Le Mariage de Till
Chanson
française – Le Mariage de Till
– Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux – 60
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – III, XXIII)
Ulenspiegel le Gueux – 60
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – III, XXIII)
Dialogue
Maïeutique
Ben
ça alors, Till va se marier,
dit
Lucien
l’âne. Comme
ça subitement, sans fiançailles et sans ban, voilà qui est
surprenant.
Je
te l’accorde, dit Marco Valdo M.I. ; c’est un événement
assez inattendu,
une péripétie soudaine et déroutante, mais c’est ainsi. Il y a
urgence. En
fait, Till se marie et en même temps, il ne se marie pas. D’abord,
comme tout le monde le sait, il est promis – quoi qu’il arrive –
à Nelle ; ainsi le veut la Légende et elle n’en démordra
pas. Till est lié à Nelle par la légende, c’est son destin et
aucun prêtre, aucune cérémonie sacramentelle n’y pourra rien
changer. Ensuite, comme la chanson le révèle, c’est un mariage de
circonstance, un mariage nécessaire et la chanson explique pourquoi.
C’est, comme on dirait actuellement, un mariage blanc et qui ne
sera pas consommé – au grand dam de Till et, semble-t-il, de la
mariée.
Là,
dit Lucien l’âne, si c’est un mariage blanc, je comprends mieux
ce qui se passe, même si je ne sais pas trop en quoi untel mariage
peut être utile à Till. De nos jours, les mariages blancs servent à
donner accès à la nationalité ou à tout le moins, aux
sacro-saints papiers à des gens qui fuient le malheur qui les
étreint dans
le
pays d’où ils viennent.
Note,
Lucien l’âne mon ami, que tout ceci est franchement hérétique,
pour ne pas dire, digne d’un vrai libre-penseur, d’un authentique
athée. Je m’explique. Le mépris que Till démontre du mariage
religieux est violent pour l’époque et surtout, dans son principe.
Je résume : il s’agit d’un mariage catholique, à l’église
– sous l’œil de Dieu ou de son fils ou des deux et de la Vierge,
célébré par un prêtre, où les futurs jurent sur la Bible, le
crucifix, l’hostie en sachant pertinemment qu’ils trompent le
prêtre, mais aussi, celui qu’il représente : Dieu lui-même
– ce qui, on en conviendra, ne peut en aucun cas être le fait d’un
croyant – comme dit l’autre, Dieu est Dieu et il n’y a qu’un
seul Dieu. De plus, le mariage religieux est un sacrement : y
contrevenir et a fortiori, le tenir pour rien est, dans la logique
canonique, un très grave péché ; en clair, un crime contre la
Loi divine et un pays catholique, contre l’Église et contre
l’ordre royal.
Hou
là, ça va chercher lin ces crimes-là. On en a torturé et brûlé
pour moins que ça, dit Lucien l’âne ; mais, j’imagine que
pur Till et Lamme – et tous les Gueux en lutte qui sont déjà
passibles de la peine de mort, de la pendaison ou du bûcher, ça
n’aggrave pas leur cas et que de plus comme ils sont déjà
poursuivis, ils s’en foutent.
Sans
aucun doute, Lucien l’âne mon ami. Donc, le but de toute cette
aimable comédie est d’organiser une noce de campagne qui
emmènera les mariés et leur suite joyeuse sur des chariots fleuris
et ornés de drapeaux et de feuillages, en chantant jusqu’au lieu
et en fanfare de leur nuit de noces. Ici, ce lieu
magique se situe nécessairement au cœur de Maestricht. Tel est le
plan d’action de Till et de son témoin de mariage malgré lui,
Lamme, à qui Till n’a pas dévoilé son plan.
Ils
vont sans doute réussir cette audacieuse manœuvre, dit Lucien l’âne
en riant. En tout cas, je le souhaite.
Peut-être,
dit Marco Valdo M.I., peut-être que oui, peut-être que non, c’est
toujours comme ça dans la vie. Mais, rassure-toi Lucien l’âne mon
ami, nous en saurons plus dans la chanson suivante.
Alors,
dit Lucien l’âne, ne traîne pas à l’écrire, car il me tarde
de savoir et en attendant, reprenons notre tâche et tissons le
linceul de ce vieux monde papivore, bureaucrate, contrôlé, audité,
surveillé, inspecté, quadrillé et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
« Où
devez-vous aller, gueux clandestins ? »
« Par
le grand Gueux, dit Till,
À
Maestricht, au cœur de la ville. »
Le
maître des lieux dit : « On ne le peut point ;
L’armée
du duc tient les chemins. »
« Lamme
et moi, nous le ferons,
Si
de me marier, j’ai la permission
Et
une femme qui m’épouse dès demain.
Une
femme, riche ou pauvre,
Belle
et douce, timide ou fière,
Pas
trop vieille et assez soumise
Le
temps de passer à l’église.
Par
le curé, notre union bénie sera.
Ainsi,
on aura le précieux certificat –
Pour
nous, un papier sans valeur,
Car
il émane d’un papiste inquisiteur.
Ce
document attestera notre soumission
À
l’Église romaine et nous aurons
Les
bénédictions du Pape et des saints,
Des
curés, des belîtres et des doyens. »
En
la ferme du maître des lieux,
Avaient
trouvé refuge des exilés de Zélande,
Des
gens du parti des Gueux
Qui
fuyaient le duc et ses bandes.
Tous
s’empressent à se préparer :
Les
hommes ont mis leur habit de fête,
Les
femmes une robe, leurs souliers aux pieds
Et
un grand bijou doré sur la tête.
Et
Thomas, le maître des lieux
S’en
va à l’église prier le prêtre de Dieu
De
marier deux tourtereaux sur le champ :
Thylbert,
fils de Claes et Tennekin, la belle enfant.
Une
fois payé, le prêtre de Dieu les marie
Et
la noce revient au foyer faire la fête.
Tous
dansent, boivent et rient
Et
s’amusent au creux de la tempête.
À
midi, clair soleil, vent frais, ciel serein,
Les
chariots fleuris se mettent en chemin
Aux
sons des fifres et des tambourins,
Emmenant
les mariés et toute la noce au loin.