dimanche 29 juin 2014

MÉRIQUE, MÉRIQUE

MÉRIQUE, MÉRIQUE


Version française – Mérique, Mérique – Marco Valdo M.I. – 2014
d'après la version italienne de Lorenzo Masetti
d'une chanson en vénitien – Merica Merica – Angelo Giusti




Il s'agit d'une des plus importantes chansons des migrants vénitiens qui allaient chercher fortune au Brésil. Depuis 2005, cette chanson est l'hymne officiel de la Colonisation Italienne dans le territoire du Rio Grande do Sul.


D'Italie, nous nous en sommes allés


D'Italie, nous nous en sommes allés
Nous sommes partis avec notre honneur
Trente-six jours de bateau et de vapeur,
Et en Amérique, nous sommes arrivés.

Mérique, Mérique, Mérique,
Que sera cette Mérique ?
Mérique, Mérique, Mérique,
Un beau bouquet de fleurs.

Et arrivés en Amérique, nous sommes
nous n'avons trouvé ni paille et ni foin
Nous avons dormi à même le terrain,
Comme les bêtes de somme..

Mérique, Mérique, Mérique,
Que sera cette Mérique ?
Mérique, Mérique, Mérique,
Un beau bouquet de fleurs.

L'Amérique est longue et large,
Entourée de montagnes et de plaines,
Et par notre industrie nous, les Italiens
Nous avons bâti des villes et des villages.

Mérique, Mérique, Mérique,
Que sera cette Mérique ?
Mérique, Mérique, Mérique,
Un beau bouquet de fleurs.


Mérique, Mérique, Mérique,
Que sera cette Mérique ?
Mérique, Mérique, Mérique,
Un beau bouquet de fleurs.

samedi 28 juin 2014

BERCEUSE POUR MOI

BERCEUSE POUR MOI

Version française – BERCEUSE POUR MOI – Marco Valdo M.I. – 2014
Chanson en langue allemande – Schlaflied für mich – Selma Meerbaum-Eisinger – janvier 1941

Poème de Selma Meerbaum-Eisinger (Cernovizza, 1924 – campo di lavoro nazista di Michajlovka, 1942).

Musique de Leibu Levin (1914-1983), poète et compositeur lui aussi, comme Selma Meerbaum-Eisinger, juif et originaire de la Bucovine, région des Carpates aujourd'hui divisée entre la Roumanie et l’Ukraine, partie de l’empire autrichien jusqu'à la Grande Guerre.
Leibu Levin survécut à l’Holocauste, il émigra ensuite en Israël. C'est aussi l'auteur de la traduction en Yiddish des poésies de Selma Meerbaum-Eisinger (qui écrivait en allemand).



La mort de Selma
Dessin d'Arnold Daghani - Bershad Camp - 1943




The Death of Selma Meerbaum-Eisinger, Bershad Camp, 1943 Arnold Daghani (1909-1985)
Selma Meerbaum-Eisinger était née en 1924 à Cernovizza (Bucovine du nord, aujourd'hui dans ukrainienne) dans une famille de commerçants juifs. Alors les 150 ans de domination des Habsbourgs se faisaient encore beaucoup sentir, mais dès la fin de la Grande Guerre, la région fut soumise à un fort processus de romanisation. Avec la défaite de l'Allemagne, en effet, le territoire fit partie de la Grande Roumanie. Ensuite en 1940, sur base d'une interprétation « extensive » des accords de partage paraphés avec l'Allemagne nazie, l'Union soviétique s'empara de la Bucovina septentrionale et sans beaucoup de ménagement (pour employer un euphémisme) pour les gens du lieu, qui étaient bourgeois de langue allemande, peut-être juifs, ou des paysans de langue roumaine. Ensuite, il y eut l'occupation nazie et le régime collaborateur d'Ion Antonescu… Les gens restèrent broyés au milieu, et les Juifs plus que tous.

Selma Meerbaum-Eisinger - active dans les organisations de jeunesse juives comme Hashomer Hatzair, aimant le Beau et la poésie de Rilke et de Heine et Verlaine, elle-même poète, comme son plus célèbre cousin Paul Celan – fut enfermée avec autres ses coreligionnaires dans le ghetto de Cernovizza et ensuite déportée dans le camp de travail de Michajlovka (Volgograd) où elle mourut de typhus en décembre 1942. La brève et douloureuse présence de Selma dans le camp fut notée dans le journal et dans les dessins d'un autre interné, le peintre Arnold Daghani, qui en représenta la mort comme une véritable déposition.



Je me berce, me berce et me berce
Nuit et jour de rêves
Et je bois le même vin vermeil
Que celui qui dort quand il veille.

Je me chante, chante et chante,
Une chanson d'espoir et de chance,
Je la chante comme celui qui s'en va et ne voit pas
Que jamais plus il ne reviendra.

Je me raconte, raconte et raconte
Un monde d'amour, qui m'apaise
Je n'y crois plus et je me le raconte
Je le sais pourtant : la fin est mauvaise.

Je joue, joue et joue
La musique des jours passés,
Je me libère de la vérité
Et fais, comme si j'étais aveugle.

Je ris, ris et ris
Et je me moque de mon jeu
Et je file des rêves si indécis
Qu'ils vont sans tête ni queue.


vendredi 27 juin 2014

Le Jeu du Diable

Le Jeu du Diable
Lettre pastorale à tous les prêtres et fidèles de l’Archevêché


Canzone française – Le Jeu du Diable – Marco Valdo M.I. – 2014

Le Livre Blanc 7

Opéra-récit contemporain en multiples épisodes, tiré du roman de Pavel KOHOUT « WEISSBUCH » publié en langue allemande – Verlag C.J. Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1970 et particulièrement de l'édition française de « L'HOMME QUI MARCHAIT AU PLAFOND », traduction de Dagmar et Georges Daillant, publiée chez Juillard à Paris en 1972.

 L'archevêque de K
Bien chers frères
Nous vous parlons avec confiance
Nous savons votre chrétienne obéissance
Fondée sur une foi dure comme fer


Le Jeu du Diable, mon ami Lucien l'âne, est une lettre pastorale. Et sais-tu ce que signifie une lettre pastorale ? J'imagine bien que oui, mais pour que les choses soient bien claires, je préciserai quand même qu'il s'agit d'un message fort envoyé par un évêque ou un archevêque aux fidèles de son diocèse ou de son archevêché – en somme, l'équivalent d'une lettre qu'un maire pourrait envoyer à ses administrés. Mais c'est aussi une lettre comminatoire, une injonction solennelle, une mise en garde, un rappel à l'ordre et l'indication par le pasteur du bon chemin à ses brebis. Elle passe par l'entremise des curés et des officiants des paroisses qui sont priés de la lire en chaire le dimanche et aussi, de la diffuser par toutes voies. En somme, c'est la ligne du parti, c'est la voix de l'orthodoxie. En somme, l'Église prend position et assure ses arrières. Voilà pour la théorie.


Au moins avec toi, les choses sont claires. Mais, dis-moi Marco Valdo M.I. mon ami, que peut-elle bien raconter cette lettre pastorale ? Et de quel archevêque vient-elle ?


Pour l'archevêché, la réponse est aisée : de l'archevêché dans lequel se situe la ville de K. On l'appellera pour la facilité du discours, l'archevêché de K et l'archevêque : l'archevêque de K. En fait, l'archevêque de K. intervient vigoureusement d'une part, pour soutenir l'ordre établi mis en danger par ce brave Adam Juracek et ses promenades au plafond et d'autre part, tout débordement hérétique. Imagine un instant que certains croyants y voient un miracle, un signe du ciel et en Adam, je ne sais pas moi, un nouveau messie, un sauveur... Au minimum, un saint... C'est très périlleux pour l'archevêque, car c'est périlleux pour l'Église en général... Et puis, il lui faut encadrer son troupeau et même, donner le « la » à ses curés. La question qui se pose à tous : mais quelle est donc la position de l'Église ? Que faut-il penser ? Qu'est ce qui est conforme et qu'est-ce qui ne l'est pas ? Et puis, en cas de dérapage, il faudra rendre des comptes en haut lieu... D'où cette lettre pastorale.


Si je suis bien, il condamne Adam...


Et pas un peu. Il va même l'accuser de faire le jeu du Diable et ça, c'est sans doute la plus terrible accusation. Du temps de Jean Huss, c'était le bûcher après une multitude de tortures, toutes plus douloureuses et atroces les unes que les autres. En somme, le bûcher, c'était l'ultime récompense, c'était la délivrance... Mais chaque chose en son temps...


Attendons donc la suite de l'histoire ; je suis même assez curieux de ce qui va advenir. Pour le reste, tissons le linceul de ce vieux monde bigot, clérical, croyant, crédule, superstitieux et cacochyme.



Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.




Bien chers frères
Nous vous parlons avec confiance
Nous savons votre chrétienne obéissance
Fondée sur une foi dure comme fer
Une foi, mes frères
Due à notre Mère l'Église, à notre Père
Et au Seigneur, notre Sauveur.
Jésus était un grand faiseur
D'incroyables miracles
Il multiplia les poissons et les pains
Et aux mariages, même le vin.
Mais il ne se donnait pas en spectacle.

Bien chers frères
Nous vous parlons avec confiance
Nous savons votre chrétienne obéissance
Fondée sur une foi dure comme fer.
Certains, d'autres, inspirés par l'Esprit
Objets des sarcasmes de nos ennemis
Ont rendu le faible fort
Fait voir l'aveugle, entendre le sourd
Marcher le cul-de-jatte, resurgir l'amour
Ils ont même réveillé les morts.
C'étaient des miracles de la foi
Reconnus par l'Église ; c'est la loi.

Bien chers frères
Nous vous parlons avec confiance
Nous savons votre chrétienne obéissance
Fondée sur une foi dure comme fer.
Seuls les miracles authentiques sont admis
Nous le réaffirmons solennellement ici
Mais des brebis au cœur endurci
Insensibles à la grâce de Jésus-Christ
Mettent à profit malicieusement
Certain exploit invérifiable
Pour crier au miracle et les inconscients
Font ainsi le jeu du diable.

Bien chers frères
Nous vous parlons avec confiance
Nous savons votre chrétienne obéissance
Fondée sur une foi dure comme fer.
Car, mes bien chers frères, marcher au plafond
Ce n'est pas un miracle, c'est une trahison
Qui dépasse toutes les limites
On ne peut laisser faire cette engeance maudite
Il faut dénoncer cet exploit révolutionnaire
C'est une action du Malin, elle doit être interdite
Priez, priez, mes bien chers frères
Allez en paix, la messe est dite.


jeudi 26 juin 2014

L'ÎLE QUI S'EN FUT

L'ÎLE QUI S'EN FUT

Version française – L'ÎLE QUI S'EN FUT – Marco Valdo M.I. – 2014
Chanson italienne - L'isola che se ne andò - Alberto Marchetti



Celle-ci, malheureusement, est une histoire incroyablement vraie, une démonstration de l'obtusité humaine et de la stupidité de toutes les guerres…. L'histoire de cette île était là, déjà belle et prête, je me suis limité à en créer conscience nécessaire pour la sauver … L'île est encore sous la mer mais la dispute diplomatique, absurde mais vraie, à 180 ans de distance, ne s'est pas encore calmée… Quand en 2002, une secousse a fait présager sa remontée à la surface, le Times (journal anglais) a salué la réapparition d'une île anglaise ; les Italiens se sont hâtés de déposer sur le sommet émergé une pierre tombale de revendication territoriale .....

Sur le goût et l'acharnement des Anglais à posséder des îles minuscules, on se reportera utilement à la canzone « Les Malouines aux Malouins » [[42641]] [L.L.].



Giulia, Corrao, Hotham, Nerita, 
Graham, Sciacca, Ferdinandea




Giulia, Corrao, Hotham, Nerita,
Graham, Sciacca, Ferdinandea
En Juillet mil huit cent trente et un
Sans que ne la vit quelqu'un
En une nuit, une île naquit de la mer
Toute noire et de forme circulaire.
À l'aube, le ressac et les ondes
Révélèrent cet hectare de terre
À Sciacca devant les côtes.
La nouvelle fit le tour de la terre.

D'abord, arrivent les scientifiques
Et les pêcheurs un peu étonnés.
Ensuite, par décision des autorités,
Des navires de guerre se rappliquent ,
Pour prendre possession de ce noyau fumant
Car pour les puissants,
Une terre nouvelle, surtout secrète,
Est toujours une terre de conquête.

Ils voulaient faire de cette beauté précaire
Ces as de la stratégie, une nouvelle base militaire
Et les commandants, pour chaque nation,
Plantèrent des drapeaux et lui donnèrent un nom :

Giulia, Corrao, Hotham, Nerita,
Graham, Sciacca, Ferdinandea

Seul un pêcheur solitaire
Comprit comme il était extraordinaire
Qu'une île soit née de la mer
Que la terre ait recommencé à créer…
Les Rois voulurent ce morceau de terre
Disposés à tout, même à la guerre,
Opposés, au nom du droit,
Ils se décidèrent à l'inévitable combat.

Au cœur de la nuit, des amiraux nostalgiques
Amenèrent leurs flottes magnifiques.
Ce fut précisément alors que l'île pensa
En avoir vu assez, et s'en alla,
Un grondement, un bouillonnement autour,
Quand finalement arriva le jour
Les expéditions trouvèrent seulement
La mer étale, et un blurp de temps en temps.

L'île était rentrée sous la mer
Où personne ne la regardait de travers,
L'île était retournée sous les vagues
Où encore elle divague.


Giulia, Corrao, Hotham, Nerita,
Graham, Sciacca, Ferdinandea


mercredi 25 juin 2014

LE LAIT NOIR DE L'AUBE

LE LAIT NOIR DE L'AUBE

Version française – LE LAIT NOIR DE L'AUBE – Marco Valdo M.I. – 2014
Chanson italienne - Il latte nero dell'alba - Michele Gazich - 2011





Mais le fleuve cette nuit est un grand cœur noir

Et m'accueille
Et me serre
Et éteint ma douleur






L'expression « le lait noir de l'aube » est mystérieuse, mais très évocatrice.
Elle est tirée d'une poésie de Paul Celan (1920-1970), un des plus grands poètes de culture juive du siècle passé.
Né en Roumanie, mort à Paris, il écrivait en allemand. Comme tant d'artistes, il a changé souvent de patrie, sans jamais en trouver une.
Ses parents moururent en camp de concentration, pendant qu'il s'en sauva. Paul Celan vécut toute son existence avec l'obsession de ne pas avoir fait assez pour sauver les siens et, avec le sentiment de culpabilité d'être survivant, de n'être pas mort avec eux. Le souvenir de l'extermination de ses parents et du peuple juif, la mémoire des violences de la guerre, l'obsédèrent à un point tel que, finalement, il se suicida, en se jetant dans la Seine du Pont Mirabeau.
Le lait noir de l'aube est celui qui buvaient chaque matin les hébreux qui savaient devoir mourir ; Paul Celan boira le lait noir de l'aube, avant de précipiter dans la terrible paix de la mort, dans le grand cœur noir des eaux du fleuve.
« Mais le fleuve cette nuit est un grand cœur noir
Et m'accueille
Et me serre
Et éteint ma douleur »
... Gazich raconte... avec une voix qui ne cache rien du mal de vivre et qui pour ceci ne peut nous laisser indifférents, la vie et la mort de Paul Celan.



Pour donner une idée de la poésie de Paul Celan de laquelle s'inspire la chanson, je te propose un extrait de Todesfuge – La Fugue de la Mort :
« Schwarze Milch der Frühe wir trinken dich nachts
wir trinken dich mittags der Tod ist ein Meister aus Deutschland
wir trinken dich abends und morgens wir trinken und trinken
der Tod ist ein Meister aus Deutschland sein Auge ist blau
er trifft dich mit bleierner Kugel er trifft dich genau
ein Mann wohnt im Haus dein goldenes Haar Margarete
er hetzt seine Rüden auf uns er schenkt uns ein Grab in der Luft
er spielt mit den Schlangen und träumet der Tod ist ein Meister aus Deutschland

dein goldenes Haar Margarete
dein aschenes Haar Sulamith
Traduction de l'allemand
(…)
Lait noir de l’aube nous te buvons la nuit
nous te buvons à midi la mort est un maître d’Allemagne
nous te buvons le soir et le matin nous buvons et buvons
la mort est un maître d’Allemagne son œil est bleu
il te touche d’une balle de plomb il te frappe juste
un homme habite dans la maison tes cheveux d'or Marguerite
il lance ses grands chiens sur nous il nous offre une tombe dans l'air
il joue avec les serpents et rêve la mort est un maître d’Allemagne

tes cheveux d'or Marguerite
tes cheveux de cendre Sulamith »

Comme il y paraît la poésie de Celan est assez sombre et comme tu le vois, elle est aussi une poésie forte et terriblement accusatrice contre cette Allemagne qui semait la mort aux carrefours de l'Europe et au-delà. Celan a la dent dure.


Mais pas encore assez sans doute, dit Lucien Lane. Ainsi, reprenons notre tâche lente et longue et tissons le linceul de ce vieux monde de noirceur, mortifère, douloureux et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




La nuit nous buvons le lait noir de l'aube
La nuit nous buvons le lait noir de l'aube
La nuit nous buvons le lait noir de l'aube
La nuit nous buvons le lait noir de l'aube

Vivre écrire cicatriser la haine
Vivre écrire changer de langue changer de ville
Vivre écrire aimer aimer aimer encore
Vivre écrire même si tout autour meurt

Vivre écrire de nouveaux livres pour de nouveaux yeux
Vivre écrire pour les oreilles ennuyées du bourreau
Vivre écrire j'entends le bruit des nouvelles chaînes
Vivre écrire même si tout autour meurt

Je n'ai pas oublié mon père
Je n'ai pas oublié ma mère
Je n'ai pas oublié la neige
Je n'ai pas oublié le sang
Je n'ai pas oublié…
Je n'ai pas oublié…


Mais le fleuve cette nuit est un grand coeur noir
Et m'accueille
Et me serre
Et éteint ma douleur