LA
MARCHE DES SUICIDÉS
Version
française – LA
MARCHE DES SUICIDÉS – Marco
Valdo M.I. – 2015
Chanson
italienne – La
marcia dei suicidi – Davide
Giromini – 2013
Texte
de Gianni Symbolo, alias Fabio
Ghelli
Interprétée par Davide Giromini
Interprétée par Davide Giromini
RÉVOLUTIONS SÉQUESTRÉES … et ce fut ainsi que je devins un robot |
« C'est
très simple. Un jour je vis un spectacle théâtral sur la guerre
d'Espagne. Le théâtre
était très petit, les acteurs âgés et du vingtième siècle. Nous
étions cinq
ou six au
parterre.
Un acteur
maigre
et grisonnant, dont
on
voyait que
jeune, il avait été un
bel homme, mais maintenant chenu et décadent, interprétait le rôle
d'un intellectuel anarchiste
du
nom de
Camillo
Berneri et il en disait
en monologue un discours. La définition de « Révolutions
séquestrées » qu'il donnait, toucha
en
moi quelque chose d'universel. Toutes les révolutions de l'histoire
ont
été
tôt ou tard séquestrées par
quelqu'un qui les avait transformées en
quelque chose d'autre. Peut-être est-ce
vraiment
le concept de révolution qui est destiné à ça
mais pourquoi parmi les êtres humains le
résultat
doit-il
être toujours dégénératif ? Où finissent les utopies pour
lesquelles
on verse du sang dans les moments
révolutionnaires ? La réponse qu'on me
donna
était
la suivante. Les êtres humains ont besoin de grandes idées pour
accomplir des gestes surhumains. Mais précisément
parce que des gestes surhumains sont destinés à durer peu, car
l'homme ne peut pas régir
toute cette sur-humanité. »
Davide
Giromini, “Rivoluzioni Sequestrate” ( p. 54)
Ce
n'est pas la première fois que le thème du suicide fait irruption
dans ce site, quoique du point de vue personnel et pas strictement
semblable (par exemple, dans un Extra comme Ιδανικοί
αυτόχειρες, les « Suicides idéaux » du suicidé
Karyotakis) ; avec cette chanson écrite par Fabio Ghelli, sous son
nom actuel de Gianni Symbolo pour les « Rivoluzioni Sequestrate
– Révolutions Séquestrées » de Davide Giromini, nous
sommes en présence par contre du suicide comme d'un acte précis,
même politique, de rébellion extrême. Ce n'est pas un hasard si
dans le texte sont récupérées les figures classiques de Jacopo
Ortis et de son prédécesseur Werther (les « mauvais exemples,
instigateurs de la jeunesse »). Cette chanson provient même du
temps actuel où le suicide est quotidien, gentiment distillé par la
crise d'argent et de vie, par des conditions impossibles, en réponse
à la répression, accompli maintenant par un nombre toujours
croissant de personnes qui désertent. Dans cette « marche »,
les suicidés semblent assumer pleinement une identité collective,
comme s'ils avaient pleine conscience de la valeur révolutionnaire
de leur geste ; une valeur, du reste, qui est ancienne (on pense, par
exemple, à Masada). « Prefiero la muerte », semble le
cri de bataille qui, de quelque façon qu'on veuille le voir et le
considérer, est même une suprême affirmation de vie. Vie niée,
vie détruite, vie dont on désire de toute façon disposer
totalement au dernier instant, alors que pour toute sa durée ce
furent par contre d'autres à en disposer pour leur profit. Une
chanson jouée sur des fils très subtils et délibérément
dangereux, écrite par Fabio Ghelli et chantée rauquement par Davide
Giromini avec son rythme pressant et avec sa structure métrique
acrobatique faite d'assonances continues et de vertigineux
enjambements polysémantiques (une caractéristique plus unique que
rare dans une chanson en langue italienne). [RV]
Il
y a celui qui le nomme désertion
Le nomme geste désespéré,
Celui qui pour nous éprouve de la compassion,
Celui qui le considère comme un délit
Le nomme geste désespéré,
Celui qui pour nous éprouve de la compassion,
Celui qui le considère comme un délit
Et
celui qui nous trouve du courage,
Une aveugle et stupide lâcheté,
À nous morts pour outrage,
Esclaves de la liberté.
Une aveugle et stupide lâcheté,
À nous morts pour outrage,
Esclaves de la liberté.
Pour
nous pas de pierre tombale,
Aucuns marbres ni ors;
Puis avec le sel des larmes,
La rage séchera la douleur.
Aucuns marbres ni ors;
Puis avec le sel des larmes,
La rage séchera la douleur.
Il
restera un geste sans sens,
Si ce n'est le sens de vide que
Notre infini silence
Jette au visage à tous vos parce que.
Si ce n'est le sens de vide que
Notre infini silence
Jette au visage à tous vos parce que.
Ce ne sera pas temps de maudire
Et de pleurer et de remercier
Celui qui a su vous étonner
Par la force d'un impérissable
L'enfer
des bonnes manières
Contre qui nous nous rebellons
Car à tort ou à raison,
Nous sommes ce que nous sommes.
Contre qui nous nous rebellons
Car à tort ou à raison,
Nous sommes ce que nous sommes.
Nous
sommes les mauvais exemples,
Instigateurs de la jeunesse,
Les Ortis, les Werthers d'autres temps,
Et de Camus, les Sisyphes.
Instigateurs de la jeunesse,
Les Ortis, les Werthers d'autres temps,
Et de Camus, les Sisyphes.
Nous
qui beauté et amour
Avons plein les veines,
Convaincus que la vie est toujours
Plus que réunir quelques cellules.
Avons plein les veines,
Convaincus que la vie est toujours
Plus que réunir quelques cellules.
Unis
dans silence,
Nous vous observons des barricades
De notre fière impertinence
Comme des sentinelles de jade.
Nous vous observons des barricades
De notre fière impertinence
Comme des sentinelles de jade.
La
peur qui nous tient tous debout
En équilibre instable sur l'abîme.
La différence entre nous et vous
Alors sera seulement un pas.
En équilibre instable sur l'abîme.
La différence entre nous et vous
Alors sera seulement un pas.
Moi,
moi, de vos applaudissements,
Non, je ne m'en fous pas
Et déjà leur grondement
Dans la rumeur de mon sang se noie.
Non, je ne m'en fous pas
Et déjà leur grondement
Dans la rumeur de mon sang se noie.
À
celui qui voulait vivre
D'une unique caresse,
Malade de désespérance,
Ou peut-être de trop de tendresse.
D'une unique caresse,
Malade de désespérance,
Ou peut-être de trop de tendresse.
Et
lorsque la fin aura sonné
Et qu'à votre ciel, vous irez
Dans les rangs des justes
- comme il est écrit dans l'Évangile
Et qu'à votre ciel, vous irez
Dans les rangs des justes
- comme il est écrit dans l'Évangile
Regardez
la noire vallée
Du haut des portes de l’Élysée
Et vous verrez nos ombres
Se dresser dans l'aveuglante lumière
Du haut des portes de l’Élysée
Et vous verrez nos ombres
Se dresser dans l'aveuglante lumière