jeudi 30 décembre 2021

HYMNE DES TERREPLATISTES

 

HYMNE DES TERREPLATISTES


Version française – HYMNE DES TERREPIATISTES – Marco Valdo M.I. – 2021

Chanson italienne – Inno dei TerrapiattistiL’Anonimo Toscano del XXI Secolo e la Piccola Orchestrina del Costo Sociale – 2021

Paroles : Anonimo Toscano del XXI Secolo[27-12-2021]
Musique :
Warszawianka 1905 roku (A las barricadas, ecc.)



CIRCONFÉRENCES CUBIQUES

Fernand Léger – ca. 1920



Dialogue Maïeutique


Voici donc, Lucien l’âne mon ami, que surgit de nulle part une chanson hautement astronomique et carrément philosophique, digne des contes éclairés du temps des Lumières ou peut-être, de ce cher Swift qui créa Gulliver et son monde. C’est là tout le plaisir que j’ai eu à en faire une chanson française. Peut-être ne l’entendrons-nous jamais chanter au travers des canaux multiples qui irriguent les oreilles et inondent les cerveaux de nos contemporains ; mais comme ça n’a pas d’importance. Son but n’est pas mercantile, il est tout simplement propédeutique.


Soit, répond Lucien l’âne, mais quel est donc le titre de cette mystérieuse chanson ?


Bien sûr, dit Marco Valdo M.I., le titre. C’est un titre curieux que cet Hymne des Terreplatistes, car il ouvre lui-même la porte d’un insondable mystère. Que peuvent être ces Terreplatistes, d’où viennent-ils, où sont-ils, depuis quand il y en a-t-il ? Je m’en vais éclaircir tout ça à l’instant. Les terreplatistes sont ceux-là qui croient mordicus que la Terre est plate – à la différence du grand Mordicus d’Athènes, fondateur de l’école éthylique pour qui elle était ronde.


Oh, dit Lucien l’âne, de ceux-là, j’en ai croisé des tas. Pour une grande part d’entre eux, c’était une évidence comme la pluie qu’ils voyaient tomber ; c’étaient généralement des gens des plaines intérieures. Les montagnards et les marins avaient déjà une autre opinion de cette platitude terrestre.


Tu as raison, répond Marco Valdo M.I., ils sont fort nombreux et au cours de la brève histoire de l’humaine nation, ils furent sans aucun doute les plus nombreux, une énorme majorité qui était celle du sens commun.


Ah, le sens commun, dit Lucien l’âne, n’est-ce pas ce que nous suggère la raison la plus commune, la raison raisonnable, le sens commun n’est-il pas le raisonnable ?


En quelque sorte, oui, reprend Marco Valdo M.I., mais avec la nuance qu’il s’agit de la raison brute, dont je vais devoir faire ici la critique. La raison brute est un avis à première vue. De ce fait, elle s’impose en premier au regard et à l’esprit, avec la force du fait brut – ici « brut » veut dire tel quel, immédiat, sans aucune réflexion. Plus encore qu’une croyance, puisque son regard la confirme, cette raison brute ne se laisse détrôner de son règne sur l’esprit où elle s’est imposée qu’avec une extrême réticence. Cependant, face à cette intelligence bridée ou bornée, existe une raison plus rationnelle, qui s’est patiemment construite sur l’argumentation contradictoire face à la nature, en face à face avec le réel. Elle s’irrigue des acquis de la science qu’elle tient pour ultime méthode d’investigation de la réalité. À ses yeux, le savoir n’est pas un donné, c’est un acquis. Mais trêve de réflexion sur le statut comparé de la raison brute et de la science ; disons que face à la raison brute, il s’agit de définir une raison bien tempérée, la raison raisonnée. Mais telle n’est pas la lettre de la chanson.


Oh, dit Lucien l’âne, il me faut à présent distinguer la lettre de l’intention ? Enfin, raconte un peu.


Oui, ça s’impose, remarque Marco Valdo M.I. ; cet hymne, car c’en est explicitement un, est celui de ces gens franchement irrationnels et irrationalistes, assez déraisonnables, qui s’agitent beaucoup actuellement dans le monde humain. La chanson détaille assez leur point de vue ; pas besoin d’insister. Elle le fait d’autant plus volontiers qu’elle se place sur le plateau de l’ironie ; elle imprime à cet hymne une démarche grotesque, fantasque afin d’en exprimer au mieux la nature. Quand même, ce qui est plaisant, c’est un hymne qui pourrait parfaitement être celui du Disque Monde, tel que l’avait exploré en des dizaines de volumes Terry Pratchett, qui le décrivait comme suit :

« Le Disque-monde est un monde plat et circulaire, complété par l’immense chute d'eau qui s’écoule de ses bords. Il est soutenu par les quatre éléphants Bérilia, Tubul, Ti-Phon l’Immense et Jérakine, eux-mêmes juchés sur la carapace de la Grande A’Tuin, tortue gigantesque naviguant lentement dans le cosmos. Une petite lune et un petit soleil orbitent autour du disque. »

Pour le reste, je renvoie aux Annales et à La Science du Disque Monde


Et tu fais bien, enchaîne Lucien l’âne, car il nous faut conclure. Quoi qu’il en soit, monde rond, monde plat, tissons le linceul de ce monde absurde, obsédant, magnifique, mortel et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane





Terres rondes, sphères et ballons,

Globes, planètes et boulets de canon !

Dans l’univers, il y en a des blancs, des jaunes,

Notre monde est plat et les boules tournent.


Oui, nous croyons que la Terre est plate,

Comme une pizza Quatre Saisons !

Complots scientifiques, vérités contrefaites,

À bas les conneries de Galilée et Strabon !


Terreplatistes, à la rescousse !

La Terre est plate, même Qanon le bredouille !

Terreplatistes, à la rescousse !

Les vraies choses rondes, ce sont nos couilles.


L’océan s’e
ffondre dans le cosmos,

Englouti par l’obscure fosse.

Le soleil tourne sur une assiette

Et sous-tasses sont les planètes.


Le jour viendra où la Terre plate

Sera reconnue par les emperruqués !

L’astronomie sera réécrite

Et des milliards de soucoupes vont tourner.


Terreplatistes, à la rescousse !

La Terre est plate, même Qanon le bredouille !

Terreplatistes, à la rescousse !

Les vraies choses rondes, ce sont nos couilles.


La Terre pose sur d’énormes colonnes,

Anaximandre l’a vue comme un piston !

Nous la voyons étendue et plane,

Comme la perçoit notre raison.


Nous marchons sur la Terre certains

Que tôt ou tard, nous atteindrons ses recoins !

Mort aux ellipses et aux circonférences,

Que par millions des sphères cubiques, on lance.


Terreplatistes, à la rescousse !

La Terre est plate, même Qanon le bredouille !

Terreplatistes, à la rescousse !

Les vraies choses rondes, ce sont nos couilles.


mercredi 29 décembre 2021

Glorieuse et grandiose Doussia

 

Glorieuse et grandiose Doussia


Chanson française – Glorieuse et grandiose Doussia Marco Valdo M.I. – 2021




LA ZINOVIE
est le voyage d’exploration en Zinovie, entrepris par Marco Valdo M. I. et Lucien l’âne, à l’imitation de Carl von Linné en Laponie et de Charles Darwin autour de notre Terre et en parallèle à l’exploration du Disque Monde longuement menée par Terry Pratchett.
La Zinovie, selon Lucien l’âne, est ce territoire mental où se réfléchit d’une certaine manière le monde. La Zinovie renvoie à l’écrivain, logicien, peintre, dessinateur, caricaturiste et philosophe Alexandre Zinoviev et à son abondante littérature.


LA ZINOVIE

Épisode 1 : Actualisation nationale ; Épisode 2 : Cause toujours ! ; Épisode 3 : L’Erreur fondamentale ; Épisode 4 : Le Paradis sur Terre ; Épisode 5 : Les Héros de l’Histoire ; Épisode 6 : L’Endémie ; Épisode 7 : La Réalité ; Épisode 8 : La Carrière du Directeur ; Épisode 9 : Vivre en Zinovie ; Épisode 10 : Le But final ; Épisode 11 : Les nouveaux Hommes ; Épisode 12 : La Rédaction ;



Épisode 13



DOUSSIA

Alexej von Jawlenski - 1912






Dialogue Maïeutique




Tu sais, Lucien l’âne mon ami, on en entend des choses en voyage.


Certes, Marco Valdo M.I., à condition toutefois de garder une oreille attentive. J’en ai fait longuement l’expérience avec mes deux immenses oreilles qui pendouillent l’air de rien des deux côtés de ma caboche. Du coup, j’en ai appris des choses, mais ce n’est pas le lieu ni le moment de les raconter. Revenons en Zinovie. Dis-moi, qui est cette Doussia ?


Oh, la chanson l’explique fort bien, répond Marco Valdo M.I, elle en dit même plusieurs choses. D’abord, et c’est important e la souligner, elle qualifie Doussia de « symbole de notre société » ; autrement dit, de la société zinovienne, de son fonctionnement, de son état moral. Dès lors, il va falloir regarder Doussia d’un autre regard que celui du simple curieux en visite auquel on parle d’une dame.


Si j’en crois le titre, dit Lucien l’âne, Doussia est une sorte de gloire, elle doit au moins être l’égale, l’émule, l’égérie du Guide lui-même ou encore, le dominer de toute sa grandeur telle Athéna s’adressant au peuple grec.


Il y a de ça, Lucien l’âne mon ami, mais il y a plus que ça. Doussia n’est autre que l’incarnation du peuple de Zinovie et sa plus parfaite représentation. Ce que représente Doussia, clairement transcende le Guide, le dépasse de mille coudées et le contraint à être ce qu’il est. Mais…


Oui, dit Lucien l’âne, après tout ça, j’imagine bien qu’il doit y avoir un mais. Mais quel est-il ce mais ? Que cache-t-il ce mais ?


En fait, Lucien l’âne, il ne cache rien ; à vrai dire, il révèle beaucoup de choses. En résumé, il détaille la grande misère de la Zinovie.


Et pour le reste de la chanson ?, demande Lucien l’âne.


Pour le reste, c’est-à-dire des trois quarts qui restent. Doussia apparaît dans l’avant-dernière strophe et trouve un contrepoint dans la dernière, qui est une strophe consacrée à l’amour tel que le vivent les jeunes en Zinovie. C’est un arrache-cœur, comme tu pourras t’en rendre compte. Il y est aussi question de la justice en Zinovie. Il faut relier ce distique :

« En Zinovie, avant, il y avait une justice ;

À présent, elle poursuit le vice. »

à cet autre :

« Ordre de grandeur, estimation sur papier,

On a dans les cinq millions de prisonniers. »


et à ce dernier, car tout s’enchevêtre dans cette chanson :

« Officier décoré, il se dit calomnié ;

La justice doit le protéger. »


Si je comprends bien, dit Lucien l’âne, « avant » la justice poursuivait les opposants politiques ; maintenant, elle ne poursuit plus que des « droits communs » ; mais elle a toujours énormément de monde sous sa dent et elle fait tout ce qui est en son pouvoir pour assurer l’ordre établi. J’arrête là ma divagation pour laisser vaguer à l’aise ceux qui se livreront à ce plaisant passe-temps, qu’est le voyage en Zinovie. Enfin, tissons le linceul de ce vieux monde plein de justice, de police, de supplice et cacochyme.


Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




Secrétaire du Parti dans une institution,

C’est une énorme promotion.

Une mission grandiose,

Une ascension glorieuse.

En Zinovie, avant, il y avait une justice ;

À présent, elle poursuit le vice.

Le vol est un phénomène complexe ;

En quelque sorte un revenu annexe

Très répandu et nécessaire

Pour assurer le pain des gens ordinaires.

Ordre de grandeur, estimation sur papier,

On a dans les cinq millions de prisonniers.


La Zinovie est la société

La plus juste du monde entier.

À peine, un sixième de la population

Accède au minimum vital de consommation.

Le niveau du Guide est pharaonique.

Pour la juste dépense publique

En faveur de ce défenseur désigné

Des intérêts du peuple spolié

Et de sa glorification permanente.

Avec lui, aucun empereur ne peut rivaliser.

Et le tout baigne dans la médiocrité

Et une inerte grisaille indifférente.


Et Doussia ? Vous ne savez pas ?

Le symbole de notre société.

Elle tient le buffet au café,

Un petit salaire, deux petits gars ;
Un mari idiot et
poivrot ;

Et une mère malade sur le dos ;

Pour porter tout ça, que voulez-vous ?

Elle prête des sous, revend l’alcool en noir,

Elle récupère les fonds de verre du soir,

Elle ajoute de l’eau et mêle tout,

Ainsi, la nuit, elle fabrique le porto.

Avec elle, on couche pour un petit cadeau.


L’amour est partout, il est éternel ;

Souvent, un drame existentiel.

Roméo et Juliette, par exemple.

On a Léna et Victor, dans l’immeuble ;

Ce sont des enfants, ils s’aiment.

À son stage, un chef l’a séduite,

Elle est revenue enceinte.

Le gars Victor s’est pendu,

La gamine a avalé une saleté.

Le chef ? Ni vu, ni connu.

Officier décoré, il se dit calomnié ;

La justice doit le protéger.


jeudi 23 décembre 2021

La Rédaction

 

 

La Rédaction


Chanson française – La Rédaction Marco Valdo M.I. – 2021




LA ZINOVIE
est le voyage d’exploration en Zinovie, entrepris par Marco Valdo M. I. et Lucien l’âne, à l’imitation de Carl von Linné en Laponie et de Charles Darwin autour de notre Terre et en parallèle à l’exploration du Disque Monde longuement menée par Terry Pratchett.
La Zinovie, selon Lucien l’âne, est ce territoire mental où se réfléchit d’une certaine manière le monde. La Zinovie renvoie à l’écrivain, logicien, peintre, dessinateur, caricaturiste et philosophe Alexandre Zinoviev et à son abondante littérature.


LA ZINOVIE

Épisode 1 :
Actualisation nationale ; Épisode 2 : Cause toujours ! ; Épisode 3 : L’Erreur fondamentale ; Épisode 4 : Le Paradis sur Terre ; Épisode 5 : Les Héros de l’Histoire ; Épisode 6 : L’Endémie ; Épisode 7 : La Réalité ; Épisode 8 : La Carrière du Directeur ; Épisode 9 : Vivre en Zinovie ; Épisode 10 : Le But final ; Épisode 11 : Les nouveaux Hommes



Épisode 12



 

 


 

 

 LA JEUNE FILLE

 

Nikolaï Fechine - 1914






Dialogue Maïeutique




Je ne dois certainement pas t’apprendre, Lucien l’âne mon ami, ce qu’est une rédaction. Mais quand même, résumons le concept. Disons que c’est un exercice de style où on teste la capacité qu’a l’élève d’élaborer ce texte et de le rédiger. Bien entendu, le mot rédaction peut signifier tout autre chose, mais ce sens-ci convient parfaitement à mon propos. C’est donc ainsi qu’il faut l’entendre. Originellement, du moins, c’était – moralement, éthiquement – un exercice anodin, généralement assez innocent. Mais on est en Zinovie et il y a un mais.

 

Un mais ?, dit Lucien l’âne. Un mais ? Si je te suis bien, il y a des mais possibles, des dérives dangereuses.


Exactement, répond Marco Valdo M.I., et c’est précisément ce que raconte la chanson, où une rédaction peut conduite à une étrange sanction et à pis encore, même si, dans la chanson, ce qu’est ce pire n’est pas clairement exposé. On ne peut que le deviner et ce qui vient alors à l’esprit est pour le moins inquiétant. Elle commence cependant par une pétition de principe générale qui fixe l’affirmation théorique et un peu exotique de la Zinovie – tout un programme :


« En Zinovie, on veut abolir

Les troubles de la civilisation,

Asseoir et conforter la révolution. »


Oh, dit Lucien l’âne, on l’a souvent entendu ce discours, on le retrouve dans la logorrhée de nombreux pays du monde. En fait, depuis grosso modo un siècle, on n’entend plus que ça.


On n’entend plus que ça et partout, Lucien l’âne mon ami, il convient de comparer le principe de départ et la réalité qui s’en est suivie. Et partout, on découvre la même histoire : il y a là un écart abyssal, sinon un complet reniement par les faits. C’est ce que constate ingénument la jeune fille de la chanson dans sa rédaction. Cette fille du peuple, cette enfant de petites gens sait pertinemment que son avenir est bouché, que les dés de la vie en Zinovie sont pipés. Et elle le dit, elle l’écrit, elle le décrit à l’aide d’exemples simples, tirés de son quotidien. En quoi, elle a tort ; c’est intolérable qu’elle dise ainsi que « le roi est nu ».


« Voyez les plages en bord de mer.

Il en est de deux sortes où prendre l’air :

Les laids espaces encombrés de milliers de gens

Et les vides étendues dorées réservées aux dirigeants. »


Et alors, dit Lucien l’âne, quelle importance ; ce n’est jamais qu’une rédaction d’une élève parmi des millions d’autres ? Il suffirait tout simplement de l’ignorer. Elle finirait – la rédaction – dans le tas de papiers des devoirs d’écoliers.


Mais, Lucien l’âne mon ami, là n’est pas la question, ni la manière de considérer la chose en Zinovie. Le problème, c’est que la rédaction – en d’autres lieux, il y a la confession – révèle plus que ce qu’elle dit ; son contenu est inquiétant pour le pouvoir qu’elle dénonce. Elle dévoile chez la jeune fille l’embryon d’une résistance à venir, elle laisse augurer du danger d’une critique plus générale du régime en place en Zinovie. Imagine ce qui se passerait, si on laissait les gens dire ouvertement les défauts, et au-delà, les injustices, les crimes, les privilèges des dirigeants petits et grands. Ce serait le début de la fin.


Soit, dit Lucien l’âne, mais ensuite ? Quid pour cette jeune fille ?


C’est terriblement simple, répond Marco Valdo M.I., on va la faire disparaître « en douceur », l’envoyer se faire soigner pour son bien et pour celui de la société.


Mais c’est ignoble, dit Lucien l’âne.


Ignoble, reprend Marco Valdo M.I., est un concept suranné et ne saurait s’appliquer en Zinovie où on a depuis longtemps aboli tout ce vocabulaire et ces idées à consonances anciennes. Donc, il n’y a pas à tortiller, c’est ainsi que ça va en Zinovie. Maintenant, la dernière strophe – la quatrième – est d’une autre teneur. Elle tente d’élucider sur quel substrat social et en quelque sorte, psycho-social repose cette pyramide de dirigeants qui va du plus petit chef au plus grand jusqu’au guide tout puissant. Et on découvre là, en action souterraine, le même moteur : l’ambition. Cette même ambition à la base de la Guerre de Cent Mille Ans que les riches et les puissants (petits et grands) font aux pauvres et aux gens afin d’assurer leurs pouvoirs, d’étendre leurs privilèges, de renforcer leur domination et surtout, de se faire voir, se faire admirer, se faire obéir, affirmer leur puissance et satisfaire leurs envies.


Ah, dit Lucien l’âne, l’ambition et ses sœurs, l’avidité et l’arrogance sont les plaies de l’humanité et elles la rongent depuis tant de temps. Il faudra bien arriver à les extirper du cœur des gens et de celui de la société. Alors, maintenant, tissons le linceul de ce vieux monde riche, dominateur, impudent et cacochyme.


Heureusement !

 

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Titre de la rédaction : « L’Avenir ».

En Zinovie, on veut abolir

Les troubles de la civilisation,

Asseoir et conforter la révolution.

La fille écrit : « L’avenir, n’a rien de bon.

Mes parents n’ont pas de piston.

Ainsi, assurément, ça va mal finir,

C’est évident, je ne peux réussir ;

Je ne suis pas membre de l’Union,

Sur la liste, ils ont pointé mon nom.

Accusation : elle a vilipendé, calomnié

Odieusement, notre merveilleuse société.


Oui, dit la fille, quelle belle société ?

Légalement, je devrais aller là-bas

À l’école, tout à côté de chez moi ;

Mais on m’interdit d’y entrer

Et y va ce gars-là, fils à papa.

– Moi, je ne lui en veux pas, –

Chez lui, il a une chambre et un bureau.

Nous, on vit à quatre dans un boyau.

Voyez les plages en bord de mer.

Il en est de deux sortes où prendre l’air :

Les laids espaces encombrés de milliers de gens

Et les vides étendues dorées réservées aux dirigeants.


Tout le monde à partir de ce moment

S’écarte d’elle précautionneusement.

Elle n’est pas en bonne santé,

Elle est souffrante, il faut la soigner,

En un bel ensemble, collectivement,

Écrivent les professeurs et les étudiants.

Discrètement, on force ses parents

À souhaiter – pour son bien – son internement.

À l’école, on promet son retour

En fin d’année, pour le concours.

Aux examens, on ne la vit pas ;

Jamais, elle ne passa son baccalauréat.


À quoi rêvent nombre de gens ?

Au spectacle de l’existence,

À leur valeur, à leur importance,

À occuper un siège de président,

Être à la tribune, recevoir une ovation,

Passer dans la presse, paraître à la télévision,

Faire des voyages, faire des rencontres,

Recevoir des récompenses, cumuler les titres,

Obtenir des grades, rayonner de gloire,

Participer au spectacle de l’histoire.

C’est l’ambition des braves gens,

Mais c’est le privilège des dirigeants.