Hypatie
Chanson
française – Hypatie – Marco Valdo M.I. – 2017
Sans
doute, Lucien l’âne mon ami, as-tu quelque souvenir de la belle
Hypatie, fille de Cybèle, elle-même déesse-mère porteuse de
l’intelligence et du savoir des femmes.
Bien
évidemment, Marco Valdo M.I. mon ami, et tu fais bien de préciser
qu’elle est fille de Cybèle et porteuse de l’intelligence et du
savoir des femmes, mais nous y reviendrons plus tard. Pour l’instant,
je me contenterai de répondre à ta question et d’éclairer ta
curiosité. Je me souviens très bien d’Hypatie, cette philosophe,
astronome, mathématicienne et poétesse d’Alexandrie d’Égypte ;
son père était le dernier directeur du célèbre Musée que les
chrétiens firent fermer, souhaitant liquider la culture ancienne,
par trop scientifique et dangereuse pour la foi. Une pratique
d’éradication de la mémoire et du savoir qui comme tu le sais est
une habitude des religieux et des religions.
En
effet, Lucien l’âne mon ami, le Museion fut fermé pour de telles
raisons ; sans doute, les centaines de milliers de volumes qu’il
détenait – accomplissant ainsi la volonté de Ptolémée,
constituaient une source de savoirs humains peu compatibles avec les
révélations bibliques.
Laisse-moi
poursuive, Marco Valdo mon ami, car j’ai pas mal de souvenirs à ce
sujet, qui vont certainement retenir ton attention et je l’espère
même te captiver. Je me souviens aussi, terrible devoir de mémoire,
du sort épouvantable que les chrétiens de la ville firent
odieusement subir à l’aimable philosophe à qui tu consacres ta
chanson. Ces derniers furent menés jusqu’à l’assassinat de la
belle Hypatie sous la houlette libidineuse de leur évêque Cyrille,
canonisé depuis en Saint Cyrille. Un personnage stupide, jaloux,
envieux, présomptueux et dirait-on aujourd’hui, démagogue et
populiste. Un psychologue ajouterait : un « refoulé ».
Comme d’autres déments le firent il n’y a pas si longtemps, il
fit brûler les livres, il fit brûler les gens. C’est lui, le
canonisé Cyrille qui commanda le massacre de la belle Hypatie et
sans doute aussi beaucoup, car elle était belle ; c’est lui
qui présida à son supplice, lequel commença par son enlèvement en
pleine rue par les sbires du sieur Cyrille, sa séquestration dans
l’église où on lui fit subir l’humiliation d’un déshabillage,
une lapidation, un lynchage et avec toujours le même acharnement,
une torture effroyable : on l’éventra, on l’écartela, on
lui arracha les membres, puis, on traîna sa dépouille derrière un
char sur lequel se pavanait son bourreau, jusqu’au bûcher où
finalement, ils l’incendièrent avant de jeter ses cendres aux
ordures.
Tout
cela est décidément effroyable et si je n’en ignorais pas
l’histoire, je n’en avais jamais entendu récit plus
circonstancié. Comment se fait-il, Lucien l’âne mon ami, que tu
en aies une telle connaissance ?
Mais,
mon ami Marco Valdo M.I., tout simplement, car j’y étais à
Alexandrie à ce moment et j’y avais été conduit par mes petits
pas d’âne, justement pour voir le Museion, la bibliothèque et
écouter les conférences que donnait la belle Hypatie. J’étais
arrivé à temps cependant pour en entendre l’une ou l’autre. Les
choses se passèrent de cette manière, comme tu pourras t’en
assurer par un texte d’autres auteurs qui le relate très
exactement – je le tire d’une encyclopédie byzantine. Écoute
bien, car il donne une précieuse indication pour ta chanson :
« Ainsi, une fois que Cyrille, évêque de la faction adverse,
passait par la maison d’Hypatie, il vit qu’il y avait une grande
bousculade… Lorsqu’il demanda quelle était cette foule et
qu’était ce tumulte devant la maison, il entendit de ceux qui
suivaient que c’était la philosophe Hypatie qui parlait maintenant
et que c’était sa maison. Quand il apprit cela, son âme fut
piquée d’envie, de sorte qu’il complota immédiatement sa mort,
la plus affreuse de toutes les fins. Car, alors qu’elle sortait
d’une réunion, une meute serrée d’hommes féroces, vraiment
méprisables, ne craignant ni l’œil des dieux ni la vengeance des
hommes tuèrent la philosophe, infligeant une très grande souillure
et la honte à leur patrie. »
Mais,
dis-moi Lucien l’âne mon ami, le texte que tu me cites, en effet,
est d’un grand intérêt pour mieux comprendre la chanson. Je te
remercie de me l’avoir fait connaître. Cela étant, il est dit
« Cyrille, évêque de l’autre faction », de quelle
faction s’agit-il ? Le sais-tu ?
Pour
avoir fréquenté les lieux, comme on dit : « in illo
tempore », il me vient aisément à l’esprit une explication
assez conforme à la vérité. D’abord, tu remarqueras que le
chroniqueur parle de « l’autre faction », ce qui laisse
supposer qu’il y en a deux. Je les identifierais aisément comme
suit : d’un côté, la « faction », composée de
factieux, gens de bandes et de coups de force, ambitionnant de
dominer les autres par tous les moyens, c’est le troupeau de
Cyrille ; de l’autre, l’assemblée de citoyens, de gens
curieux de sciences et de pensées, enfants de la raison et de la
philosophie, réunis pour entendre et pour apprendre des réflexions
d’Hypatie. Je rappelle, car je ne l’ai pas encore dit ici,
qu’Hypatie était considérée comme une des personnes des plus
savantes de ce temps. C’était d’ailleurs la raison de cet
intérêt que lui portaient les gens cultivés de son époque et bien
évidemment, la raison pour laquelle moi, comme tant d’autres,
avions fait le chemin d’Alexandrie pour l’écouter.
Je
vois, Lucien l’âne mon ami, que tu connais l’affaire et que je
n’ai pas grand-chose à t’apprendre. Bien au contraire,
j’aimerais entendre ce que tu voulais me dire de Cybèle et de la
raison.
Ce
que je voulais préciser, Marco Valdo M.I. mon ami, c’est que
Cybèle a dans le monde, tout comme ses sœurs les sorcières, le
rôle ou la fonction de sage femme et de femme sage, autrement dit,
c’est la savante, celle qui écoute et qui conseille, celle qui
porte le savoir, en quoi elles ressemblent (Cybèle et les sorcières)
à Hypatie. On sait le sort terrible que les sectes religieuses
fanatiques que sont les religions ont de tous temps réservé aux
sorcières, ces bonnes fées vilipendées ; c’est un sort
épouvantable dont l’apothéose est généralement le feu, un sort
semblable donc à celui qui fut imposé par Cyrille et ses chrétiens
à la trop belle et trop intelligente Hypatie. À mon sens, cette
mise à mort, cet anéantissement a été perpétré pour les
habituelles raisons patriarcales, machistes, bêtement masculines et
pour tout dire, incultes. Cependant, Cybèle est l’incarnation
centrale de la féminité et les mêmes chrétiens, qui depuis des
siècles et des siècles tentent de faire oublier le crime de Cyrille
sous les habits du saint, s’essayent à récupérer – indûment –
la confiance des humains en parant des habits de Cybèle, déesse
mère des dieux et en dotant des arts apaisants des sorcières,
l’insipide Marie, dont par ailleurs, ils garantissent – tels des
maquignons de foire – une virginité, que ne peut assurer la
science de l’obstétrique.
Soit,
tu me vois ravi de ces précisions et je t’invite à présent,
Lucien l’âne mon ami, à prendre connaissance de cette ode un peu
particulière, dont je ne dirai rien de plus et je t’invite à
conclure.
D’abord,
quelques mots à propos d’Hypatie afin d’éclairer certain
passage de ta chanson qui me ravit beaucoup, car il mêle les deux
figures d’Hypatie et de Cybèle et que d’autre part, il montre
Hypatie telle qu’elle était : une femme que l’intelligence
et la science ont préservée de la croyance. Je te cite :
Hypatie,
nouvelle Cybèle
Avec
ses lions, si féline
À la
foi si peu encline.
Selon
la tradition grecque, Cybèle, porteuse
de générosité et de raison, était escortée de ses deux lions :
Atalante et Hippomène. Ceux qui
escortent Hypatie me semblent être – intelligence et science.
Quant à Hypatie, elle-même, « si peu encline à la foi »,
elle me paraît incarner le vieil athéisme universel et rebelle à
toutes les évangélisations, comme je le suis moi-même, si on veut
bien se reporter à ma déclaration
universelle des droits de l’âne [[49337]].
Que
conclure, Ô Marco Valdo M.I. mon ami, moi qui n’aime pas conclure,
moi qui laisse toujours place à une liberté d’imagination ?
Si ce n’est peut-être qu’il nous revient de reprendre notre
tâche et de tisser le linceul de ce vieux monde masculin émasculé,
patriarcal, machiste, menteur et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Et
la belle Hypatie,
Hypatie
si belle,
Hypatie,
fille de Cybèle,
Enfant
de la Raison,
Appelle
sur elle
Venus
des horizons
Amours
et sympathies.
Et
Cyrille ,
Le
dévot des villes,
Tel
ses sempiternels imitateurs
Promet
toujours le meilleur ;
Cyrille
d’Alexandrie, évêque
Et
pétri de chrétienne ardeur,
Incendia
la bibliothèque.
Et
la belle Hypatie,
Hypatie
si belle,
Hypatie,
fille de Cybèle,
Enfant
de la Raison,
Appelle
sans cesse sur elle,
Venus
des horizons,
Amours
et sympathies.
Et
Cyrille aux allures martiales,
Chantre
de la gloire mariale,
Fait
une chasse infernale
Aux
philosophies critiques
Aux
pensées rebelles
Aux
lettrés, aux intellectuels
Peu
enclins aux panégyriques.
Et
la belle Hypatie,
Hypatie
si belle,
Hypatie,
fille de Cybèle,
Enfant
de la Raison,
Appelle
encore sur elle,
Venus
des horizons,
Amours
et sympathies.
Et
Cyrille ineffable chrétien,
S’imagine
bien en saint.
Bon
croyant, il hait la terre entière ;
Il
chasse le juif et la sorcière,
Hypatie,
nouvelle Cybèle
Avec
ses lions, si féline
À
la foi si peu encline.
Et
la belle Hypatie,
Hypatie
si belle,
Hypatie,
fille de Cybèle,
Enfant
de la Raison,
Appelle
toujours sur elle,
Venus
des horizons,
Amours
et sympathies.
Et
Cyrille, divin serviteur,
Pyromane
à ses heures,
Sur
son lit de rancœurs,
Cultive
les haines,
Édifie
des bûchers,
Brûle
la raison souveraine
Aux
feux de la chrétienté.
Et
la belle Hypatie,
Hypatie
si belle,
Hypatie,
fille de Cybèle,
Enfant
de la Raison,
Appelle
sereine sur elle,
Venus
des horizons,
Amours
et sympathies.