mercredi 30 mars 2016

SENS DESSOUS – DESSUS


SENS DESSOUS – DESSUS

Version française – SENS DESSOUS – DESSUS – Marco valdo M.I. – 2016
Chanson italienne – SottosopraGianmaria Testa – 2011




Moi, je reste ici par ma volonté et je me contente

De parler avec l’enfant.






Tu vois, Lucien l’âne mon ami, même si comme moi, on déteste travailler dans l’instant, dans la coulée de l’actualité, on peut parfois faire l’exception. C’est le cas, ce soir, pour Gianmaria Testa, que j’avais traduit plusieurs fois pour les Chansons contre la Guerre. Je l’avais même suivi – de loin – lors d’une tournée au Québec où il s’essayait à chanter Ferré. Et donc, je me suis dit qu’aujourd’hui, je lui consacrerai une version française d’une de ses chansons. Hommage du vice à la vertu !


En effet. Qui es-tu toi pour décider de pareil hommage ?, dit Lucien l’âne en souriant.


Oh, comme tu le sais, je ne suis rien et comme toi, je m’en vais dans le sous-bois d’un petit pas. Mais, si tu veux bien, je reviens à Gianmaria Testa et à sa chanson Sottosopra qui me semble incarner sa situation présente. Car, tu le verras en lisant, cette chanson raconte l’histoire d’un homme qu’on écarte de son destin et qui va se réfugier sur un toit – solitaire, pour réfléchir à sa propre vie. Évidemment, comme pour toute la poésie, il faut dépasser l’interprétation au premier degré (où cet homme était un travailleur révolté et désespéré) et lui donner un plus vaste horizon. En l’occurrence, je l'ai reformulée pour l’infini du néant, où – dit Gianmaria Testa :
«  Ainsi tout seul, je continue mon histoire.
Il ne m’importe plus de descendre ou de rentrer ».


Eh bien, saluons cet homme en sa retraite éternelle et reprenons notre tâche et tissons le suaire de ce vieux monde si frelaté, télévisuel, médiatisé et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Beaucoup plus que la terre sous mes pieds,
Ici me manquent les voix et la cité
Et puis, tu me manques toi que je ne vois plus
Depuis que je suis ici au-dessus.

Nous sommes montés avant la fin de notre service
Pour voir du toit de l’usine
Si d’en haut, on pourrait identifier
Celui qui nous a fait licencier.

À toute allure, le premier jour est passé :
Nous dessus, et les autres dessous à se demander
Qui sont ces visages sur le toit
Et que peuvent-ils regarder de là.

Puis la patrouille est arrivée,
Un enfant a salué d’un balcon.
Avant qu’il fasse nuit, la télévision
S’est installée.

Non, je ne descends pas
Et on ne m’aura pas en bas,
Même pas la télé.
Non, je ne descends pas
Et va-z-y toi
Devant la télé !

Comme des passants quand il pleut à l’improviste,
Entassés sous l’abri d’un porche unique,
Ceux de dessous s’écrasaient sans façon
Devant la camera de la transmission.

Moi sur le toit, je suis resté moi-même ;
Pour moi, c’est la faute à la délocalisation.
Tous voulaient le micro pour dire
Quelque chose à la télévision

Quand l’obscurité tomba dans les rues,
Sur les grilles et les barrières de Turin,
Même le lampion du balcon s’est éteint
Où cet enfant regarde les nues.

Moi pour un instant, j’ai cru te voir
Parmi les autres en dessous, par solidarité.
Ce n’était pas toi et je suis resté dans le noir,
Sur le toit, seul à bivouaquer.

Non, je ne descends pas
Et on ne m’aura pas en bas,
même pas la télé.
Non, je ne descends pas
Et va-z-y toi
Devant la télé !

Des jours et des nuits ont passé depuis ce moment
Et dans la rue, tout recommence à circuler.
Quelqu’un lève les yeux de temps en temps
Et me regarde regarder.


Les camarades sont partis et je les comprends,
Il n’est pas si facile de rester
Quand quelqu’un t’attend,
Si tu as quelqu’un à qui raconter.

Ainsi tout seul, je continue mon histoire.
Il ne m’importe plus de descendre ou de rentrer,
Il ne m’importe même plus de savoir
Qui m’a licencié.

Les jours passent tous égaux sans que je les compte ;
Ils étouffent qui les prend pour argent comptant.
Moi, je reste ici par ma volonté et je me contente
De parler avec l’enfant.



JE T’OFFRIRAI UNE ROSE

JE T’OFFRIRAI UNE ROSE

Version française – JE T’OFFRIRAI UNE ROSE – Marco Valdo M.I. – 2010 – nouvelle version 2016.
Chanson italienne – Ti regalerò una rosa – Simone Cristicchi – 2007



Je t’offrirai une rose, 
Une rose rouge pour peindre toute chose 



Une autre chanson qui parle de folie et d’asiles.



Moi, dit Lucien l’âne, je trouve cette nouvelle version plus jolie…


Je t’offrirai une rose,
Une rose rouge pour peindre toute chose ;
Une rose pour consoler chacune de tes larmes ;
Une rose pour t’aimer.
Je t’offrirai une rose,
Une rose blanche comme si tu étais mon épouse,
Une rose blanche qui te serve à oublier
La moindre peine.

Je m’appelle Antonio et je suis fou à lier
Je suis né en 54 et je vis ici depuis que j’étais enfant ;
Ils m’ont enfermé ainsi dans un asile durant quarante ans.
Je t’écris cette lettre, car je ne sais pas parler –
Pardonne ma calligraphie de petit garçon –
Et je m’étonne d’éprouver encore une émotion,
Mais la faute est à ma main qui ne cesse de trembler.

Je suis un piano avec une touche cassée,
L’accord dissonant d’un orchestre d’ivrognes
Et jour et nuit continuent à se ressembler
Dans le peu de lumière qui traverse les vitres opaques.
Je fais encore sous moi tant j’ai peur ;
Pour la société des sains, nous avons toujours été des hideurs.
Je pue de pisse et de chiure :
J’ai une maladie mentale et il n’existe pas de cure.

Je t’offrirai une rose,
Une rose rouge pour peindre toute chose ;
Une rose pour consoler chacune de tes larmes ;
Une rose pour t’aimer.
Je t’offrirai une rose,
Une rose blanche comme si tu étais mon épouse,
Une rose blanche qui te serve à oublier
La moindre peine.

Les fous sont des points d’interrogation sans phrase,
Des milliers d’astronefs qui rentrent à la base.
Ce sont des pantins étendus au soleil à sécher ;
Les fous sont des apôtres d’un Dieu qui les a rejetés.
Avec la frigolite, je me fabrique de la neige ;
Dtre toujours seul, m’a fait si malheureux.
Maintenant prenez un télescope, mesurez les distances
Et regardez entre vous et moi, qui est le plus dangereux ?

Dans les pavillons, nous nous aimons en cachette
Ciselant un coin qui soit à nous seulement.
Je me rappelle les rares instants où nous nous sentons vivants,
Plus un de ces dossiers cliniques perdus dans des archives.
Tu seras le dernier à disparaître de mon cœur ;
Tu étais comme mon ange lié à un radiateur.
Malgré tout, je t’attends à chaque heure
Et si je ferme les yeux, je sens ta main qui m’effleure.

Je t’offrirai une rose,
Une rose rouge pour peindre toute chose ;
Une rose pour consoler chacune de tes larmes ;
Une rose pour t’aimer.
Je t’offrirai une rose,
Une rose blanche comme si tu étais mon épouse,
Une rose blanche qui te serve à oublier
La moindre peine.

Je m’appelle Antonio et je suis sur le toit
Chère Marguerite, ça fait vingt ans que je t’attends
Nous sommes les fous quand personne ne nous comprend
Je te laisse cette lettre, à présent je dois partir sans toi
Pardonne ma calligraphie de petit garçon –
Et je m’étonne d’éprouver encore une émotion,
Qu’Antonio sache voler, ça t’étonne toi ?