jeudi 11 juillet 2013

AU JUGE




AU JUGE



(communiste ou pire encore – Imaginez, il pourrait être anarchiste... NdT)

Version française – Au Juge – Marco Valdo M.I. – 2013
Chanson italienne – Dal Giudice – Elio e le storie tese – 2011



Juste quelques mots à propos non pas du nain maléfique ou de son trou du cul, ni même de son nez qui s'allonge de plus en plus, tel l'instrument que Gepetto fournit à Pinocchio, au point peut-être d'arriver à concurrencer Cyrano (« c'est un roc ! ... c'est un pic... c'est un cap !
Que dis-je, c'est un cap ? ... c'est une péninsule ! » - http://dardel.info/Textes/Cyrano.html), mais de cet excellent Elio (celui qui chante en Italie et qui si bien parodie... perruque et fausse moustache)...

Oh, dit Lucien l'âne, celui-là, je le connais bien et je l'aime beaucoup. Il sait y faire... Tu devrais le traduire plus souvent...

Pour moi, ce n'estpas une question de goût, c'est une question de temps... Moi aussi, j'aime beaucoup Elio e le Storie tese... Que n'en a-t-on de pareils chez nous... Oh, cette Italie, pleine d'humour et de chansons, aux yeux et aux pensées du monde sauve l'honneur et la réputation de la péninsule, tellement avilie par sa caste et ses mafias.


Même là, même ici, tout nous impose de reprendre notre sempiternel ouvrage et de tisser le linceul de ce monde au nez presqu'aussi long que celui de Cyrano, dès lors attentateur aux mineures, menteur, trompeur, sournois, vicieux, libidineux, orgueilleux, ambitieux, avide, vide et singulièrement cacochyme.



Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Ce que veut dire être
D'à peine plus d'un mètre
Vous le révèlent les regards
des gens et les racontars
ou la curiosité
d'une fille mineure
qui s'approche seule et
Poussée par un souhait mineur
De découvrir si est avéré
Ce qu'on dit des nains
qu'ils seraient en possession
Des outils et des instruments
Prêts à l'épilation
À tous moments

Passent les années, passent les mois
et même les minutes ont disparu
C'est triste de se retrouver comme ça
Adultes sans avoir crû
La médisance insiste et cogne
Elle bat le tambour
jusqu'à dire sans détour
qu'un nain est une charogne
Car il a le cœur près du
Trop près du
Trop près du trou du cul
Ce fut dans ces nuits sans amour
Qu'en Arcore, avec ardeur
Je préparai le discours
À faire au procureur
Moi qui abordais le chemin tortueux
qui de chanteur patriarcal
Menait à Milan Deux
Et donc à la salle d'un tribunal
Où un juge de parti-pris
Du parti
Qui me veut mal

Et alors ma stature
Ne perdit sa bonne humeur
Quand à la barre, ce fut dur
Je pensais votre honneur
Vous confier au bourreau
Sera pour moi un plaisir nouveau
Avant de vous mettre à genoux
À l'heure de l'au revoir
Car vous ne reconnaissez pas du tout
Mon pouvoir
Ni ma Gloire.


UN JUGE


UN JUGE


Version française – UN JUGE – Marco Valdo M.I. – 2010
Chanson italienne – Un Giudice - Fabrizio De André – 1976



Riccardo a bien fait d'insérer cette chanson de De André ; d'autant que je l'avais traduite en 2010 et que j'avais tout simplement omis de la transférer aux CCG... Voici donc la version 2010 ne varietur, sans changement, telle quelle, telle qu'en elle-même...




À un moment donné, les auteurs de chansons, les poètes eux-mêmes, du moins certains d'entre eux à l'esprit un peu systématique en viennent à vouloir passer à un travail plus ample, à une création multiple et à développer – tels des musiciens – un thème en plusieurs œuvres qu'il relie. Ce fut le cas d'Edgar Lee Masters avec son « anthologie », ce qui exprime clairement le but, l'objectif du poète. Je m’explique : anthologie est un mot d'origine grecque dont le sens est des plus éclairants, puisqu'il dit tout simplement : anthos - fleur et legein – lier, rassembler... en franco-latin : florilège. Somme toute, un bouquet, un bouquet de poésies, que peut-il y avoir de mieux ? Il rassembla tout le village sous la colline; cela donna l'anthologie de Spoon River.




Moi, dit Lucien l'âne en grattant son sabot sur un caillou plus rugueux, moi, dit Lucien l'âne, je la connais cette colline comme bien d'autres semblables. C'est un lieu où les humains ont pris l'habitude de poursuivre leur vie éternelle.




Donc, vois-bien la chose Lucien l'âne mon ami, Fabrizio De André qui passait par là – du côté de Spoon River, y a trouvé matière à chansons, à un florilège... Il fit donc une série de chansons à partir des poèmes d'Edgar Lee Masters et traça ainsi à son tour une sorte d'anthologie. Ce qui est en jeu, c'est précisément ce souhait, cette volonté, cette œuvre liée. Alors que L'Odyssée ou la Chanson de Roland sont des chansons et elles ont de l'ampleur, la chanson, vois-tu Lucien l'âne mon ami, a vu ses particularités progressivement et fortement perturbées par l'évolution désastreuse de la radio, du disque... et bien évidemment, du commerce qui s'ensuivit ou qui en fut le moteur. Pauvre chanson : on l'a raccourcie, on l'a fait naine. On l'a en quelque sorte châtrée. En fait, la chanson et avec elle la poésie ont subi le même destin que la peinture quand au cours des ans et des siècles, cette belle représentation en pleine lumière, largement établie sur les murs... fut réduite, mise en prison dans le cadre de plus en plus restreint de l'habitat privé, fermé. C'est tout le phénomène de la « privatisation »... Détestable manie ! On a ainsi atrophié, puis étouffé carrément la peinture, on lui a enlevé ses couleurs, ses formes tumultueuses, ses grandes respirations, pour finir par la mécaniser, par l'automatiser, au travers de l'appareillage photographique. Depuis, la photo s'est libérée, la créature a échappé à son destin réducteur... La liberté, le besoin d'espace finit toujours par trouver sa voie.




Si je te suis bien, dit Lucien l'âne en souriant, tu vas ainsi doucement vers une conception de la chanson multiple, de la chanson comme une œuvre intégrant un monde complexe, de la chanson élément d'une plus grande chanson, englobant plusieurs, voire un grand nombre de chansons qui entretiendraient entre elles des liens de parenté, de familiarité de sorte à reconstituer un monde entre elles. À retrouver le temps de raconter, le temps du conteur qui prend ses aises, qui prend les aises de la vie... Passant, sembles-tu me dire, arrête-toi, prends le temps de t'arrêter, laisse courir le temps, tu le rattraperas toujours assez tôt et écoute ma chanson.




Oui, c'est exactement ça. Le temps du conte ne peut être compté; que ce soit le temps du conteur ou le temps du vent.... C'est un temps entre parenthèses... mais, sais-tu Lucien l'âne mon ami, ce que signifie cette parenthèse, ces parenthèses auxquelles je te convie, à la manière de Sterne... Ces parenthèses sont des excursions en dehors de la route droite, de la route efficace et rectiligne, de cet autoroute qui conduit si vite à la mort. Prendre le temps du conte, c'est en fin de conte, suivre sa ligne de vie, laquelle par essence, est sinueuse et imprévisible.




Je vois bien ce que tu me dis. Prendre le temps du conte, c'est échapper à la logique de la rentabilité, c'est sortir du carcan de l'argent et de la misère mentale imposée par les riches dans la guerre de Cent Mille Ans. Car, vois-tu Marco Valdo M.I. mon ami, je crois bien que les riches ne supportent pas l'idée qu'on puisse vivre la pauvreté comme l'état idéal pour une plénitude du monde. Dès lors, étendre la chanson, prendre le temps du conte, c'est comme tisser le linceul de ce vieux monde pressé, stressé, ennuyeux et cacochyme. C'est à mon sens aussi, le sens profond des Canzoni Contro la Guerra (de Cent Mille Ans que le riches mènent contre les pauvres afin de les dominer, de les réduite en esclavage, de leur prendre leur temps....)




Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.






J'ajouterai juste ceci, dit Lucien l'âne... Tu commentes ainsi Fabrizio De André et Edgar Lee Masters... Tu traces une nouvelle naissance à la chanson (et sans doute n'es-tu pas le seul...) et tu appliques toi-même cette exigence dans tes séries de chansons : Dachau express (24 chansons tirées de l'histoire de Joseph Porcu), Le Cahier Ligné (104 chansons tirées de Carlo Lévi) et les Histoires d'Allemagne (100 chansons tirées de Günter Grass).








Ce que veut dire avoir
Un mètre cinquante de taille
Ce sont les yeux qui vous le révèlent
Et les réflexions des gens
Ou la curiosité
D'une fille irrévérencieuse
Qui s'approche seulement
En raison d'un doute impertinent
Elle veut découvrir si c'est vrai
Ce qu'on dit des nains
Qu'ils sont fourni de la vertu
La moins apparente
Entre toutes les vertus
La plus indécente.


Passent les ans, passent les mois,
Et si on compte aussi les minutes,
Il est triste de se retrouver adultes
sans avoir grandi;
La médisance insiste
Elle bat sa langue sur un tambour,
jusqu'à dire qu'un nain
Est une charogne pour sûr
Car il a le cœur trop
Trop proche du trou de son cul.


Et alors, ma taille
Ne dispensa plus la bonne humeur
À celui qui debout à la barre
Me disait : « Votre Honneur »,
Et de le confier au bourreau
Fut pour moi un vrai plaisir
Avant de m'agenouiller
À l'heure de l’adieu
En ne connaissant pas du tout
La taille de Dieu.




Judge Selah Lively

Edgar Lee Masters (1868–1950).  Spoon River Anthology.  1916.



Suppose you stood just five feet two,
And had worked your way as a grocery clerk,
Studying law by candle light
Until you became an attorney at law?
And then suppose through your diligence,
And regular church attendance,
You became attorney for Thomas Rhodes,
Collecting notes and mortgages,
And representing all the widows
In the Probate Court? And through it all
They jeered at your size, and laughed at your clothes
And your polished boots? And then suppose
You became the County Judge?
And Jefferson Howard and Kinsey Keene,
And Harmon Whitney, and all the giants
Who had sneered at you, were forced to stand
Before the bar and say “Your Honor”—
Well, don’t you think it was natural
That I made it hard for them?



LE JUGE SELAH LIVELY

Version française – LE JUGE SELAH LIVELY – Marco Valdo M.I. – 2010
Poème – « Judge Selah Lively »
de Edgar Lee Masters
tiré de l'Anthologie de Spoon River



Supposez que vous ayez tout juste cinq pieds deux pouces
Et que vous ayez commencé comme employé à l'épicerie
Étudiant le droit à la chandelle
Jusqu'à devenir un juge.
Et supposez que par votre vigilance
Et votre assidue présence à l'église
Vous deveniez juge au Tribunal Collectionnant les documents et les hypothèques
Et représentant toutes les veuves
Face à la Cour des Successions et des Tutelles.
Et que malgré tout
Ils se moquent de votre taille
Et rient de vos habits de vos chaussures vernies
Et alors supposez
Que vous deveniez Juge du Comté
Et que Jefferson Howard et Kinsey Keene,
Et Harmon Whitney, et tous les géants
Qui ont ricané de vous, soient forcés de se tenir
evant vous au bar et dire : « Votre Honneur »...
Eh bien, ne pensez-vous pas qu'il
soit naturel
Que je le leur fasse durement sentir ?



Birgit Treuhand, liquidator


Birgit Treuhand, liquidator

Canzone française – Birgit Treuhand, liquidator – Marco Valdo M.I. – 2013
Histoires d'Allemagne 93
An de Grass 94

Au travers du kaléidoscope de Günter Grass : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary. 


 


Birgit en personne



Cette Histoire d'Allemagne, comme toutes les précédentes, est en fait la transposition d'un récit en chanson et comme pour chacune des précédentes, on entend un narrateur particulier ; en l'occurrence, une narratrice qui débite un monologue autojustificateur. C'est une sorte de lamentation dans laquelle elle tente de justifier le retentissant échec de l’Exposition universelle de Hanovre dont elle était le Commissaire général et le massacre économique qu'elle a mené en dirigeant la Treuhand jusqu'à sa fin en décembre 1994... Un office public chargé de remettre sur pied l'économie de la République Démocratique. Ici, dans la chanson, on l'appellera Brigit Treuhand, pour rappeler le forfait.


Fille de banquier failli, elle s'y connaissait donc en faillite et su mener au port celle de presque toute l'économie de la Démocratique en faisant profiter de ses dépouilles les prédateurs de la Fédérale. Ce fut une formidable arrivée de sang frais pour les vampires du privé, un massacre pour les travailleurs (elle a créé plus de deux millions de chômeurs...), un désastre pour les régions concernées et une fameuse saignée pour le pays tout entier. On verra ça dans la chanson. Un journal économique français de l'époque décrit l'affaire comme suit : « Chargé de liquider les entreprises non rentables, l'office a supprimé des pans entiers de l'industrie est-allemande, laissant sans emploi 2 millions de personnes. Plusieurs entreprises ont été sacrifiées sur l'autel de la concurrence avec l'Ouest, comme la compagnie aérienne Interflug ou les mines de potasse de Bischofferode. Des dizaines de cas d'escroqueries ont été découverts, impliquant parfois des membres de la Treuhand: privatisations bradées, subventions détournées, actifs de sociétés pillés par leurs nouveaux propriétaires. Enfin, alors qu'elle prévoyait de générer des bénéfices, la Treuhand laisse une ardoise de 270 milliards de DM... » Ceci dit, on est vraiment dans un univers orwellien. Imagine avec tout ça que Treuhand peut se traduire par Fiduciaire, société de confiance, « en main de confiance, en de bonnes mains ».


Orwell n'aurait pas trouvé mieux, dit Lucien l'âne en riant.


Le pire de tout, c'est que c'est le modèle de ce qui se fait actuellement en Grèce (REGARDEZ CE QU'ILS FONT AUX GRECS, ILS VOUS LE FERONT DEMAIN...) et qui se met en place ailleurs ; en fait, dans chaque pays d'Europe. On trouve des aventures similaires ailleurs dans le monde... En fait partout où on privatise... et on privatise partout. Et toutes les sirènes du politiquement correct sonnent dans le même sens avec un bel unisson. Et, si l'on n'y prend garde, les mêmes méthodes vont donner les mêmes résultats.


C'est évident, dit Lucien l'âne. Ce sont des comportements de chacals, des mœurs parasitaires, phagocytaires... Mais en somme, elle ne faisait que répéter ce que le Reich précédent avait systématiquement réalisé dans l'ensemble des pays conquis par ses armées. Encore une fois, nous avons plus que raison de tisser inlassablement le linceul de ce vieux monde escroc, vampire, privatiseur, dépeceur et cacochyme.



Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane





J'ai beau être une femme
Rien ne peut m'entamer
Je suis dure comme l'acier
Je suis brillante comme la flamme


J'aime voir le soleil se coucher
Sur les bords de l'Elbe, l'été
J'envie les vagues et les flots
Quand je vois passer les bateaux
L'eau au ras de la ligne
Qui vont et viennent
De la mer à Hambourg
Et retour

Ils m'appellent Treuhand maintenant
C'est papa qui serait content
Lui qui était banquier et qui a fini
Failli
Moi, je ne cours aucun danger
Aucune enquête ne peut m'entamer
Secret d'État sur tous mes dossiers
Privatisation, vitesse, opacité

Vite, vite, vite, la course est lancée
Faut tout liquider d'ici la fin de l'année
On paye à la prime, sans discuter
Je vends un peuple entier

Certains trouvent ça indécent
J'encaisse des milles et des cents
J'achète les investisseurs à crédit
Les mafieux de tous les pays se sont unis
Aigrefins, affairistes de l'Ouest se sont servis
Après, ni vu ni connu, c'est fini

Deux cent septante milliards envolés
En somptueuses affaires un peu partout.
J'ai dit envolés... On ne sait pas où.
Secret d'État. Faut pas chercher.


Et cette exposition universelle, parlez m'en
Avec les billets subventionnés
On a réussi à perdre des milliards
C'était du grand art
Des milliards encore une fois
Tout ça grâce à moi, à moi, à moi

J'ai beau être une femme
Rien ne peut m'entamer
Je suis dure comme l'acier
Je suis brillante comme la flamme


J'aime voir le soleil se coucher
Sur les bords de l'Elbe, l'été
J'envie les vagues et les flots
Quand je vois passer les bateaux
L'eau au ras de la ligne
Qui vont et viennent
De la mer à Hambourg
Et retour