mercredi 3 mai 2017

Hypatie

Hypatie

Chanson française – Hypatie – Marco Valdo M.I. – 2017





Sans doute, Lucien l’âne mon ami, as-tu quelque souvenir de la belle Hypatie, fille de Cybèle, elle-même déesse-mère porteuse de l’intelligence et du savoir des femmes.

Bien évidemment, Marco Valdo M.I. mon ami, et tu fais bien de préciser qu’elle est fille de Cybèle et porteuse de l’intelligence et du savoir des femmes, mais nous y reviendrons plus tard. Pour l’instant, je me contenterai de répondre à ta question et d’éclairer ta curiosité. Je me souviens très bien d’Hypatie, cette philosophe, astronome, mathématicienne et poétesse d’Alexandrie d’Égypte ; son père était le dernier directeur du célèbre Musée que les chrétiens firent fermer, souhaitant liquider la culture ancienne, par trop scientifique et dangereuse pour la foi. Une pratique d’éradication de la mémoire et du savoir qui comme tu le sais est une habitude des religieux et des religions.

En effet, Lucien l’âne mon ami, le Museion fut fermé pour de telles raisons ; sans doute, les centaines de milliers de volumes qu’il détenait – accomplissant ainsi la volonté de Ptolémée, constituaient une source de savoirs humains peu compatibles avec les révélations bibliques.

Laisse-moi poursuive, Marco Valdo mon ami, car j’ai pas mal de souvenirs à ce sujet, qui vont certainement retenir ton attention et je l’espère même te captiver. Je me souviens aussi, terrible devoir de mémoire, du sort épouvantable que les chrétiens de la ville firent odieusement subir à l’aimable philosophe à qui tu consacres ta chanson. Ces derniers furent menés jusqu’à l’assassinat de la belle Hypatie sous la houlette libidineuse de leur évêque Cyrille, canonisé depuis en Saint Cyrille. Un personnage stupide, jaloux, envieux, présomptueux et dirait-on aujourd’hui, démagogue et populiste. Un psychologue ajouterait : un « refoulé ». Comme d’autres déments le firent il n’y a pas si longtemps, il fit brûler les livres, il fit brûler les gens. C’est lui, le canonisé Cyrille qui commanda le massacre de la belle Hypatie et sans doute aussi beaucoup, car elle était belle ; c’est lui qui présida à son supplice, lequel commença par son enlèvement en pleine rue par les sbires du sieur Cyrille, sa séquestration dans l’église où on lui fit subir l’humiliation d’un déshabillage, une lapidation, un lynchage et avec toujours le même acharnement, une torture effroyable : on l’éventra, on l’écartela, on lui arracha les membres, puis, on traîna sa dépouille derrière un char sur lequel se pavanait son bourreau, jusqu’au bûcher où finalement, ils l’incendièrent avant de jeter ses cendres aux ordures.

Tout cela est décidément effroyable et si je n’en ignorais pas l’histoire, je n’en avais jamais entendu récit plus circonstancié. Comment se fait-il, Lucien l’âne mon ami, que tu en aies une telle connaissance ?

Mais, mon ami Marco Valdo M.I., tout simplement, car j’y étais à Alexandrie à ce moment et j’y avais été conduit par mes petits pas d’âne, justement pour voir le Museion, la bibliothèque et écouter les conférences que donnait la belle Hypatie. J’étais arrivé à temps cependant pour en entendre l’une ou l’autre. Les choses se passèrent de cette manière, comme tu pourras t’en assurer par un texte d’autres auteurs qui le relate très exactement – je le tire d’une encyclopédie byzantine. Écoute bien, car il donne une précieuse indication pour ta chanson : « Ainsi, une fois que Cyrille, évêque de la faction adverse, passait par la maison d’Hypatie, il vit qu’il y avait une grande bousculade… Lorsqu’il demanda quelle était cette foule et qu’était ce tumulte devant la maison, il entendit de ceux qui suivaient que c’était la philosophe Hypatie qui parlait maintenant et que c’était sa maison. Quand il apprit cela, son âme fut piquée d’envie, de sorte qu’il complota immédiatement sa mort, la plus affreuse de toutes les fins. Car, alors qu’elle sortait d’une réunion, une meute serrée d’hommes féroces, vraiment méprisables, ne craignant ni l’œil des dieux ni la vengeance des hommes tuèrent la philosophe, infligeant une très grande souillure et la honte à leur patrie. »

Mais, dis-moi Lucien l’âne mon ami, le texte que tu me cites, en effet, est d’un grand intérêt pour mieux comprendre la chanson. Je te remercie de me l’avoir fait connaître. Cela étant, il est dit « Cyrille, évêque de l’autre faction », de quelle faction s’agit-il ? Le sais-tu ?

Pour avoir fréquenté les lieux, comme on dit : « in illo tempore », il me vient aisément à l’esprit une explication assez conforme à la vérité. D’abord, tu remarqueras que le chroniqueur parle de « l’autre faction », ce qui laisse supposer qu’il y en a deux. Je les identifierais aisément comme suit : d’un côté, la « faction », composée de factieux, gens de bandes et de coups de force, ambitionnant de dominer les autres par tous les moyens, c’est le troupeau de Cyrille ; de l’autre, l’assemblée de citoyens, de gens curieux de sciences et de pensées, enfants de la raison et de la philosophie, réunis pour entendre et pour apprendre des réflexions d’Hypatie. Je rappelle, car je ne l’ai pas encore dit ici, qu’Hypatie était considérée comme une des personnes des plus savantes de ce temps. C’était d’ailleurs la raison de cet intérêt que lui portaient les gens cultivés de son époque et bien évidemment, la raison pour laquelle moi, comme tant d’autres, avions fait le chemin d’Alexandrie pour l’écouter.

Je vois, Lucien l’âne mon ami, que tu connais l’affaire et que je n’ai pas grand-chose à t’apprendre. Bien au contraire, j’aimerais entendre ce que tu voulais me dire de Cybèle et de la raison.

Ce que je voulais préciser, Marco Valdo M.I. mon ami, c’est que Cybèle a dans le monde, tout comme ses sœurs les sorcières, le rôle ou la fonction de sage femme et de femme sage, autrement dit, c’est la savante, celle qui écoute et qui conseille, celle qui porte le savoir, en quoi elles ressemblent (Cybèle et les sorcières) à Hypatie. On sait le sort terrible que les sectes religieuses fanatiques que sont les religions ont de tous temps réservé aux sorcières, ces bonnes fées vilipendées ; c’est un sort épouvantable dont l’apothéose est généralement le feu, un sort semblable donc à celui qui fut imposé par Cyrille et ses chrétiens à la trop belle et trop intelligente Hypatie. À mon sens, cette mise à mort, cet anéantissement a été perpétré pour les habituelles raisons patriarcales, machistes, bêtement masculines et pour tout dire, incultes. Cependant, Cybèle est l’incarnation centrale de la féminité et les mêmes chrétiens, qui depuis des siècles et des siècles tentent de faire oublier le crime de Cyrille sous les habits du saint, s’essayent à récupérer – indûment – la confiance des humains en parant des habits de Cybèle, déesse mère des dieux et en dotant des arts apaisants des sorcières, l’insipide Marie, dont par ailleurs, ils garantissent – tels des maquignons de foire – une virginité, que ne peut assurer la science de l’obstétrique.

Soit, tu me vois ravi de ces précisions et je t’invite à présent, Lucien l’âne mon ami, à prendre connaissance de cette ode un peu particulière, dont je ne dirai rien de plus et je t’invite à conclure.

D’abord, quelques mots à propos d’Hypatie afin d’éclairer certain passage de ta chanson qui me ravit beaucoup, car il mêle les deux figures d’Hypatie et de Cybèle et que d’autre part, il montre Hypatie telle qu’elle était : une femme que l’intelligence et la science ont préservée de la croyance. Je te cite :

Hypatie, nouvelle Cybèle
Avec ses lions, si féline
À la foi si peu encline.

Selon la tradition grecque, Cybèle, porteuse de générosité et de raison, était escortée de ses deux lions : Atalante et Hippomène. Ceux qui escortent Hypatie me semblent être – intelligence et science. Quant à Hypatie, elle-même, « si peu encline à la foi », elle me paraît incarner le vieil athéisme universel et rebelle à toutes les évangélisations, comme je le suis moi-même, si on veut bien se reporter à ma déclaration universelle des droits de l’âne [[49337]].
Que conclure, Ô Marco Valdo M.I. mon ami, moi qui n’aime pas conclure, moi qui laisse toujours place à une liberté d’imagination ? Si ce n’est peut-être qu’il nous revient de reprendre notre tâche et de tisser le linceul de ce vieux monde masculin émasculé, patriarcal, machiste, menteur et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Et la belle Hypatie,
Hypatie si belle,
Hypatie, fille de Cybèle,
Enfant de la Raison,
Appelle sur elle
Venus des horizons
Amours et sympathies.

Et Cyrille ,
Le dévot des villes,
Tel ses sempiternels imitateurs
Promet toujours le meilleur ;
Cyrille d’Alexandrie, évêque
Et pétri de chrétienne ardeur,
Incendia la bibliothèque.

Et la belle Hypatie,
Hypatie si belle,
Hypatie, fille de Cybèle,
Enfant de la Raison,
Appelle sans cesse sur elle,
Venus des horizons,
Amours et sympathies.

Et Cyrille aux allures martiales,
Chantre de la gloire mariale,
Fait une chasse infernale
Aux philosophies critiques
Aux pensées rebelles
Aux lettrés, aux intellectuels
Peu enclins aux panégyriques.

Et la belle Hypatie,
Hypatie si belle,
Hypatie, fille de Cybèle,
Enfant de la Raison,
Appelle encore sur elle,
Venus des horizons,
Amours et sympathies.

Et Cyrille ineffable chrétien,
S’imagine bien en saint.
Bon croyant, il hait la terre entière ;
Il chasse le juif et la sorcière,
Hypatie, nouvelle Cybèle
Avec ses lions, si féline
À la foi si peu encline.

Et la belle Hypatie,
Hypatie si belle,
Hypatie, fille de Cybèle,
Enfant de la Raison,
Appelle toujours sur elle,
Venus des horizons,
Amours et sympathies.

Et Cyrille, divin serviteur,
Pyromane à ses heures,
Sur son lit de rancœurs,
Cultive les haines,
Édifie des bûchers,
Brûle la raison souveraine
Aux feux de la chrétienté.

Et la belle Hypatie,
Hypatie si belle,
Hypatie, fille de Cybèle,
Enfant de la Raison,
Appelle sereine sur elle,
Venus des horizons,
Amours et sympathies.