait s’en aller,
Quand elle vit la mer et les montagnes illuminées,
Le soleil magnifique et les plages dorées.
Alors elle décida de rester.
S’il n’y a plus Napoléon sur l’île,
Il y a toujours ses vieux sentiers,
Dans son palais, les pensées circulent,
Qui autrefois effrayaient le monde entier.
Sur l’Elbe, il n’y a plus Napoléon,
Mais mille choses à regarder :
Les falaises, la mer et l’horizon,
Un paradis fait pour rêver.
Le cœur par la mer enchanté,
Sérénella se décide alors :
Elle ne veut plus remonter
Dans les brumes du Nord
Et dans les bras d’Elbe, elle s’endort.
La mer lui chante une chanson,
La lune lui dit encore et encore :
« Oublie Napoléon…
Oublie Napoléon ! »
J’ajoute, dit Lucien l’âne, pour les bonnes oreilles, la conclusion de Zazie :
« Napoléon mon cul, Napoléon ?
Il m’intéresse pas du tout, cet enflé, avec son chapeau à la con. »
Raymond Queneau — Zazie dans le métro — https://www.youtube.com/watch?v=pVLmSXPfQzk