mercredi 19 août 2020

La Foi

La Foi


Chanson française – La Foi – Henri Tachan – 1976
Paroles et musique : Henri Tachan




 
Ulysse rencontre Leucothéa - 1865

Friedrich Preller d. Ä. (1804 ‐ 1878)

 


Dialogue Maïeutique

Salut, Lucien l’âne mon ami, je suppose que le mot « foi » te dit quelque chose.

Oui, certainement, Marco Valdo M.I. mon ami ; d’ailleurs, je connais la chanson « Il était une fois, un petit bonhomme de foi… »

Oui, oui, bonne idée, Lucien l’âne mon ami, je n’y avais pas pensé, mais je vais en faire une vraie chanson de cette comptine enfantine dès qu’on en aura terminé avec celle-ci, car il faut battre son frère tant qu’il est chaud, comme disait Caïn. On y reviendra prochainement, je le promets une fois. Cependant, ici, il s’agit d’une chanson d’Henri Tachan, un de ces chanteurs-auteurs de leurs propres chansons, un de ceux qui ne tenaient pas leur langue dans la poche, comme, par exemple : Brassens, Ferré, Brel, Fanon, Béranger.

Et que raconte donc cette chanson de Tachan ?, demande Lucien l’âne.

Eh bien, comme tu peux l’imaginer à son titre, Lucien l’âne mon ami, toi qui as parcouru le monde et qui a croisé tant de peuples et tant de croyances, c’est une histoire de foi, mais pas de n’importe quelle foi, de celle qu’on inculque aux enfants selon l’ancienne éprouvée (et éprouvante) méthode du « Enfoncez-vous bien ça dans la tête ! » et de la réaction – salvatrice – qui en découle chez celle, celui, ceux qui réagissent à cette inoculation forcée…

D’abord, Marco Valdo M.I. mon ami, cette inoculation forcée de la foi et donc de la religion m’a tout l’air d’un viol de conscience enfantine.

Certes, Lucien l’âne mon ami, tu as parfaitement raison, c’est du viol de conscience et sur personne mineure de surcroît et par une personne qui a autorité sur la victime. Il y a donc une réaction naturelle salvatrice à cette inoculation comme on réagit à un virus malveillant en lui opposant des anticorps « fabrication-maison », de ceux qui protègent de cette infection à vie et même, bien au-delà.

En effet, dit Lucien l’âne, je vois très bien de quoi il s’agit et même, je confirme. Maintenant, pour ce que j’en ai vu, ces derniers temps – disons depuis un bon siècle, dans certains pays, rares d’ailleurs ; par chance, on vit dans un de ceux-là – ce pandémonium, cette pandémie théique et religieuse est presque complètement éradiquée et j’ai pu constater « de visu » que les gens s’en portaient fort bien ; beaucoup mieux même, car une cause (au moins) de haine et de délation méchantes a disparu. J’ai aussi noté que même pour ceux qui sont encore sous influence de cette peste mentale, la vie est plus libre et l’air plus respirable, car ici, nul ne songe à leur imposer d’abandonner leur croyance et moins encore, d’en adopter une autre.

Pour ce qui est de la chanson de Tachan et donc de sa « Foi », reprend Marco Valdo M.I., il faut absolument se souvenir de ce qu’il a enduré – comme bon nombre de ses contemporains – dans sa jeunesse religieusement encadrée ; catholiquement, en l’occurrence, même si la chanson dit « chrétiennement ». Pourtant – et c’est heureux – comme on peut le voir actuellement, on finit par s’en sortir quand même, à force de volonté et de foi en soi-même.

La foi en soi ?, dit Lucien l’âne, un peu surpris.

La foi en soi-même, bien sûr, dit Marco Valdo M.I., la seule qui vaille, car la foi n’est pas nocive quand elle s’applique à donner au bonhomme foi en lui-même. L’être humain n’a pas besoin d’orthèse. Cette foi en soi-même lui donne confiance et plaisir à vivre avec lui-même ; c’est cette foi : confiance et plaisir d’être et liberté, qui fait de l’homme unidimensionnel, tout courbé, tout obéissant, pour tout dire, béni oui-oui, un être humain à part entière, heureux malgré les récifs et les tempêtes, navigant à vue dans sa grande aventure unique, tel Ulysse traçant le retour à Ithaque. Évidemment, la chanson ne dit pas les choses ainsi ; elle tient plus du cri de révolte contre l’oppression et le mensonge religieux ; c’est un cri venu de l’enfance, un cri venu de l’adolescence et comme tel, ce n’est qu’un début. La vie fait le reste – au hasard des rues et des chemins, des gens qu’elle rencontre et des difficultés et des douleurs qui frappent ; elle est parfois dure, pénible, écrasant, mais avec cette foi en soi-même, elle se dresse fière face au néant – avant de le rejoindre. Pour un peu, elle lui dirait mieux ce que la Mort disait à Oncle Archibald et plus enthousiasmante :

« Si tu te couches dans mes bras,
Alors, la vie te semblera
Plus facile,
Tu y seras hors de portée
Des chiens, des loups, des hommes et des
Imbéciles,
Imbéciles. »

C’est la vie sans éteignoir.

Halte-là, Marco Valdo M.I. mon ami, sinon on y sera encore demain. Je m’en vais lire la chanson ; de cette manière, je te l’assure, je saurai en détail ce qu’elle raconte. Pour lors, tissons le linceul de ce vieux monde croyant, crédule, bigot, étouffant et cacochyme.


Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




Voilà qu’en ouvrant les yeux,
Je me rends compte, crénom de Dieu,
Que j’avais la Foi, mais la mauvaise,
Le dieu qui me l’a refilée
Ne nichait pas dans le bénitier,
Ni sur la croix, ni dans l’ascèse :
C’était un petit dieu cornu,
Le poil noir, le pied fourchu
Et les quinquets couleur de braise.

Ah ! la belle foi, ma foi, la belle foi, la mauvaise,
Ah ! ma mauvaise foi vaut bien toutes vos fadaises !

Le curé qui m’a baptisé,
Ah ! si j’avais pu lui parler,
Lui faire, je ne sais pas, un bras d’honneur !
En gueulant : « Pour ma tétée,
Je ne veux plus du biberon de lait,
Refilez-moi un téton de bonne sœur !
Un gros téton bien dodu
Pour que je m’entraîne dessus
En attendant des jours meilleurs ! »

Ah ! la belle foi, ma foi, la belle foi, la mauvaise,
Ah ! ma mauvaise foi vaut bien toutes vos foutaises !

À ma première confession,
Quand le refoulé en jupons
M’a susurré derrière la grille :
« Dites-moi vos vilaines pensées,
Tous vos gestes impuretés,
Vos moindres péchés, peccadilles ! »
Je répondis au père Machin :
« Cause toujours, moi je n’y peux rien
Si vos anges ont des gueules de filles ! »

Ah ! la belle foi, ma foi, la belle foi, la mauvaise,
Ah ! ma mauvaise foi vaut bien tous vos diocèses !

« En joue ! Gauche ! Droite ! Demi-tour ! »
Gueulait le con dans la cour
À notre troupeau de militaires,
Moi je m’assois bien au mitan,
Sous le nez de l’adjudant
Qui devient rouge, qui devient vert,
Et je lui dis chrétiennement :
« Jésus était non-violent,
C’était marqué dans mon bréviaire ! »

Ah ! la belle foi, ma foi, la belle foi, la mauvaise,
Ah ! ma mauvaise foi vaut bien vos Marseillaises !

Le jour du jugement dernier,
Je ferai mon dernier pied de nez
Quand on me portera en glaise :
Devant le cureton de malheur,
Le bedeau, les enfants de chœur
Et les petites ailes de sainte Thérèse,
Je raidirai mon goupillon :
Ils ne pourront pas fermer le caisson
Et je partirai à l’anglaise.

Ah ! la belle foi, ma foi, la belle foi, la mauvaise,
Ah ! ma mauvaise foi vaut bien vos Père Lachaise !