mardi 25 octobre 2016

Citizen of Wallonia ! Et ric et rac !



Citizen of Wallonia ! Et ric et rac !

Filastroque wallonne à l'usage des riches et des puissants d'Europe et du Nouveau Monde.
Marco Valdo M.I. – 2016





Lucien l’âne mon ami, tu te souviens sans doute de cette récente version française d’une chanson de Dario Fo, intitulée « Peuple qui de toujours » et du commentaire où je faisais allusion à la petite ritournelle de révolte wallonne : « Et ric et rac ». Eh bien, aujourd’hui, je vais en faire une chanson pour saluer la résistance qui se dessine face aux impératifs des grands d’Europe et du Nouveau Monde par le biais du refus d’accepter le fait accompli du CETA.

« Et ric et rac ! », c’est formidable, Marco Valdo M.I., car je l’aime bien cette ritournelle. Et puis, c’est bien mieux et moins langoureux que « Ma Cabane au Canada », qui comme tout le monde sait « est blottie au fond des bois, on y voit des écureuils sur le seuil » ; une bluette gentille à faire pleurer Margot. Je dis ça, car les ministres du Canada ont l’habitude d’utiliser les larmes comme arguments et à se lamenter qu’on refuse leurs avances « gentilles » ; ce qui est d’un ridicule et particulièrement offensant pour ceux à qui on fait de telles remontrances perverses. Cette « Cabane au Canada » est comme la ministre : pleine de gentillesse et ignore tout du réel et a tout l’air de s’en foutre du réel des gens d’ici et d’ailleurs. « Gentillesse is Bizenesse ». La dame a dû croire qu’on était à Adélaïde. Tant d’indigence, c’est à en pleurer, en effet.

Certes, Lucien l’âne mon ami. Et si je te rappelle ceci aujourd’hui, c’est que cette évocation d’  «  Et ric et rac » avec notre dialogue à propos de la situation de la Wallonie et de ses réserves indiennes où nous vivons, était en quelque sorte prémonitoire.

C’est d’ailleurs souvent le cas des chansons et de la poésie, rappelle Lucien l’âne. Homère lui-même l’avait relevé au travers de l’histoire de Cassandre.

Et c’est précisément cette canzone de Dario Fo « Peuple qui de toujours » qui m’a fait penser à refaire – comme il le faisait ou Giorgio Strehler, pour en rester aux gens de théâtre de Milan – à parodier des chansons existantes et particulièrement dans le genre de Brecht. Ici, d’une filastroque (de l’italien filastrocca : litanie) du pasteur Niemöller. Connue sous le nom de « Quand ils sont venus… ». Comme tu le sais, ça fait longtemps qu’on répète ici – toi et moi – « Regardez ce qu’ils font aux Grecs, ils vous le feront demain » et qu’on tire le signal d’alarme, qu’on sonne le tocsin européen.

Et voilà-t-il pas que nos députés wallons et francophones – la chose n’arrête pas d’étonner et de ravir et je pense – même de les étonner et de les ravir eux-mêmes – ont résolument pris position contre les grands de ce monde. On a eu beau les menacer des pires représailles, rien à faire. Ils résistent. D’ailleurs, la chose doit étonner plus d’un. Moi, j’imagine bien que le soir à la veillée, ils chantent avec émotion le « Valeureux Liégeois ! » ou se remémorent les 600 Franchimontois !

C’est un peu ça, mais cette fois, il n’est plus question d’histoires anciennes, mais de ce qui se passe « hic et nunc », ici et maintenant ! Un épisode en plein cœur de cette Guerre de Cent Mille Ans que les riches et les puissants font aux pauvres afin d’établir leur domination, de renforcer leur pouvoir, d’étendre leur exploitation, de multiplier leurs bénéfices, de gonfler leurs richesses et de donner libre cours à leur avidité. Alors, Marco Valdo M.I. mon ami, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde multinationalisé, lobbyisé, atlantisé, anglicisé, marchandisé, mercantile, avide et cacochyme

Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.



Citizen of Wallonia !
Et ric et rac,
On va squetter l’baraque !
Citizen of Wallonia !
Et rac et ric,
On va squetter l’boutique !

Quand ils s’en étaient pris aux Ossies,
On n’a rien dit, on n’était pas des Ossies.

Et ric et rac,
On va squetter l’baraque !
Et rac et ric,
On va squetter l’boutique !

Quand ils s’en sont pris aux pauvres d’Allemagne,
On n’a rien dit, on n’était pas des pauvres d’Allemagne.

Citizen of Wallonia !
Et ric et rac,
On va squetter l’baraque !
Citizen of Wallonia !
Et rac et ric,
On va squetter l’boutique !

Quand ils s’en sont pris aux Grecs,
On a laissé faire, on n’est pas Grecs.

Citizen of Wallonia !
Et ric et rac,
On va squetter l’baraque !
Citizen of Wallonia !
Et rac et ric,
On va squetter l’boutique !

Quand ils ont matraqué les Portugais,
On regardait ailleurs, on n’est pas Portugais.

Citizen of Wallonia !
Et ric et rac,
On va squetter l’baraque !
Citizen of Wallonia !
Et rac et ric,
On va squetter l’boutique !

Quand ils s’en sont pris aux Espagnols,
On n’a rien fait, on n’est pas Espagnols !

Quand ils s’en prendront aux Italiens,
On ne dira rien, on n’est pas Italiens.

Citizen of Wallonia !
Et ric et rac,
On va squetter l’baraque !
Citizen of Wallonia !
Et rac et ric,
On va squetter l’boutique !

Maintenant qu’ils s’en prennent aux Wallons,
Si on ne fait rien, demain, on aura l’air con.

Citizen of Wallonia !
Et ric et rac,
On va squetter l’baraque !
Citizen of Wallonia !
Et rac et ric,
On va squetter l’boutique !

Citizen of Wallonia !
Et ric et rac,
On va squetter l’baraque !
Citizen of Wallonia !
Et rac et ric,
On va squetter l’boutique !


jeudi 20 octobre 2016

L’ÉTALON EXPLOITÉ

L’ÉTALON EXPLOITÉ

Version française – L’ÉTALON EXPLOITÉMarco Valdo M.I. – 2016
Chanson italienne – Canzone del cavallo bendatoDario Fo – 1972





Ah, Lucien l’âne mon ami, voici une bien pénible histoire et même sans doute, plus pénible encore pour toi qui es aussi un ongulé. On avait déjà eu l’histoire du cheval pendu  et celle du cheval de corbillard et celle du petit cheval, dont tu souviens certainement. Celle-ci est celle du cheval de monte lequel est forcément un étalon, mais certainement pas un de ces fiers étalons qui hantent les rêves des juments et de certaines jeunes cavalières. Il eût pu le devenir, s’il n’y avait les propriétaires de chevaux, les « maîtres » qui vont le réduire en esclavage et dans son cas, en esclavage sexuel ; le but est de recueillir sa semence pour la vendre aux éleveurs, eux-mêmes propriétaires de juments, qu’ils exploitent pareillement à des fins reproductrices. Il y a derrière tout ça un commerce ignoble, qui est dénoncé par la chanson.

Oh, j’en ai entendu parler et cela s’est fait, même chez les ânes. C’est évidemment assez cette exploitation, ses méthodes et la fin qu’elle réserve à l’animal dont elle a sucé toute l’énergie. Tout ce processus industriel appliqué au vivant est d’une incroyable brutalité et d’un cynisme écœurant et ces pratiques débordent largement l’exploitation des ongulés. Le nœud de l’affaire, c’est la façon dont l’homme considère les autres espèces animales. Il me semble d’ailleurs qu’il l’a fait à l’égard de sa propre espèce et qu’il le fait encore, d’ailleurs : l’esclavage, la prostitution, la colonisation en sont des exemples.

En effet, mais pas seulement et c’est ce que disent les derniers vers de la chanson :

« Nous aussi, nous sommes dans l’enclos ;
Le maître a tant de serviteurs. »

Ce qui est en cause, c’est la relation du maître et de l’esclave, du maître et du serviteur, du propriétaire et du fermier, du patron et de l’employé, etc. à chaque fois, à chacun de ces binômes correspond une relation d’exploitation, laquelle se fonde sur le pouvoir de l’un sur les autres. C’est le moteur essentiel de la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres.

Ainsi, Marco Valdo M.I. mon ami, c’est toujours au même mur qu’on se heurte, celui de la richesse, de l’avidité des hommes, à ce que tu avais appelé « L’autre Côté du Mur ». Apportons notre petite contribution à la démolition de l’autre côté du mur et poursuivons notre tâche en tissant sans répit le linceul de ce vieux monde exploiteur, sans moralité, cynique, avide et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco valdo M.I. et Lucien Lane



Quand un cheval est très fougueux,
Qu’en fait-on ? On l’aveugle et l’enferme.
Puis, on le fait courir tant qu’il peut,
Toujours en rond, en rond sur le sable
Aveuglé, il croit courir en liberté.
Qui sait où il croit courir ?
Qui sait où il croit fuir ?
Mais il est toujours là, enfermé.
Aveuglé, foutu, fourbu.
Des chevaux, il y en a tant en plus,
Le maître en a tellement,
Plus de mille certainement.
Cours, cours, écume, cours à t’estropier,
C’est sur le sable que tu cours,
Pas sur l’herbe ; et tu manges
La merde, pas le foin ; et tu montes
Une belle jument blanche
Mais c’est une jument de planches,
Avec un sac pour garder ta semence,
Que très cher, le maître vendra
Aux éleveurs. Et quand tu te calmeras,
Que tu auras passé l’âge de la monte,
Enfin, tu sortiras de ta prison
Pour un long voyage dans un wagon.

Ta mort sera rapide chez l’abatteur,
Ta viande sera vendue au kilo.
Nous aussi, nous sommes dans l’enclos ;
Le maître a tant de serviteurs.

mardi 18 octobre 2016

La Complainte du P3


La Complainte du P3

Chanson française – La Complainte du P3 – Jean Yanne – 1958





Ah, Marco Valdo M.I., mon ami, une chanson de Jean Yanne. C’est toujours une découverte et aussi, j’en suis sûr une fameuse rigolade qui se prépare.

Si on veut, Lucien l’âne, mon ami. Cependant, si le rire est le propre des chansons de Jean Yanne.

Je pense aussi que le rire est le propre de Jean Yanne lui-même, dit Lucien l’âne de l’air grave de l’académicien.

Tu as parfaitement raison, le rire est le propre de Jean Yanne et par conséquent, le sale de ceux qui le méprisent. Donc, je reprends, dit Marco Valdo M.I., il y a sous cette apparente facilité des chansons et des propos, sous le recours à des formes très populaires – ici, une sorte de java de caboulot, sous un air ouvriériste, il y a un vrai portrait – à gros traits, certes – de la vie sociale quotidienne et connaissant les habitudes du citoyen Yanne, une fameuse critique du milieu ; le tout transbahutant une fameuse joie de vivre. Ici, Jean Yanne s’en pend aux prêtres-ouvriers qui s’incrustaient dans les usines et les organisations syndicales, une forme d’entrisme catholique assez pervers. C’est pour mieux te reconvertir mon enfant !

Oh, dit Lucien l’âne, on ne dirait pas comme ça, à première vue. Évidemment quand on y songe, on se demande ce que des prêtres viendraient faire dans les usines. La même question se pose d’ailleurs pour les aumôniers aux armées.

Quand même, Lucien l’âne mon ami, quand on creuse un peu. Le P.3. qui chante sa complainte : a comme amie la sœur d’un prêtre-ouvrier et à force de chauffer sa gamelle dans son petit bain-marie lui fait un enfant, le tout sans se marier du moins avant que vienne « Irénée le divin enfant » – repris d’un chant de Noël où le calembour couvre d’ironie ce « divin enfant », entouré de l’âne et du bœuf. 
À l’oreille et à l’orgue, on goûte mieux encore la sauce d’acide ecclésiastique dont il enrobe sa chanson, toute ciselée d’Ave Maria.

Tu m’en diras tant que je brûle comme l’encens de l’entendre, s’exclame Lucien l’âne en agitant ses oreilles comme des fanaux sur les récifs au large des océans.

Mais enfin, Lucien l’âne mon ami, comme Jean Yanne a lui-même présenté cette chanson par une sorte de causerie préliminaire, j’ai pris la peine de retranscrire ce texte pour le mettre ici en guise d’introduction.

Voilà une très belle idée, Marco Valdo M.I. mon ami, car en quelque sorte, ces commentaires introductifs de Jean Yanne font intégralement partie de la chanson elle-même et puis, ainsi les voilà gravés dans la pierre du temps et indissociablement liés à la chanson qu’ils éclairent. Et puis, on leur portera ainsi peut-être toute l’attention qu’ils méritent (religieux). Quant à nous deux, pauvres canuts et moi en particulier qui court tout nu à poils, reprenons notre tâche sempiternelle et digne d’une noria (Ave noria !) et tissons avec méthode et obstination le linceul de ce vieux monde miraculeux, illusionniste, clérical et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Je voudrais vous chanter une chanson qui a pour but de réconcilier le clergé et la masse ouvrière.
Je voudrais réconcilier le clergé et la masse ouvrière, car vraiment, il me paraît tout à fait nécessaire à notre époque de tenter ce rapprochement entre les groupes ethniques opposés qui sont quelquefois séparés pour des raisons physiques tout à fait quelconques comme le fait qu’ils ne sont pas vêtus de la même façon ou qu’ils ne mangent pas la même chose le vendredi.
Et en même temps, comme je parle de masses ouvrières, je voudrais attirer votre attention sur une catégorie d’individus dont on ne fait pas assez le cas à notre époque, ce sont les P3.

Pour ceux d’entre vous qui lisent attentivement les journaux, vous savez ce que sont les P3, car les firmes automobiles en font une énorme consommation. Ce sont les ouvriers professionnels de 3ième catégorie dont on a eu l’occasion de parler de temps à autre lors des remises de décorations, mais qu’on ne choisit jamais comme personnages de roman ou de chanson. Et à mon sens, c’est un tort, car les P3 sont une belle catégorie d’ouvriers et valent largement tout un tas de personnages qu’on a illustrés ces derniers temps en musique.
C’est pourquoi j’ai voulu réparer cette injustice en écrivant tout spécialement La Complainte du P3.

Ainsi Parlait Jean Yanne




Du début jusqu’à la fin de la semaine,
Je suis P3 chez Citroën ;
C’est un bon petit boulot
Avec cantine et avantages sociaux.

Je suis copain avec Nénesse
Qu
i est délégué du syndicat.
À la chaîne des boîtes de vitesses,
Je suis heureux comme un roi.

D’autant plus que le samedi
Et le dimanche aussi :
Avec Maria,
On va danser la java.

Maria, c’est la jouvencelle
Chez qui je vais tous les midis
Pour faire chauffer ma gamelle
Dans son petit bain-marie.


Je l’ai connue l’année dernière
Au bal de la RATP,
Là où travaillait son frère
Comme prêtre-ouvrier.

Et ce soir-là, messieurs-dames,
À la salle Wagram,
Avec Maria,
On a dansé la java.

On s’aime tout comme Adam et
Ève,
On va bientôt se marier.
On attend la prochaine grève,
Pour que je sois augmenté.


Mais comme l’a dit mon contremaître,
Quand on est jeune, faut s
dépêcher.
Ainsi, un enfant va naître
Qu’on appellera Irénée.

Irénée le divin enfant
Et le soir sans

Un mot, autour du berceau,
Avec Maria, on ira danser le tango.

dimanche 16 octobre 2016

PEUPLE QUI DE TOUJOURS

PEUPLE QUI DE TOUJOURS

Version française – PEUPLE QUI DE TOUJOURS – Marco Valdo M.I. – 2016
Chanson italienne — Popolo che da sempreDario Fo – 1971





Du balcon de la Maison du Peuple 






Ah, Lucien l’âne mon ami, un comédien qu’on aime bien vient de mourir. Bien évidemment, comme il est aussi l’auteur de cette chanson, dont je présente une version française, tu sais déjà qu’il s’agit de Dario Fo. Boris Vian disait lui-même : « un mort, c’est complet. On n’est pas complet tant qu’on est pas mort. » Il est mort, le voilà donc complet ; elle termine la vie ; la chose est banale et n’a rien de tragique.

En effet, dit Lucien l’âne d’un air narquois et aux pieds noirs, ce sont des choses qui arrivent dans la vie. Cependant, je le dis tout net à ceux que ça inquiète, qu’ils se rassurent, ça n’arrive qu’une seule fois. Une seule fois, sauf dans de rarissimes cas et encore. On laissera de côté les erreurs de diagnostic où des gens apparemment morts ont soudain réémergé de cette sorte de coma. On laissera pareillement de côté les ressuscités administratifs ou judiciaires, comme Joseph Porcu . Cependant, on raconte dans un livre ou dans un autre que certains seraient morts plusieurs fois ou étant déclarés morts seraient revenus à la vie, comment dire : miraculeusement – mais nul n’en a gardé trace certaine. Ce sont des fariboles. En vérité, Marco Valdo M.I. mon ami, je te le dis, à part nous, petits personnages imaginaires, qui donc peut être éternel et ressusciter ?

Et ressusciter à la demande, de surcroît, précise enthousiaste et joyeux Lucien l’âne ; car moi, par exemple, parfois pendant des siècles on me laisse végéter sur le bord des chemins peu fréquentés et puis soudain, à ta demande, je reprends vie et littéralement, je ressuscite. La seule chose triste dans cette affaire, c’est que Dario Fo, dont je doute fort qu’il ressuscite, n’écrira plus de chansons, ni de pièces et qu’il ne les jouera plus. Encore que, en vérité, dans l’état où il était, il vaut sans doute mieux qu’il ait quitté le monde définitivement. Du point de vue professionnel, en quelque sorte, peut-être aurait-il pu comme Molière et bien des travailleurs, rattrapés par la mort blanche et des militaires par une balle perdue ou un coup de mortier, mourir en pleine action et dans son cas, en scène, dans une dernière parade : théâtralement. Mais, parle-moi maintenant de la canzone.

Eh bien, Lucien l’âne mon ami, cette chanson est – avant la lettre – une chanson qui raconte à sa manière la Guerre de Cent Mille Ans , cette furieuse guérilla que les maîtres mènent contre les gens du peuple aux seules fins de maintenir leur pouvoir, d’accroître leurs richesses, de renforcer leur domination et de tirer plus de profits encore. Et ils y parviennent : l’écart entre les riches et les pauvres s’accroît encore et encore et partout dans le monde. La canzone s’adresse au peuple et lui propose de réfléchir à cet état de choses. Elle dit exactement :

« Cherchons à comprendre,
Ensemble au moins une fois à comprendre
À découvrir le pourquoi
De ce truc-là. »

C’est une excellente idée, Marco Valdo M.I. mon ami, et si je m’en souviens bien, c’était aussi le but de la chanson sur la Guerre de Cent Mille Ans.


Avant de te laisser conclure, je voudrais éclaircir une singularité de ma version française. Comme on peut le voir, le texte de la version française est plus long que l’original. Ce n’est pas que la langue française soit si peu concise, mais c’est que j’ai rajouté – un peu à la manière de Dario Fo – en manière de refrain un petit quatrain, tiré du folklore populaire contemporain de Wallonie.

« Et ric et rac,
On va squetter l’baraque !
Et rac et ric,
On va squetter l’boutique ! »

C’est en fait en soi une chanson complète, disons une antienne, une rengaine que chantent les manifestants en colère, annonçant leur intention de faire de gros dégâts s’ils n’obtiennent pas satisfaction. C’est l’expression pure de la colère populaire ; elle veut dire grosso modo : « On va tout foutre en l’air » ; c’est le feulement du tigre, le grondement du séisme qui monte du centre de la Terre, c’est le chant des Canuts : « on entend déjà la révolte qui gronde ». Ce chant accompagnait les grandes manifestations très dures (il y eut des morts) de l’hiver 1960-1961, quand la Wallonie a failli obtenir son indépendance. Finalement, la manœuvre politique n’a fait que renverser le gouvernement belge… et un autre s’est empressé de prendre sa place ; c’est ce que raconte si bien la chanson. Voilà, nous sommes plus de cinquante ans plus tard et l’affaire n’est toujours pas réglée. Et la Wallonie, très largement minoritaire au nombre d’habitants et donc aux élections, au nombre d’élus – dans toutes les structures nationales, elle souffre d’un sous-investissement systématique, d’une sorte de mépris national et paye toujours plus cher son enfermement dans la Belgique sous domination flamande. Tout cela se traduit par une misère grandissante (qu’on essaye de camoufler), par la disparition massive d’emplois, la dégradation se marque dans les paysages urbain et périurbain, on annonce une pénurie de médecins…Voilà pourquoi dans les manifestations, on entend de plus en plus « Et ric et rac… ». À propos de la chanson de Dario Fo elle-même, on comprendra à ce qui précède qu’elle est tout à fait en syntonisation avec la situation contemporaine de nos régions.

Oh, Marco Valdo M.I. mon ami, ce « Et ric et rac » pourrait bien devenir un cri de ralliement à l’échelle de l’Europe entière. Quand on voit ce qu’ils font aux Grecs et qu’ils essayent d’imposer partout ailleurs sur le continent, sans compter le reste du monde. Européens, regardez ce qu’ils font aux Grecs, ils vous le feront bientôt ! Tu as donc bien fait de rajouter ce petit refrain, il pourra servir. Quant à nous, reprenons notre tâche et tissons, autant que nous pourrons, le linceul de ce vieux monde arnaqueur, exploiteur, rusé, flagorneur, écraseur et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Peuple de toujours au boulot assidu,
Couillonné depuis dix mille ans et plus,
Piétiné, divisé,
Raillé et roulé,
Combien de fois as-tu explosé
Et t’es-tu jeté tête baissée dans la bagarre
Et as-tu foutu en l’air toute la baraque ?

Et ric et rac,
On va squetter l’baraque !
Et rac et ric,
On va squetter l’boutique !

Et combien de fois as-tu coupé
Les têtes bâtardes des maîtres.
Mais le m
aître sans attendre pâques et trinité
Est toujours ressuscité.
Alléluia !
Toujours il est reparu.
Alléluia
 !
Comme avant, encore une fois, oh ! Miracle, il est revenu !
Alléluia
 !
Avec des flagorneries, avec des cabrioles,
Avec des bons mots, avec des crocs en jambe,
Avec des préfets, avec des prêtres !
Alléluia
 !
Avec des réformes, avec des chiquenaudes,
Avec des policiers, avec des juges ,
Comme avant, toujours, est revenu le maître !
Alléluia
 !
Comment y est-il parvenu?
Le truc est archiconnu.
Dans cette histoire,
Cherchons à comprendre,
Ensemble au moins une fois à comprendre
À découvrir le pourquoi
De ce truc-là.

Et ric et rac,
On va squetter l’baraque !
Et rac et ric,
On va squetter l’boutique !



vendredi 14 octobre 2016

Le Sâr Rabindranath Duval

Le Sâr Rabindranath Duval



Pierre Dac et Francis Blanche – 1957 (version 1960)
https://www.youtube.com/watch?v=JXbn_XvPGHE





Lucien l’âne mon ami, en ce jour de gloire où il m’est arrivé de retrouver le texte de ce sketch mémorable entre tous de Pierre Dac et Francis Blanche et de constater qu’on y trouve une des devises les plus antimilitaristes qui soit, je me suis empressé de la présenter dans les Chansons contre la Guerre. Car, vois-tu, le rire est une des manifestations les plus nettes de la joie des hommes et par conséquent, un grand moment de pacifique détente.

Ah, Marco Valdo M.I. mon ami, moi, a priori, je suis toujours enthousiaste à l’idée d’entendre ou de voir ou même de lire les élucubrations de Pierre Dac et Francis Blanche. Ce sont des moments fastueux dans l’existence d’un âne.
Et le Sâr Rabindranath n’échappe pas à la règle. Pour ce qui est de l’insérer dans les chansons contre la Guerre, comme je te le disais, il y a là une phrase qui pourrait servir de devise au site lui-même. Je veux parler de cette réplique de Francis Blanche, qui énonce : « Brahma la Guerre et Vishnou la Paix ».
Tout un programme. J’ai entendu dire que c’était un des grands moments du spectacle comique français. Un de ces numéros qu’on ne se lasse pas d’entendre.

Voici deux mots de ce qu’en dit le grand Wiki : « Le Sâr Rabindranath Duval est un des plus célèbres sketchs comiques créés par Francis Blanche et Pierre Dac. C'est une parodie des numéros de divination, qui met en scène un mage, un fakir quasiment nu, assis en tailleur sur un plateau, lequel repose sur un pied, une sorte de guéridon et son assistant, portant turban et une tenue censée être indienne.
Faux folklore, faux fakir, fausse Inde, faux numéro qui dénonce de vrais escrocs et quand on connaît les duettistes, deux maîtres de l’humour, quand on se souvient des chansons que Pierre Dac écrivait et interprétait contre les nazis et leurs alliés, on imagine que cette parodie doit aussi être vue comme une parabole et qu’elle déborde le petit monde du spectacle pour s’étende à d’autres domaines du monde : la religion, par exemple ; ce « Votre Sérénité » rappelle singulièrement « Votre Sainteté » et toutes les appellations honorifiques dont on affuble les grands de ce monde : éminence, majesté, grandeur et autres rodomontades protocolaires.

Arrêtons-nous là, Marco Valdo M.I. mon ami, si tu veux bien et laissons dire les eux comparses. Quant à nous, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde religieux, protocolaire, conformateur et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane






Mesdames, mesdemoiselles, messieurs,

– J’ai le grand plaisir honorifique de vous présenter ce soir, tout à fait exceptionnellement dans le plus simple appareil, une beauté qu’on vient d’arracher, à on ne sait pas à quoi d’ailleurs ! … de vous présenter le Sâr Rabindranath Duval, qui est le descendant authentique des grands Sârs, des grands visionnaires de l’Inde ! Votre Sérénité…

– Hum ! Hum !

– Vous avez bien dîné déjà ? Bon ! 
– Vous descendez des grands Sârs de l’Inde ?

– Oui.

– Vous êtes né dans l’Inde ?

– Je suis né dans l’Inde.

– À quel endroit de l’Inde ?

– Châteauroux.

– À Châteauroux ! Extraordinaire ! Vraiment ! D’ailleurs, je crois savoir de source sûre que votre père était hindou.

– Hindou, oui.

– Votre grand-père ?

– Hindou.

– Et votre arrière-grand-père ?

– C’était un dur.

– Voilà, donc par conséquent, il a depuis de longues années la pratique de la vision hindoue. Dites–moi, Votre Sérénité, vous avez le don de double vue ?

– Oui, je vois double.

– Il voit double ! Je m’en doutais un peu d’ailleurs ; vous voyez donc, mais c’est héréditaire ?

– Héréditaire !

– C’est atavique.

– Non, c’est à moi !

– Je veux dire, c’est congénital !

– Non, c’est quand j’ai trop bu.

– Il faut dire, je tiens absolument à préciser, que Sa Sérénité fait de grands exercices tous les jours, quotidiennement presque, pour conserver son don de double vue.
Il fait le yoga, n’est-ce pas ?  Vous faites le yoga ?

– Oui, oui.

– C’est le yoga de…

– La Marine !

– Et il surveille également de très près son alimentation.

– Quelle est votre alimentation ? Qu’est–ce que vous prenez pour votre dîner ?

– Uniquement de la cuisine à l’huile.

– La cuisine des Sârs ?

– La cuisine des Sârs, oui !

– Oui, mais pourquoi ?

– Parce que les Sârs dînent à l’huile !

– Les Sârs dînent à l’huile ! Vraiment, ce n’est pas trop tiré par les cheveux du tout parce qu’il n’en a plus ! Alors, si vous permettez, nous allons nous livrer sur quelques personnes de l’assistance publique, à des expériences tout à fait extraordinaires. Votre Sérénité, je vais vous demander de vous concentrer soigneusement…

– Voilà ! Vous êtes concentré ?

– Je suis concentré.

– Il est concentré, comme on dit chez Nestlé… parfait. Votre Sérénité, concentrez–vous bien, vous êtes en transe ?

– Oui, je suis en transe napolitaine.

– En transe napolitaine ? Votre Sérénité, concentrez–vous bien, et dites–moi, je vous prie, quel est le signe zodiacal de monsieur ?

– Monsieur est placé sous le double signe du Lion et du fox à poil dur.

– Oui, dites–moi quel est son caractère ?

– Impulsif, parallèle et simultané.

– Quel est son avenir ?

– Monsieur a son avenir devant lui, mais il l’aura dans le dos, chaque fois qu’il fera demi-tour.

– Il est vraiment extraordinaire ! Voulez–vous me dire, à présent, quel est le signe zodiacal de mademoiselle ?

– Mademoiselle est placée sous le triple signe bénéfique de la Vierge, du Taureau et du Sagittaire avant de s’en servir.

– Ah ! C’est ça. Il a raison ! Il a mis dans le mille, n’est-ce pas ? Il a mis dans le mille, comme disait Jean-Jacques Rousseau. Votre Sérénité, au lieu de vous marrer comme une baleine…
Excusez–nous, Sa Sérénité est en proie aux divinités contraires de l’Inde : Brahma et Vishnou. Brahma la guerre et Vishnou la paix. Voulez–vous me dire, s’il vous plaît, Votre Sérénité, quel est l’avenir de mademoiselle ?

– L’avenir de mademoiselle est conjugal et prolifique.

– Ah ! Prolifique ?

– Oui.

– Qu’est–ce que ça veut dire ? Elle aura des enfants ?

– Oui.

– Des enfants ?

– Des jumelles.

– Des jumelles !!! Combien ?

– Une paire avec la courroie et l’étui !

– Voulez–vous, à présent, je vous prie, me dire quel est le signe zodiacal de monsieur ?

– Ce monsieur est placé sous le signe de Neptune, Mercure au chrome.

– Quels sont ses goûts ?

– Monsieur a des goûts sportifs.

– Son sport préféré ?

– Le sport cycliste.

– Bien. Qu’il peut pratiquer sans inconvénient ?

– Oui, mais à condition toutefois de se méfier.

– Se méfier. De qui ? De quoi ?

– De certaines personnes de son entourage qui prétendent que sa compétence dans le domaine de la pédale exerce une fâcheuse influence sur son comportement sentimental.

– Ah ! Encore une fois vous avez mis dans le mille. Mais, dites–moi, qu’est–ce que vous lui conseillez municipal ?

– Je lui conseille vivement de changer de braquet et de surveiller son guidon.

– Votre Sérénité, tout à fait autre chose à présent. Pouvez–vous me dire quel est le sexe de monsieur ?

– Masculin.

– Oui. Vous êtes certain ?

– Oui. Vous pouvez vérifier.

– Non, non, on vous croit sur parole ! Et dites–moi, quelle est sa taille ?

– Un mètre soixante-seize : debout, un mètre cinquante-six : assis, zéro mètre
quatre-vingt-trois : roulé en boule.

– Et dites–moi, il pèse combien ?

– Oh… deux fois par mois !

– Non, non ! Excusez le Sâr, il ne comprend pas bien le français. Je vous demande quel est son poids : p.o.i.x. ?

– Soixante-douze kilos cinq cents ! Sans eau, sans gaz et sans électricité.

– Oui, dites–moi quel est le degré d’instruction de monsieur ?

– Secondaire.

– Oui. Est–ce que monsieur a des diplômes ?

– Oui, monsieur est licencié GL.

– Licencié GL ? Qu’est–ce que ça veut dire ?

– Ça veut dire qu’il travaillait aux Galeries Lafayette et qu’on l’a foutu à la porte.

– S’il vous plaît, Votre Sérénité, concentrez-vous bien, combien monsieur a-t-il de dents ?

– Trente dedans et deux dehors !

– Voilà très bien ! Monsieur a-t-il des complexes ?

– Oui ! Monsieur fait un complexe… À certains moments, il prend sa vessie pour une lanterne.

– Et alors ?

– Et alors, il se brûle !

– Dites-moi, Votre Sérénité, nom d’un petit bonhomme, dites-moi de quelle nationalité est madame ?

– Française.

– Oui. Et son père ?

– Esquimau !

– Et sa mère ?

– Pochette surprise !

– Très bien !… Et ta sœur ?

– Ma sœur, elle bat le beurre et quand elle battra (la merde, tu lécheras le bâton) …

– Bon, bon, oui, ça va ! – Escroc, voleur !

– Espèce de mal élevé, mauvaise éducation, excusez-le. Il n’y a pas longtemps… Il en a une touche là-dessus. Tiens, encore il y a trois ans, il n’avait même pas un plateau, il avait directement le pied de la table… Mais enfin, ça, c’est autre chose… Votre Sérénité, pouvez-vous me dire, s’il vous plaît … ?

– Oui !

– Euh !

– Quoi ?

– Qu’est-ce que vous pouvez me dire ?

– Je peux vous dire que vous ne savez plus votre texte…

– Si vous étiez intelligent, dites-moi donc ce que je dois vous demander à présent ? Votre Sérénité, pouvez-vous me dire, c’est très important, concentrez-vous, pouvez-vous me dire quel est le numéro du compte en banque de monsieur ?

– Oui.

– Vous pouvez le dire ?

– Oui ! !

– Vous pouvez le dire ?

– Oui ! ! !

– Il peut le dire ! ! ! Bravo ! Il est extraordinaire, il est vraiment sensationnel. Votre Sérénité, quelle est la nature du sous-vêtement de monsieur ?

– Monsieur porte un slip.

– Oui. De quelle teinte ?

– Saumon fumé.

– Tiens, tiens, en quoi est–il ?

– En chachlik mercerisé.

– Ah ! Il a un signe particulier ?

– Oui. Il y a quelque chose écrit dessus.

– Quoi donc ?

– Suivez la flèche.

– C’est merveilleux. Tout à fait extraordinaire ! ! ! Votre Sérénité, monsieur que voici, que voilà, a-t-il un signe particulier ?

– Oui, un tatouage.

– Ah ! Un tatouvage ! Très intéressant ! C’est bien exact ? Je ne le lui fais pas dire ! C’est bien exact ! Et où se trouve situé le tatouvage de monsieur ?

– Je suis extrêmement fatigué, je m’excuse…

– Allons, allons, voyons… Monsieur Schumacher !

– … C’est très délicat et je suis fatigué.

– Il est dans un état épouvantable, excusez-le. Votre Sérénité, je vous demande où se trouve situé le tatouvage de monsieur ?

– Le tatouage de monsieur est situé à un endroit que l’honnêteté et la décence m’interdisent de préciser davantage.

– Qu’entendez-vous par là ?

– Par là, je n’entends pas grand–chose.

– Je vous prie de vous concentrer davantage, espèce de malotrou ! Alors, que représente le tatouvage de monsieur, s’il vous plaît ?

– Bon ! Le tatouage de monsieur représente… Enfin lorsque monsieur est en de bonnes dispositions, le tatouage représente : d’un côté, la cueillette des olives en Basse-Provence, et de l’autre, un épisode de la prise de la Smalah d’Abd-El-Kader par les troupes du duc d’Aumale en mil huit cent quarante-trois.

– Ah ! Parfait ! Et de plus ?

– Et c’est en couleurs !

– Et c’est en couleurs ! Bravo ! Mes félicitations, monsieur ! Vraiment, si, si, vraiment très bien ; mes compliments, madame ! Madame a de la lecture pour les longues soirées d’hiver, c’est parfait. Votre Sérénité, vraiment, vous avez été extraordinaire, c’est vrai, vraiment, il est vareuse… il est vareuse…

– Quoi ? …

– Non, il est unique, pardon, je me suis trompé de vêtement, mais ça ne fait rien. Il ne me reste plus qu’à envoyer des baisers à l’assistance publique. 

Bonsoir Mesdames, bonsoir Mesdemoiselles et bonsoir Messieurs !