lundi 20 janvier 2020

Impossible


Impossible

Chanson française – Impossible – Marco Valdo M.I. – 2020

ARLEQUIN AMOUREUX – 36

Opéra-récit historique en multiples épisodes, tiré du roman de Jiří Šotola « Kuře na Rožni » publié en langue allemande, sous le titre « VAGANTEN, PUPPEN UND SOLDATEN » – Verlag C.J. Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1972 et particulièrement de l’édition française de « LES JAMBES C’EST FAIT POUR CAVALER », traduction de Marcel Aymonin, publiée chez Flammarion à Paris en 1979.



LA VEILLÉE
Adriaen van Ostade – circa 1680





Dialogue Maïeutique

Bon d’accord, Lucien l’âne mon ami, encore un titre impossible. Et je t’entends déjà le dire et me demander illico des éclaircissements, que d’ailleurs, je n’ai pas la moindre intention de te refuser.

De fait, de fait, Marco Valdo M.I., tu commences à me connaître et à anticiper mes petites manies. Mais enfin, il te faut l’avouer cet « Impossible » est vraiment impossible comme titre. Je suis même assez persuadé que tu les choisis ainsi ces titres dans le but d’attirer l’attention ou de troubler un peu l’apathie du lecteur. De ce point de vue tu as parfaitement raison ; il faut troubler l’apathie ; il faut susciter la curiosité, qui à mes yeux, est plutôt une indispensable qualité bien plutôt qu’un considérable défaut. Maintenant, explique-moi un peu cet impossible « Impossible ».

Impossible est en fait, Lucien l’âne mon ami, « le » mot de la chanson et il se justifie de la sorte pleinement. Il raconte une belle histoire, que je vais te narrer d’une autre façon, manière de la resituer dans cette longue sage de l’Arlequin déserteur. Sans être proprement tragique, la vie de ce déserteur-ci est marquée à l’aune d’une terrible désolation. Déjà comme déserteur, il est pourchassé et toujours sur le qui-vive ; il ne peut rien établir – ni lui, ni une situation quelconque (à part bien sûr, celle de déserteur). Il n’a aucune perspective que l’amère misère du lendemain et la pluie. Il a perdu ses amies : l’Arlecchina par jalousie et Barbora que la mort emporta. Il ne lui reste que sa propre carcasse et sa petite troupe en bois. Mais enfin, c’est quand même tout un monde.

Oh oui, dit Lucien l’âne, le monde de l’imaginaire – même en bois – est un monde en soi et c’est même toute une compagnie.

Cette chanson est, reprend Marco Valdo M.I. un instant interrompu, cette chanson est en langage cinématographique un « retour en arrière », un « flash back » sur l’enterrement de cet Ondřej Serenus, alias Andrea Sereno dont Arlequin entend bien usurper dorénavant l’identité et user du passeport. Après l’enterrement, les invités se réunissent pour un repas et une veille en l’honneur du disparu, à laquelle se mêle Matthias en abandonnant sur la place du village, sous le tilleul, pas loin de l’étang, toute sa troupe. Cette fois, c’en est trop pour ces petits hommes de bois et la révolte gronde. Certains proposent une sorte de coup d’État avec comme objectif de partir ensemble à la conquête du monde pour leur propre compte en s’étant débarrassé de leur chef, Matthias. Mais Faust en tête, le reste de la troupe s’indigne et crie : « Impossible ! Impossible ! » :

« Impossible de nous conduire en salauds,
Impossible d’abandonner un homme,
Impossible de laisser Matthias seul comme
Dans un pot de marmelade, un noyau. »

Au petit matin, Matthias sort de l’auberge et s’en vient rechercher son monde. Tout rentre dans l’ordre et la longue cavale reprend son cours.

Ainsi, dit Lucien l’âne, comme au théâtre « All’s Well That Ends Well », tout est bien qui finit bien. Dès lors, tissons le linceul de ce vieux monde impossible, humide, apathique, tragique et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Le groupe a la faim aux tripes ;
Il marmonne : « Marre de l’errance !
Sous ces pluies, on gagne la grippe
Et d’autres humides souffrances. »

Pierrot se tient debout au bord de la mare :
« Que faire ? S’en remettre au trou d’eau,
Dire dans la vase le dernier mot ? »
Dans l’eau jaune nagent les canards.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

La faim, la pluie délayent insensiblement
La troupe de comédiens ambulants.
Le Docteur Faust crie : « Impossible ! »
Polichinelle hurle : « Pantalone, impossible !

Impossible de nous conduire en salauds,
Impossible d’abandonner un homme,
Impossible de laisser Matthias seul comme
Dans un pot de marmelade, un noyau. »

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

Matthias était resté pour la veille
De l’enterrement de Serenus,
À manger, à boire jusqu’à l’éveil,
À se gaver comme sur un chien une puce.

Ça gronde sous le tilleul, la compagnie attend.
Matthias revient à l’aube de l’enterrement ;
Sans un mot, la troupe enterre sa révolution
Et se remet en route sans discussion.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

PLAT DE PLASTIQUE


 

PLAT DE PLASTIQUE



Version française – PLAT DE PLASTIQUE – Marco Valdo M.I. – 2020

Chanson italienne – Filastrocca di un piatto di plasticaMimmo Mòllica – 2020




Plage
Léon Splilliaert - 1923



Les déchets marins constituent un problème grave en augmentation constante. Alors que le plastique est une ressource importante pour la société moderne, son « élimination » en mer est une véritable malédiction, une guerre.
« Filastrocche Plastic Free » de Mimmo Mòllica, pour développer une mémoire de fer et rappeler que les « assiettes en papier » sont en plastique et développer la sempiternelle présence de déchets plastiques dans le milieu marin : plus de 11 mille tonnes par an sont récupérées le long des côtes et sur les plages.
« Les graves catastrophes naturelles exigent un changement de mentalité qui nous oblige à abandonner la logique du consumérisme pur et à promouvoir le respect de la création ». (Albert Einstein)



Dialogue Maïeutique

Ce n’est pas pour dire, Lucien l’âne mon ami, mais cette chanson, comme tout un chacun pourra s’en assurer, m’a tout l’air d’être une fable et pas au sens figuré de « récit mensonger », comme on a tendance à le comprendre actuellement par une déviation médiatique d’importation. De fait, elle est construite comme telle – comme une fable telle qu’en élaborait le bon Jean de La Fontaine et s’achève par une morale : la morale de l’histoire, précisément. Cependant, ce n’est pas une histoire animalière comme chez Ésope et la plupart des autres fabulistes qui ont conté à travers les âges. Le sujet et l’objet de la fable est ici un plat de plastique et le but moral recherche est en quelque sorte la promotion du recyclage écologico-artistique du plastique, lequel – comme on sait – pollue et contribue largement à la destruction du biotope humain, animal, aquatique et végétal.

Dans le fond, dit Lucien l’âne, ce n’est pas une mauvaise idée. Je dirais même que c’est une démarche pleine de bonnes intentions.

En effet, Lucien l’âne mon ami, et chacun pourra en faire son miel à la lecture. Cependant, je voudrais surtout commenter la version française – de je suis par ailleurs l’auteur et la commenter sur un point particulier. Tout en travaillant à cette version, il m’était venu en tête l’image d’une plage d’avant le temps du plastique ; une plage comme en avait peinte – par exemple, Gustave Courbet, James Ensor, Louis Artan ou Léon Spilliaert et tant d’autres dans tant de pays ; il y a là avec les marines, un genre pictural en soi. Mais ce n’est pas le propos ici de faire une histoire de l’art, même si la chose est fascinante.

J’imagine qu’elles étaient plutôt désertes ces étendues de sable au bord de mer ou à peine fréquentées, suggère Lucien l’âne. Enfin, elles devaient ignorer jusqu’à l’existence potentielle du plat, de la bouteille, du gobelet, du sac, de la seringue, de la sandalette et du caleçon de bain en plastique.

Donc, chemin faisant, reprend Marco Valdo M.I., en transposant cette comptine, je suis d’abord passé par le Petit Bonheur de Félix Leclerc (1951), une autre histoire d’abandonné :

« C’est un petit bonheur
Que j’avais ramassé
Il était tout en pleurs
Sur le bord d’un fossé
Quand il m’a vu passer
Il s’est mis à crier:
« Monsieur, ramassez-moi
Chez vous emmenez-moi. »,

Ensuite, j’ai croisé un « Monsieur le Président » et puis, arrivé à la septième strophe, il m’est venu – mais qui dira les torts ou les bienfaits de la rime ? Un enfant sourd, un nègre fou ? – un « tomber, terrassé », enfant adultérin de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais et de Giovacchino Antonio Rossini, par l’entremise de Cesare Sterbini, écrivain italien et à la ville, fonctionnaire pontifical. Pour ne pas piper les dés, j’ai entièrement avoué cet emprunt à l’aide d’une strophe supplémentaire, où je reprends le texte des derniers vers de la version française du « Barbier de Séville ».

Une excellente idée au demeurant, réplique Lucien l’âne.

Surtout, Lucien l’âne mon ami, que j’ai comme l’impression qu’il y a dans cette chanson, une sorte d’hyperbole – tout à la fin et en constitue l’argument principal – qui ferait du moindre bricolage une œuvre d’art ; ce qui est aussi une de ces faussetés plastiques diffusées par les médias. Pour satisfaire le public, le peuple et l’infantilisme ambiant, on fait ainsi passer au bleu tout le travail qui mène à ce qu’on a tant de mal à faire comprendre et à faire advenir : l’œuvre d’art et dans la foulée, l’art lui-même. Dans le même temps, on banalise et on réduit au néant l’art et l’artiste lui-même en ce qu’ils ont de singulier. La question est : qu’est-ce que ça cache ?

Je suis ravi, Marco Valdo M.I., que tu abordes cette question de l’art, car elle n’est pas innocente et derrière elle, il y a toute une vision du monde, toute une humanisation du monde, une élaboration de l’humanité qu’on ne peut ramener à un geste hasardeux ou négligent. De façon simple, l’œuvre d’art, si elle n’implique pas nécessairement la connaissance de l’art antérieur, même si souvent elle s’y réfère et s’en enrichit, suppose une volonté de faire œuvre et la mise en œuvre de moyens appropriés ; elle suppose aussi la conscience de le faire. Mais ne nous égarons pas dans la philosophie et l’esthétique et tissons le linceul de ce vieux monde pollué, calomniateur, infantile et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane





Un plat en plastique
Fut pris sur le fait,
Couché sur le sable,
Par quatre gendarmes
Qui l’ont mis aux arrêts.


Pour ce délit,
Par le plat commis,
On invoqua la loi,
On alerta l’État.


Avant d’être incarcéré
Le plat a déclaré :
« Ce n’est pas moi
Qui ai fait ça. »


Alors, le juge sévère
Et fort en colère,
D’un ton sec, lui demanda
« Alors, qui a fait ça ? »


Et le plat apeuré,
D’un ton pondéré,
Répondit : « Monsieur le président,
Ils m’ont laissé là en partant. »


« Mais qui vous a laissé là ?
Allons, dites-moi qui a fait ça ? »
« Des hommes en balade,
Ils ont ri et mangé des salades.


Et quand ils ont eu consommé,
Ils m’ont laissé tomber
Sur le sable immaculé
De la plage, « tomber terrassé. »


Comme de Rossini, le pauvre calomnié,
« Menacé comme un coupable,
Sous cette arme redoutable
Tomber, tomber terrassé. »


Au terme de leur voyage,
Comme je n’avais plus d’usage,
Comme une feuille fanée à l’hiver,
Ils m’ont laissé choir là par terre. »


Et ainsi le magistrat
Aux gendarmes ordonna
Que le plat incriminé
Soit immédiatement libéré,
En stipulant au dossier par écrit :
« N’a pas commis le délit. »


« J’ai parfaitement compris
Que vous étiez sincère
Et pour cela je suis marri
Que celui qui a pu vous jeter à terre
Après vous avoir utilisé,
Ne soit pas mieux identifié. »


« Qui vous a si vilainement délaissé,
Sait-il qu’une œuvre d’art
Peut naître par hasard
D’un objet réutilisé ?
Si on recycle même un plat,
On peut en faire un joli chat,
Ou une belle hirondelle
Avec des aquarelles »…


« On peut faire un oiseau,
Un panier, un chapeau,
Une marionnette de couleur,
Un beau bouquet de fleurs,
Un château enchanté,
Avec un plat jeté, rejeté, déjeté. »


Ainsi, même en plastique, un plat
Qui aux déchets échappa
Et fut mis ensuite à part,
Put devenir une œuvre d’art.