samedi 3 août 2019

ALLER, MARCHER, TRAVAILLER



ALLER, MARCHER, TRAVAILLER


Version française – – Marco Valdo M.I. – 2019
Chanson italienne – Andare, camminare, lavorare Piero Ciampi – 1975








Dialogue Maïeutique


Andare, camminare, lavorare – ALLER, MARCHER, TRAVAILLER, tel est Lucien l’âne mon ami, le destin des gens d’à présent. Depuis un certain temps déjà et pas seulement des hommes, mais des femmes aussi – souvent encore, selon les endroits, aussi des enfants et des vieux. Est-ce heureux ? Je n’en sais rien. En vérité, je pense vraiment que ce ne l’est pas.

Pourquoi donc, Marco Valdo M.I., me dis-tu tout ça ?

Je dis tout ça, car Andare, camminare, lavorare – ALLER, MARCHER, TRAVAILLER, c’est le titre de la chanson dont je viens d’achever la version française ; et je te le dis, j’y ai mis du temps.

Oh, dit Lucien l’âne, c’est toujours comme ça avec la poésie. Cela dit, je pense que tu aurais pu intituler ta version française : Métro, boulot, dodo. Une antienne de ces années-là qui me semble vouloir figurer la même réalité, celle de cette société libérale du travail obligatoire (S.T.O.), dont la devise est Arbeit macht frei. Tu parles d’une farce, une réalité glaçante qui telle une peste frappe les contemporains et s’étend partout dans le monde. Nulle population touchée par la civilisation n’y échappe, sauf à se cacher – mais où ? Ou à mourir, c’est le cas le plus fréquent. Cette civilisation est une véritable escroquerie qui tue la vie quotidienne de tous ceux qu’elle arrive à convaincre ou à contraindre au travail ; pour elle, peu importe. Alors, de gré ou de force, on finit par étouffer. Burn out, qu’ils disent.

Sans doute, Lucien l’âne mon ami, mais au temps de Ciampi, vers 1975, c’était encore un mal circonscrit. Depuis la civilisation a touché jusqu’aux coins les plus reculés de la planète. Les Inuits, les Amérindiens, les Maoris et de lointaines peuplades africaines, amazoniennes, enfin, les gens du monde entier peuvent aussi bénéficier de l’alcool, des drogues, du coca et du porno. La plupart de ceux-là n’ont même pas la chance de la malédiction du travail stipendié, car chez eux, il n’arrive même pas. De toute façon, dans ce système du travail : ou on en a trop, ou on n’en a pas, mais dans les deux cas, on crève. Cependant, le destin des gens d’ici – des « privilégiés » – est de se lever matin et d’aller au boulot. Il y avait affichée sur les murs de cette époque lointaine une petite vignette qui disait très exactement : « Métro-boulot-dodo ! Y en a marre ! ». On la collait un peu partout – va-t’en savoir qui ?

Des anarchistes, certainement, répond Lucien l’âne. Mais parle-moi un peu de Piero Ciampi, quand même.

Piero Ciampi, répond Marco Valdo M.I., Piero Ciampi est à la fois l’auteur et l’interprète de la chanson ; le commentaire italien dit ceci : « Piero Ciampi (Livourne, 28 septembre 1934 – Rome, 19 janvier 1980) – À l’été 1975, dans les juke-boxes de la plage, on mettait une pièce de monnaie et on écoutait ce simple captivant, récemment sorti, d’un chanteur que personne ne connaissait. Tout le monde ricanait et léchait de la glace. Et nous sommes toujours là pour nous souvenir d’une voix qui a laissé des traces de pas et des cicatrices sur ce beau monde poétique qui est le nôtre. Un être alcoolique et fainéant. Indigne de confiance et souvent insupportable, menteur et vantard. Mais qu’est-ce qu’il avait probablement pressenti longtemps à l’avance… »

C’est dommage qu’il soit parti si vite cet homme-là, dit Lucien l’âne. Pour en revenir à al chanson, finalement, la question est de savoir si ce que se demandait le phoque – celui de « La Complainte du Phoque en Alaska »n’est pas la vraie interrogation :

« Ça ne vaut pas la peine
De laisser ceux
qu’on aime
Pour aller faire tourner
Des ballons sur son nez
. »

Cependant, ils sont tellement nombreux à le faire nos contemporains. En fait, ils sont tous coincés dans la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres afin d’accroître leurs richesses, de multiplier leurs profits, d’étendre leur pouvoir et de renforcer leur domination. Quant à nous, tissons le linceul de ce vieux monde gangrené par le travail, fatigué, épuisé et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.



Aller, marcher, travailler,
Aller l’épée à la main,
Bande de timides, d’inconscients, d’endettés, de désespérés.
Pas de découragement, allons, allons travailler,
Aller, marcher, travailler, du vin contre du pétrole,
Grande victoire, grande victoire, très grande victoire !
Aller, marcher, travailler,
Le sud rugit, le nord ne monte pas,
Pas de panique, la descente est par là,
Aller, marcher, travailler,
Fuyons vite, fuyons vite, fuyons vite !


Aller, marcher, travailler,
Les puissants tous sous clé,
Au chenil, les chiens avec les chiens ;
Les roses avec les roses, au jardin ;
Les chats dans les cours.
Aller, marcher, travailler,
Aller, marcher, travailler,
Allez, travailler !


Et quel est ce feu ?
Pompiers, pompiers, ponctuels, vous qui êtes sérieux,
Éteignez ces incendies dans les couvents, les âmes, les banques.
Aller, marcher, travailler,
Ces coffres-forts, quelle invention infernale, vive la richesse mobile !
Aller, marcher, travailler,
Aller, marcher, travailler,
Travailler, travailler !


Aller, marcher, travailler,
Le passé dans le tiroir fermé à clé,
Le futur dans la loterie pour espérer,
Le présent pour aimer,
Ce n’est pas le moment s’en aller.
Aller, marcher, travailler,
Aller, marcher, travailler,
Allez, travaillez !


Nourrissons le travail, allez ! Menez paître les agneaux
Parmi les hennissements des chevaux,
Tous surveillés par des troupes de bergers,
Aller, marcher, travailler,
Pas de peur, bleus, bleus, attaquer, attaquer, attaquez à coups de pied,
Le dimanche, tout le monde en colline à pédaler.
Travailler, pédaler, travailler,
Avec l’argent au restaurant, avec l’argent,
Avec pour les mariés, des souhaits tant tant tant tant!
Aller, marcher, travailler, la péninsule en auto,
Au mariage, tous en auto !


Allez ! La Péninsule au volant, cette belle péninsule est devenue un volant.
Aller, marcher, travailler,
ALLEZ TRAVAILLER À PIED !