dimanche 11 mai 2014

LES PRISONNIERS

LES PRISONNIERS


Version française – LES PRISONNIERS – Marco Valdo M.I. – 2014
Chanson allemande – Die Gefangenen – Theobald Tiger alias Kurt Tucholsky – 1931
Texte Theobald Tiger in Die Weltbühne, 14.04.1931, Nr. 15, S. 534.






Les entends-tu avaler, Dieu du ciel ? 
Ils sont assis sentant le moisi, ils mangent du moisi et
Ils le prennent d'une cuillère en fer dans les gamelles officielles
Pour l'amener à leur bouche privée.








Les entends-tu avaler, Dieu du ciel ?
Ils sont assis sentant le moisi, ils mangent du moisi et
Ils le prennent d'une cuillère en fer dans les gamelles officielles
Pour l'amener à leur bouche privée.
Le corps digère ça,
Mais c'est tout à fait insensé
Ce qu'ils font là.
Les entends-tu avaler, Dieu du ciel ?

Les vois-tu trotter dans la cour, Seigneur ?
On les mène comme des chevaux, afin qu'ils ne meurent pas trop rapidement
Il importe qu'ils soient souffrants,
Il y a une bible dans le tiroir du pasteur.
Il leur lit de temps en temps une phrase ou deux
Croyant qu'il est meilleur qu'eux.
Les vois-tu assis dans ton temple, Seigneur ?

Sens-tu comme ils souffrent ?
La nuit, des rêves troubles les harcèlent ;
Leur libido est en désordre,
Ils voient d'énormes sexes sur pattes
Et les poursuivent
Sens-tu comme ils souffrent ?

Oui, ils ont failli – c'est vrai.
Aucun homme ne peut punir un autre, seulement lui infliger un tourment.
Car la dette et la punition ne viennent jamais au même moment.
Oui, ils ont failli, c'est vrai.

Ils sont assis là et souffrent :   
Car ils ont volé ;      
Car leurs parents ne purent engendrer qu'un corps ravagé ;      
Car ils voulaient une république en Espagne ;
Car ils n'approuvent pas la politique de Staline;   
Car ils n'aiment pas le Duce ;      
Car ils voulaient fonder des syndicats en Amérique…
Ils sont la lie de la terre.
Les justes ne peuvent exister, s'il n'y a les injustes.
Oui, ils ont failli, c'est vrai.
 
Et ainsi, il est ordonné :
Eux, ils ont péché.
D'autres les ont condamnés.
D'autres encore exécutent le jugement.
Qu'ont à faire ensemble tous ces gens ?

Oh Dieu, vois !
Aie pitié, aie pitié des prisonniers !
L'homme qui condamne, n'a aucune pitié.
On doit le tourmenter, encore une fois,
Et même ainsi, rien ne serait encore réglé.
Les entends-tu, les vois-tu, les comprends-tu, les prisonniers ?