L’Auberge de Sambre et Meuse
Chanson
française – L’Auberge de Sambre et Meuse –
Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux – 56
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – III, XVII-XVIII)
Ulenspiegel le Gueux – 56
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – III, XVII-XVIII)
Le caporal Trim et le Capitaine - Oncle Toby refont le siège de Namur dans le jardin. |
L’Auberge
de Sambre et Meuse,
voilà
encore un étrange titre, dit Lucien
l’âne, qui
trouverait mieux sa place dans un guide pour voyageurs. Il me
rappelle cette auberge bavaroise que tu fis dans le temps. Donc, si
l’auberge
bavaroise se situait dans l’Allgau en Bavière,
celle-ci doit se situer tout près de Namur ou carrément dans ma
ville, où la Sambre conflue avec la Meuse. Comme dans l’épisode
précédent, Till revenait du Cambrésis en passant par Mézières et
puis, la vallée de la Meuse pour accomplir sa mission qui est, si je
me souviens, de pénétrer dans Maestricht assiégée par les troupes
espagnoles, Till devait immanquablement passer par cette ville.
Oui,
dit Marco Valdo M.I., c’est effectivement ce qui se passe et ce que
raconte la chanson. Avant d’aller plus avant
dans
les aventures namuroises de Till, je voudrais mettre un petit accent
sur le rôle de cette ville qui depuis des siècles sert de verrou
pour contrôler le trafic terrestre entre la mer, les
plaines flamandes et brabançonnes
et le relief
ardennais
ou condruzien et
le trafic fluvial entre la France, le Pays de Liège, le Limbourg, la
Saxe et les ports de la Mer du Nord. Les Romains
y avaient déjà installé un lieu fortifié. Cela dit, Till
descendant par les rives de Meuse devait nécessairement y passer. Il
y retrouve Lamme qui cherche sa femme – ce qui est un des
leitmotive de la Légende et dès lors, un trait qu’on ne peut
ignorer. Tout comme son embonpoint et pour Till, l’évocation de
Nelle et de Katheline.
Bien
sûr, dit Lucien l’âne, mais il me semble aussi que Jef, l’âne
de Till qu’on a déjà rencontré et qui ne peut pas plus être
négligé.
Certainement,
répond Marco Valdo M.I., d’ailleurs, dans cette chanson, les ânes
se multiplient. Jef hérite d’un compagnon qui se nomme Jean. Jef
porte Till, Jean porte Lamme.
Oh,
dit Lucien l’âne en riant aux éclats, il doit avoir une force
phénoménale, ce Jean, car porter Lamme et sa bedaine n’est pas
une mince affaire. D’autre part, si je ne me trompe, tu dois bien
connaître les lieux, toi, Marco Valdo M.I., car tu as résidé un
temps sur le sommet de cette colline, du côté d’où l’on voit
toute la vallée de la Sambre sur des kilomètres.
C’est
exact, Lucien l’âne mon ami, mais c’était il y a bien longtemps
et je ne sais si le lieu où je résidais est encore tel que je l’ai
connu. Cela dit, la citadelle et la Meuse étaient de l’autre côté,
sur l’autre versant. Disons que
la citadelle regardait le soleil levant et nous le soleil couchant.
De plus, ce n’était pas
au temps de Till, la même citadelle qu’aujourd’hui ; cette
dernière ne fut construire qu’un siècle plus tard, si pas un
siècle et demi. Au temps de Till, l’artillerie commençait
seulement à détruire les fortifs, les gens et le monde. La
Guerre de Cent Mille Ans avait encore des côtés
artisanaux, mais les choses ont mal évolué depuis.
N’était-ce
pas, Marco Valdo M.I. mon ami, dit Lucien l’âne solennellement,
cette citadelle qui fit l’objet d’un siège et d’une prise
d’assaut un siècle et demi plus trad et que l’Oncle Tobie
faisait soigneusement reconstituer, avec pioche, pelle, bêche et
râteau, par le caporal Trim sur le demi-arpent derrière le potager
à Shandy, lors même que grandissait au monde le brave Tristram ?
Celui-là
même qui fit tant rire Diderot, répond Marco Valdo M.I. ;
souviens-toi de l’activité de la main de la béguine, ravissante
infirmière, au-dessus du genou de Trim, dont ne saura jamais
l’aboutissement et pour en revenir à la chanson et à l’auberge,
on y découvre une scène où Lamme chasse une espionne qui
ensorcelle Till et où le brave Goedzak finit par retirer – manu
militari – Till des griffes de cette Mata Hari mosane.
Houla,
dit Lucien l’âne, tout cela m’intrigue, voyons ça de plus près.
Puis, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux
monde toujours aussi guerrier, militarisé, espionné, lâche, tueur
et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
En
Meuse, Lamme pêche le sandre et le gardon.
Till
arrive, sa bonne arquebuse à la main,
Lamme
interpelle son compagnon.
As-tu
vu ma femme sur ton chemin ?
Lamme
est triste comme un cloîtré,
Son
cœur est gros comme une baleine,
Il
mange tant pour se consoler.
On
le voit à sa bedaine.
Demain,
dit Lamme, on partira
Chercher
ma femme ; on achètera
Un
âne pour chacun. On les nommera
Jef
et Jean, comme il se doit.
Juste
deux gueux devisant :
L’un
sur Jean ;
L’autre
sur Jef ;
Entre
eux deux, point de chef,
Califourchonnant
côte à côte,
Face
au soleil levant,
Sous
les pluies grêleuses et le vent,
Vers
les crêtes, ils montent les côtes.
Une
jambe de-ci, sur leur baudet,
Une
jambe de-là, ils allaient.
Pendant
ce temps, à Damme, Nelle cousait
Et
Katheline, le feu dans la tête, délirait.
Monsieur
du Soleil, dit Till rieur,
Bénissez
les pauvres pèlerins,
Réchauffez-nous
le cœur !
Lamme
dit : J’ai faim.
À
l’auberge à la table si bonne,
Lamme
se lamente et mange ;
Autour
de la fille, Till tourne.
Lamme
dit : C’est une espionne.
Corde,
glaive et potence,
C’est
une espionne, n’y va point !
Et
la fille rit d’impertinence
Et
Lamme lui montre le poing.
Et
Lamme retient Till par le corps ;
Et
Till rue et Till se démène encore.
Et
Lamme dit : « Je vais faire ma crevaille
De
rire. Il vaut mieux qu’on s’en aille. »