À cause des habits
À
cause des habits, mon ami Lucien l’âne, est une chanson
antimilitariste. En fait, elle est basée sur une paraphrase
militaire qui inverse le dicton « L’habit ne fait pas le
moine ». Elle postule que donc, assurément, l’uniforme fait
le militaire. L’uniforme, ah ! L’uniforme ! Un bel
objet l’uniforme et fort pratique, il permet au militaire de se
distinguer du civil et même des militaires du camp adverse. C’est
pratique et très utilitaire ce genre d’habits, qui habille de
façon uniforme tous ceux du même camp. Un peu comme au football, en
quelque sorte.
Oh,
dit Lucien l’âne, je vois de quoi il s’agit. Mais n’est-ce pas
un peu monotone tous ces gens vêtus pareil ?
Sans
doute que si, Lucien l’âne mon ami, mais comme je te l’ai dit,
il s’agit surtout de s’y reconnaître. Ça tient au but du jeu
militaire qui consiste essentiellement à éliminer l’adversaire et
pas ses propres militaires. Du moins
en principe, car on a vu des cas où ils se sont éliminés entre
eux ; je veux dire entre ceux qui
portaient le même uniforme.
Oui,
certes, j’en ai vu le faire aussi, Marco Valdo M.I. mon ami.
Cependant, la question se pose de savoir ce qu’ils feraient s’ils
n’avaient pas d’habits ? Est-ce que ça en ferait pour autant des
civils ?
On
pourrait croire, en effet, Lucien l’âne mon ami, que le civil
naîtrait de l’uniforme ôté. C’est la logique implicite de la
chanson. Ils pourraient se mettre tout nus,
mais d’expérience (pré)historique, ils trouveraient quand même
le moyen de se massacrer.
Effectivement,
dit Lucien l’âne, j’en ai vu moi qui se battaient tout nus et
ils massacraient fort bien. Les Spartiates, par exemple. Cependant,
même quand ils sont tout nus, ils se dépêchent de mettre des
signes distinctifs des plumes sur la tête ou ailleurs ou des
peintures sur le corps, le visage. En fait, dans la guerre, c’est
l’intention qui compte.
Finalement,
Lucien l’âne mon ami, marques de guerre ou uniformes, habillés ou
tout nus, à la guerre comme à la guerre, ce qui importe, c’est de
tuer l’intrus.
Concluons
ainsi, Marco Valdo M.I. mon ami et reprenons notre tâche. Tissons,
tissons le linceul de ce vieux monde guerrier, en uniforme ou tout
nu, massacreur, assassin et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
L’un ne comprenait pas
Ce qu’il foutait là ;
L’autre n’a pas compris
Ce qu’il foutait ici.
Mais quand ils se sont vus,
À cause des habits,
Au lieu d’être nus,
À cause des habits
Pas de la même couleur,
Ils pétaient de peur.
Mais quand ils se sont vus,
À cause des habits
Au lieu d’être nus,
À cause des habits
Ils se sont tirés dessus.
Il y a une mère
Qui guette à la fenêtre
Celui qu’elle a fait naître,
C’est comme ça une mère :
Neuf mois dans le ventre,
Ça compte pour une mère.
Elle attend qu’il rentre,
C’est comme ça une mère :
Faut que ça espère
Malgré les cimetières.
Il y a de quoi être fier,
De quoi pavoiser,
De quoi se médailler,
De claquer les talons
Et de chanter allons !
L’autre a eu de la chance,
Ce qui s’appelle de la chance
Et veut remercier
Bien fort et bien haut
Les enfants de salauds
Qui l’ont envoyé
Tout là-bas au loin.
Ces enfants de putain,
Il les remercie
Tous ceux grâce à qui
Il lui fut permis
Au nom du pays
D’avoir de la chance,
Ce qui s’appelle de la chance,
Une sacrée chance.
L’un ne comprenait pas
Ce qu’il foutait là ;
L’autre n’a pas compris
Ce qu’il foutait ici.
Mais quand ils se sont vus,
À cause des habits,
Au lieu d’être nus,
À cause des habits,
On s’est tirés dessus.