Honte sur vous !
Chanson
française – Honte sur vous !– Marco Valdo M.I. –
2018
Ulenspiegel le Gueux – 36
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – II, XI)
Ulenspiegel le Gueux – 36
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – II, XI)
Donc,
dit Marco Valdo M.I. du même ton du conteur, le Père Cornélis
Adriaensen prêchait du haut de la chaire d’une des églises de
Bruges qui en ce temps-là était encore un port de mer. Parmi ses
auditeurs, il y avait Till et Lamme qui étaient entrés là par
désœuvrement et disette, ne pouvant aller au cabaret, comme ils en
avaient l’habitude. Le beau parleur était lancé avec une
virulence rare dans une diatribe dénonciatrice où il s’en prenait
pêle-mêle à tous les hérétiques : Luther, Calvin, Servet, à
leurs disciples et même, aux adamites et aux libertins. Il rappelait
à ses ouailles catholiques que Dieu exigeait la soumission à la
Sainte Mère de Rome, c’est-à-dire à l’Église catholique,
apostolique et romaine.
Oui,
je me souviens très bien de cette envolée lyrique, dit Lucien l’âne
en clignant de l’œil droit. Elle était assez drôle en son genre,
quoique passablement inquiétante.
De
fait, elle l’était, reprend Marco Valdo M.I., mais elle était
seulement théorique et de ce fait, assez pacifique, si on la compare
à ce qui suit et qui constitue la trame de la chanson « Honte
à vous ! ». Et tant qu’à faire, réglons la question du
titre qui toujours t’intrigue.
« Honte
à vous ! » est un titre inhabituel, dit Lucien l’âne
et d’ailleurs, je me demande à qui s’adresse cette invective.
Toute
la question est là, rétorque Marco Valdo M.I., car, contrairement à
ce que laisserait penser le début de son exorde, l’orateur ne
s’adresse pas aux protestants et autres hérétiques et incroyants,
mais aux catholiques eux-mêmes qu’il va copieusement engueuler ;
c’est ici que le mot « sermonner » prend tout son sens.
Le sermon passe de la critique et de l’insulte à l’appel au
meurtre ; la chanson est nettement plus brutale et franchement,
ostensiblement, assassine. Le prédicateur, frère mineur de son état
ecclésiastique, n’y va pas avec la modération qu’on est en
droit d’attendre d’un sermonneur, porteur patenté de la parole
divine. Sans tergiverser, il appelle les catholiques à aller
incontinent massacrer leurs frères, leurs voisins protestants,
adamites et libertins, lesquels regroupent en fait les incroyants ou
les athées, comme on voudra, vu que c’est la même chose. Et si le
Père Adriaensen n’évoque pas d’autres espèces de croyants,
c’est qu’il n’en a pas sous la main et s’il ne s’en prend
pas aux juifs, c’est qu’il les a momentanément perdus de vue.
Mais je suis sûr que si on lui posait la question, il nous
confirmerait qu’il conviendrait d’appliquer la même médecine à
tous ceux qui ne sont pas catholiques.
C’est
assez binaire comme logique, dit Lucien l’âne. En quelque sorte,
il appelle à la guerre sainte, chose que d’autres font à présent
régulièrement de nos jours encore. Ce qui, à l’évidence, est
une vilaine manie.
Certes,
dit Marco Valdo M.I., mais à présent (et provisoirement, peut-on
espérer quand comme nous on vit ici dans les pays de Till), ce ne
sont plus les catholiques (qui se sont calmés), mais, partout dans
le monde, des musulmans, des hindous ou que sais-je encore, car il y
a tant de tueurs zélotes. Avant de te laisser découvrir tous les
détails de l’ingénieuse proclamation cléricale, j’attirerai
cependant ton attention sur le fait que la chanson commence par une
condamnation sans appel de cette « tolérance », qui
toujours a révulsé les partisans de l’ordre et de l’autorité,
car au fond, cet ordre et cette autorité ne sont rien d’autre que
le but de tout pouvoir, qu’il soit spirituel ou temporel :
« Tolérance,
tolérance, tolérance,
Impie
et scandaleuse impuissance ! »
Comme
disait Voltaire, qui
voyait les choses autrement :
« La
tolérance n’a jamais excité de guerre civile ;
l’intolérance
a couvert la terre de carnage. »
(Traité
sur la tolérance, 1763).
Ainsi
va le monde tel que je l’ai vu depuis les siècles que je le
parcours, conclut Lucien l’âne. Quant à nous, reprenons notre
tâche illimitée et tissons le linceul de ce vieux monde intolérant,
fanatique, criminel, assassin, meurtrier et
cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Tolérance,
tolérance, tolérance,
Impie et
scandaleuse impuissance !
Catholiques
mollassons, moutons sans façons.
Âmes
sans fierté, sans foi, sans passion.
Rendez-vous
tout partout
Pour
chasser les séides de Calvin.
Réveillez-vous !
Levez-vous !
Pourchassez
les, les armes à la main :
Cuirasses,
lances, hallebardes,
Épées,
bragmarts et arbalètes ;
Bâtons,
épieux et daguettes,
Fauconneaux,
couleuvrines et bombardes.
Ces
hérétiques sont pacifiques, dites vous,
Ces gens
ne demandent que la liberté
De
penser et de méditer,
Ils
écoutent la parole divine, je m’en fous !
Quoi ?
Vous êtes encore ici,
Vous
n’êtes pas encore partis ?
Sus à
tous ces damnés calvinistes
Sortez
de la ville ! En piste !
Allez-vous
laisser faire
Ces
hérétiques pervers
Les
laisser entrer en vos familles
Et
tambouriner sur le ventre de vos filles ?
Ô,
couards poltrons,
À quoi
sert mon sermon,
Si tels
des canards et des oies,
Vous
cancanez, vous cacardez et vous n’agissez pas ?
Coqs et
poules qui tremblez
Sur
votre tas de fumier,
Il faut
vous redresser
Et sans
peur les catholiciser.
Honte
sur vous ! Honte à vous !
Tous les
diables de l’enfer
Au jour
dernier, fondront sur vous
Dans une
nue ardente de feu et de fer.
À ceux
qui ont trahi l’Église
Aucune
faute ne sera remise ;
La
colère de Dieu est sans pitié
Pour
ceux qui l’ont abandonné.