vendredi 27 mai 2016

DACHAU BLUES

DACHAU BLUES

Version française – DACHAU BLUES – Marco Valdo M.I. – 2016
d’après la version italienne de Stanislava
de la chanson tchèque Dachau Blues de Karel Kryl – 1970



E
t les tanaisies commencent à fleurer,


Quand les ombres enroulent leur désir profond,L’obscurité se livre à la magie
Et résonne quelque part la batterie,
Quand la lune
jette sur la grille
Deux noisettes de Cendrillon
Avec un oiseau gris,
Quand les cloches ont à peine sonné minuit
Et les tanaisies commencent à fleurer,Revient à nouveau le mauvais rêve.Aux fenêtres, il y a encore des fragments de verreEt le sang qui à nouveau a dégorgé
Dégoutte des discours publics jusqu’à terre.

Si sur la pointe des pieds marche l’angoisse
Comme une fille aux chaussures bleues découvertes
Et la chemise blanche à l’encolure ouverte,
Si la résurrection a été gâchée,
Si le pont a des liens de structure
Qui crie aux amants,
Si l’or pleure du laiton,
Si l’air s’habille de suie
Et qu’en elle s’ouvre le vide des scories,
Voilà qu’à nouveau la peur fait une mosaïque de mensonges
Et pour une camisole de force
A déjà trouvé le Pharisien.

Pleins à craquer nous vomissons
Et les mois commencent un vendredi,
Nous hurlons dans notre sommeil,
À nouveau terrorisés par une ligne signée,
Sous notre courage feint, on cache la pâleur,
Comme Pilate, on se lave les mains,
Si la raison va bras dessus bras dessous avec la stupeur,
Nous n’arriverons pas vivants demain.

Si le mensonge est garant de vérité,
la liberté marche menottée
Et fleurissent les tombes alentour.
Si l’amour est devenu sombre,
Donne un quartz rose à une garce
Et reste sans ornements.
S’il reste la colère sans amour,
Vole les silex aux juifs
Et professe la tolérance.
Et, si privé d’âme, l’esprit
Ressemble à un crapaud
Ou bien à un aveugle qui danse avec l’épée.




À DROITE TOUTE !


À DROITE TOUTE !

Version française – À DROITE TOUTE ! – Marco Valdo M.I. – 2016
Ganz rechts zu singen (1.Oktober 1930) – Erich Kästner


Sonnez fort fanfares ! 
Maintenant, le troisième Reich arrive ! 


Salut à toi, Lucien l’âne mon ami et « À ta santé ! », je lève mon verre de vin de Moselle ou du Rhin, un de ces verres au pied vert, pour t’indiquer la traduction française de « Prosit », mot que l’on trouve au début du texte et que je n’ai pas traduit pour garder la couleur locale.

Merci et Prosit à toi, Marco Valdo M.I. mon ami, j’aime toujours qu’on me souhaite une belle et bonne santé. Ça fait plaisir.

Alors, Lucien l’âne mon ami, avant d’entamer notre dialogue maïeutique à propos de cet « À droite toute ! », en usage usuellement dans la marine, mais ici politiquement recyclé, je voudrais présenter deux personnages cités dans cette histoire et auxquels on ne peut substituer des appellations plus générales ; il s’agit d’ Ullstein et de Kirdorf.
« Nous ne voulons pas mourir pour Ullstein
Mais pour Kirdorf parfaitement d’accord. »


Qui sont-ils en effet ? Je le sais, Marco Valdo M.I. mon ami, car j’ai de la mémoire.
Ullstein est le nom d’une personne de la communauté juive – et c’est d’ailleurs pour cela que certains le détestent et en veulent à sa vie et du groupe de presse qu’il a créé et développé ; un groupe puissant, prospère indépendant et influent qui défend la République de Weimar.
Kirdorf est le nom d’un industriel (charbon-acier) allemand de la Ruhr, politiquement réactionnaire, nazi, partisan d’une dictature et un des financiers d’Hitler.

Comme, d’ailleurs, le nota dans son journal Josef Goebbels, ministre de l’Information du Reich.

Donc, Marco Valdo M.I. mon ami, à lire le titre « À droite toute ! », j’ai comme l’impression que c’est un texte d’actualité et que ce n’est pas uniquement une histoire d’Allemagne d’il y a longtemps.

Lucien l’âne mon ami, il y a du vrai dans ton impression. On est bien dans l’actualité dans le pays où nous résidons, mais également à l’échelle de l’Europe et du monde. Le « À droite toute ! » est bien la politique de ceux qui ont en mains les rênes du pouvoir ici actuellement. Toutefois, le texte parle de l’année 1930 et de Berlin. On est donc factuellement et historiquement dans la République de Weimar en pleine course vers sa dissolution dans le Reich nazi. C’est le discours triomphal d’un inconnu partisan d’un pouvoir (très) fort, d’une dictature :
« C’est une dictature dont on a besoin là
Bien plus que d’un État. »
Discours qu’on trouve à présent dans les propos, les discours, les harangues de nombres de nos contemporains tout au travers de l’Europe : de la Pologne à l’Espagne ou à la Grèce. Dès lors, ton impression recoupe bien la réalité actuelle. J’en suis persuadé ; je pensais également à la Hongrie, à l’Autriche et même à l’Italie et à la France. Certains sont plus avancés que d’autres, mais c’est perceptible partout.

Oh, dit Lucien l’âne, l’Allemagne se retient encore, mais il suffirait de peu de choses pour qu’elle bascule.

Pour l’instant, enchaîne Marco Valdo M.I., elle vit dans une certaine stabilité au détriment de la périphérie européenne ; elle est dans une position de domination et en tire avantage. On dirait une sorte de colonisation aux marches de l’Europe du Sud. Mais cet état de choses ne peut durer. Soit ce qu’ils ont fait aux Grecs est étendu à d’autres pays (la frange méditerranéenne, en premier) ; soit la raison finit par l’emporter quand même et l’Europe entière change de cap, met en place une autre politique et enraye l’offensive libérale et ses séquelles nationalistes.

Mais, ajoute Lucien l’âne, ce serait une démarche révolutionnaire, une réforme fondamentale qui bouleverserait le système. Évidemment, elle a peu de chances d’aboutir dans le calme ; elle ne peut se faire sans rencontrer de très grandes et très dures oppositions du côté des riches, des puissants et de leurs affidés. C’est un épisode classique de la guerre de Cent Mille Ans que les riches et les puissants font à l’encontre des pauvres afin de maintenir et de renforcer leur domination, d’accroître leur pouvoir, d’étendre leurs privilèges, de multiplier leurs profits et de garantir leurs richesses.

Je rejoins tout à fait ton analyse. Ainsi, ces Histoires d’Allemagne montrent deux choses : soit on réussit à changer de cap dans le sens que tu indiques ; soit on va vers la répétition d’événements fâcheux et leurs cortèges macabres.
« Youpie, tralala, alors il ne restera rien. »

Oh, tu sais comme moi, Marco Valdo M.I. mon ami, qu’on ne peut que dire ce que l’on pense et poursuivre de la sorte notre tâche et tisser le linceul de ce vieux monde brutal, inconscient, libéral, réactionnaire, nationaliste et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien l’âne.




Sonnez fort fanfares !
Maintenant, le troisième Reich arrive !
Prosit au détournement de vote !
C’était la première imposture !

Le vent tourne.
Maintenant, siffle un air nordique de caractère.
Par le tonnerre de Wotan, maintenant commence
La bêtise comme mouvement populaire.

Nous avons le cœur du côté droit,
Car ils ne nous ont laissé aucun choix.
Les têtes n’ont quand même pas d’utilité.
Avec, l’Allemand ne peut pas tirer.

Il n’y a pas de plus belle mort au monde,
Que celle par millions.
L’industrie nous donne du nouvel argent
Et des armes à prix coûtants.

Nous n’avons pas besoin de pain, et il n’y a qu’une urgence :
L’honneur national !
De la mort de nouveaux héros, nous avons un besoin vital
Et de grandes mitrailleuses.

Et par conséquent, les Juifs dehors !
Ils doivent partir pour une destination lointaine
Nous ne voulons pas mourir pour Ullstein
Mais pour Kirdorf parfaitement d’accord.

La vague allemande pousse
Comme le chêne vers le haut
Et Hitler est l’homme qu’il faut
Pour faire mousser la mousse.

Le Reichstag est une porcherie,
Où aucun porc ne s’y connaît.
Un roulement de tonnerre clamait
Le Parlement est une saloperie !

C’est une dictature dont on a besoin là
Bien plus que d’un État.
Les Allemands comprennent seulement,
Les Diktats, c’est évident.

Messieurs, une chose est sûre

C’est d’un putsch qu’on a besoin !
Et si l’Allemagne court à sa perte,
Youpie, tralala, alors il ne restera rien.