TOUT
EST LA FAUTE DES JUIFS
Version
française - TOUT EST LA FAUTE DES JUIFS – Marco Valdo M.I. –
2013
d'après
la version italienne de Riccardo Venturi
Chanson
allemande - An allem sind die Juden schuld - Friedrich
Hollaender – 1931
]
Texte: Friedrich Hollaender
Musique: Georges Bizet (dalla Carmen)
Première interprète: Annemarie Haase
De la revue Spuk in der Villa Stern ("Fantômes à la Villa Stern")
Texte: Friedrich Hollaender
Musique: Georges Bizet (dalla Carmen)
Première interprète: Annemarie Haase
De la revue Spuk in der Villa Stern ("Fantômes à la Villa Stern")
Dans
cette page, nous nous occupons d'une chanson satirique, probablement
une des plus célèbres en langue allemande : An allem sind die Juden
schuld (« TOUT EST LA FAUTE DES JUIFS»). Pas seulement
célèbre, mais aussi réellement particulière sous chaque chacun de
ses aspects ; à commencer par son auteur, Friedrich Hollaender
(1896-1976). Il n'arrive pas souvent que celui qui est connu (et il
l'est resté) pour être un musicien de valeur soit connu pour avoir
écrit le texte d'une chanson dont la musique est reprise en réalité
d'un opéra, dans ce cas-ci, Carmen de Georges Bizet ; mais c'est le
cas précisément de cette chanson, qu'Hollaender inséra dans la
revue musicale Spuk en der Villa Stern (des « Fantômes à la
Villa Stern »), représentée pour la première fois au cabaret
qu'il gérait à Berlin, le Tingel-Tangel-Theater, en septembre 1931
(la chanson fut interprétée pour la première fois par Annemarie
Haase).
Friedrich
Hollaender était né à Londres de parents Juifs allemands, et
appartenait à une famille de musiciens ; mais de musiciens « sui
generis ». Le père, Victor Hollaender, était directeur de
l'orchestre du célèbre cirque Barnum ; l'oncle, Gustav Hollaender,
était par contre directeur du Conservatoire Stern de Berlin. Rentré
en Allemagne à l'âge de trois ans, Friedrich Hollaender devint
lui-même musicien, et il atteint la notoriété internationale en
composant, en 1930, la musique du film L'Ange bleu, avec ses chansons
chantées par Marlène Dietrich. Le film est le symbole de la
République de Weimar, il est interprété par une fière antinazista
et mis en musique par un juif ( à noter que par contre, le
protagoniste masculin ainsi que le premier Oscar de l'histoire, Emil
Jannings, flirta ensuite avec le nazisme). 1930, 1931 : les dernières
années de Weimar, unique et très libre atmosphère de cette
Allemagne qui glissait à grands pas vers le gouffre sur un pas de
danse et dans les fumées des cabarets. Puisque juif, Friedrich
Hollaender vivait dans sa chair cette atmosphère où Hitler
s'apprêtait à prendre le pouvoir avec le but précis de balayer la
« corrompue et infernale » République de Weimar.
L'antisémitisme allemand, du reste, marchait à plein régime, et
l'intérêt historique de cette chanson satirique réside aussi et
surtout dans sa valeur de témoignage d'une période où, en
Allemagne, quand même il était encore permis de s'exprimer
librement pour des Juifs qui voyaient monter la marée irrépressible.
Hollaender
écrivit donc cette chanson en employant une arme particulièrement
haïe par les nazis et tous les antisémites allemands : le ridicule.
Il choisit, en la caricaturant, une musique très célèbre (celle de
Carmen de Bizet, et en particulier son air le plus connu, la
Habanera), en y installant un texte où l'image antisémite du juif,
considéré comme à la base de tout le mal, de tous les
malveillances et malheurs du monde, est mise au pilori par le biais
de toutes sortes d'exagérations et en élevant ainsi à l'absurde
les plus typiques argumentations antisémites. Les antisémites, et
pas seulement les militants nazis, donnaient la « faute aux
Juifs » pour chaque chose, sans donne de raison ou en
justifiant le tout avec des arguments impossibles à prouver jusqu'à
arriver à la simple faute tautologique : « C'est la faute des
Juifs car c'est leur faute ».
Aux
débuts des années 1930, du reste, dans ses revues musicales,
Hollaender y allait assez fort ; dans la même revue satirique
« Fantômes à la Villa Stern », dont cette chanson fait
partie, il fait dire par exemple au Fantôme, à l'instant de son
apparition : « Houhou ! Tutu ! Je suis un petit Hitler et je
mords sans préavis ! Je vous mettrai tous dans ce damné sac !
Houhou ! Hihi ! Haha ! Wawa ! » Au Baron de Münchhausen, qui
paraît aussi parmi les personnages, Hollaender fait dire :
« Mensonges ! Mensonges ! Mensonges ! Mensonges ! Mensonges !
Tout ce que l'homme a vu, ce sont des mensonges ; cependant il les
raconte tellement bien ! , et ainsi de suite. La chanson comporte des
strophes contenant toutes les principales accusations contre les
« Juifs », coupables, par exemple, de toutes les
catastrophes mondiales (la guerre mondiale, la révolution russe de
1917 et les crises économiques de l'après-guerre). De ces
accusations, qui étaient formulées authentiquement et
quotidiennement, on passe à celles-là totalement des ridicules qui
forment, inutile le dire, la vraie force ravageuse de la chanson. Est
faute des Juifs, par exemple, que Greta Garbo ait une dent cariée,
ou bien que la neige soit Que la neige soit terriblement blanche
Et de là, dit-on, froide », ou bien que le feu flambe, que les arbres soient dans le bois ou qu'un oignon ne soit pas une rose. On comprend ainsi que des accusations du genre n'ont pas certes pas moins de fondement que les plus « sérieuses », comme du reste cela se produit de nos jours (« les immigrés volent le travail aux Italiens », « les Gitans enlèvent les enfants », « les Roumains viole les femmes car c'est dans leur culture »). La chanson, donc, est un parfait symbole de la stupidité universelle de masse, principal bouillon de culture de tous les fascismes, les racismes et combien d'autres.
Et de là, dit-on, froide », ou bien que le feu flambe, que les arbres soient dans le bois ou qu'un oignon ne soit pas une rose. On comprend ainsi que des accusations du genre n'ont pas certes pas moins de fondement que les plus « sérieuses », comme du reste cela se produit de nos jours (« les immigrés volent le travail aux Italiens », « les Gitans enlèvent les enfants », « les Roumains viole les femmes car c'est dans leur culture »). La chanson, donc, est un parfait symbole de la stupidité universelle de masse, principal bouillon de culture de tous les fascismes, les racismes et combien d'autres.
La
chanson fait partie de cette douzaine de chansons, publiées entre
1930 et 1936, où est mentionnée l'homosexualité ; dans une des
strophes, elle est donc faute des Juifs si le Prince du Pays de
Galles est un « fenouil » [ NDT : en italien
finocchio – fenouil est un des termes communs pour désigner un
homosexuel : on peut le traduire par tante, tantouse, tapette,
pédé, etc ] : ( j'emploie ici le terme politiquement incorrect
en traduisant à la lettre l'allemand « schwul »).
Hollaender se référait à Édouard VIII d'Angleterre, dont était
connue l'homosexualité dès 1926 lorsque l'avait révélée la revue
allemande Freundschaftblatt (« Revue de l'Amitié »). La
chose à noter est que la revue en question était une revue gay ;
dans l'Allemagne de Weimar, la publication (d'une revue homo) était
libre. Il va de soi que la chanson de Hollaender obtint un succès
sensationnel, et même une sorte d'hymne antinazi au moment où, avec
les élections de 1930, l'insignifiant petit parti de Hitler était
devenu la seconde force du Parlement. L'interprétation fut confiée
à Annemarie Haase, elle aussi d'origine juive, qui, étant donnée
la mélodie, pour la rendre encore plus satirique l'interpréta avec
un accent « espagnol ». Bien qu'à l'évidence, le texte
de Hollaender diverge totalement du livret de Carmen, la relation
entre les deux textes est plus étroite que ce qui semble ; dans
le texte de l'air lyrique, en effet, on affirme que « tout
l'amour provient des gitans », cependant que dans la chanson
tout le mal provient des Juifs.
Selon
le musicologue Dietmar Klenke, la chanson de Hollaender est un
parfait exemple du mécanisme de la soi-disant « projection du
bouc émissaire » ; en parlant de l'effet que fit la satire de
Hollaender, le même Klenke affirme que « les contemporains,
pendant l'époque de Weimar, associaient la mélodie au monde des
gitans avec un texte dans lequel une jeune gitane s'exprime en termes
amoraux sur le thème de la sexualité. En mettant la chanson dans la
bouche d'un nazi, le compositeur le ridiculise aux yeux des
contemporains cultivés. La mélodie non appropriée aide à
considérer les opinions nazies comme immatures et infondées. La
force provocatrice de la chanson peut être encore mieux comprise en
tenant compte du climat de heurts et d'hostilité parmi les diverses
composantes de la population allemande durant la Grande Dépression ».
[RV]
Qu'il
pleuve, qu'il grêle,
Qu'il neige ou qu'il éclaire
Qu'il s'assombrisse, qu'il tonne,
Qu'il gèle ou qu'on sue,
Qu'il fasse beau, qu'il se couvre,
Qu'il dégèle ou qu'il verse,
Qu'il bruine, qu'il ruisselle,
Qu'on tousse, qu'on éternue :
Qu'il neige ou qu'il éclaire
Qu'il s'assombrisse, qu'il tonne,
Qu'il gèle ou qu'on sue,
Qu'il fasse beau, qu'il se couvre,
Qu'il dégèle ou qu'il verse,
Qu'il bruine, qu'il ruisselle,
Qu'on tousse, qu'on éternue :
De
tout cela, les Juifs sont coupables !
Les Juifs de tout sont coupables !
Pourquoi, pourquoi sont-ils coupables ?
Enfant, tu ne peux pas comprendre, ils sont coupables !
Ils sont coupables ! C'est ce qu'on dit !
Les Juifs de tout sont coupables !
Pourquoi, pourquoi sont-ils coupables ?
Enfant, tu ne peux pas comprendre, ils sont coupables !
Ils sont coupables ! C'est ce qu'on dit !
Les
Juifs sont, sont et sont coupables !
Et même si tu ne le crois pas, ils sont coupables,
De tout, de tout les Juifs sont coupables !
C'est ainsi !
Et même si tu ne le crois pas, ils sont coupables,
De tout, de tout les Juifs sont coupables !
C'est ainsi !
Si
le téléphone est occupé,
Si la baignoire coule,
Si tes impôts sont augmentés,
Si ta saucisse goûte le savon,
Si le pain du dimanche n'est pas bon,
Si le prince de Galles est pédé,
Si la nuit les meubles grincent,
Si le chien gronde :
Si la baignoire coule,
Si tes impôts sont augmentés,
Si ta saucisse goûte le savon,
Si le pain du dimanche n'est pas bon,
Si le prince de Galles est pédé,
Si la nuit les meubles grincent,
Si le chien gronde :
De
tout cela, les Juifs sont coupables !
Les Juifs de tout sont coupables !
Pourquoi, pourquoi sont-ils coupables ?
Enfant, tu ne peux pas comprendre, ils sont coupables !
Ils sont coupables ! C'est ce qu'on dit !
Les Juifs de tout sont coupables !
Pourquoi, pourquoi sont-ils coupables ?
Enfant, tu ne peux pas comprendre, ils sont coupables !
Ils sont coupables ! C'est ce qu'on dit !
Les
Juifs sont, sont et sont coupables !
Et même si tu ne le crois pas, ils sont coupables,
De tout, de tout les Juifs sont coupables !
C'est ainsi !
Et même si tu ne le crois pas, ils sont coupables,
De tout, de tout les Juifs sont coupables !
C'est ainsi !
Si
le ministre Dietrich paye tes impôts,
Si la Dietrich de la tête au pied te sourit,
Si l'Okasa se renchérit,
Si une vierge dit : « Moi, je le fais, chéri ! » ,
Si la Dietrich de la tête au pied te sourit,
Si l'Okasa se renchérit,
Si une vierge dit : « Moi, je le fais, chéri ! » ,
Si
les banques sont en crise,
Si la radio radote de vieilles histoires ,
Si la Garbo a une carie,
Si au cinéma, la jeune première pète :
Si la radio radote de vieilles histoires ,
Si la Garbo a une carie,
Si au cinéma, la jeune première pète :
De
tout cela, les Juifs sont coupables !
Les Juifs de tout sont coupables !
Pourquoi, pourquoi sont-ils coupables ?
Enfant, tu ne peux pas comprendre, ils sont coupables !
Ils sont coupables ! C'est ce qu'on dit !
Les Juifs de tout sont coupables !
Pourquoi, pourquoi sont-ils coupables ?
Enfant, tu ne peux pas comprendre, ils sont coupables !
Ils sont coupables ! C'est ce qu'on dit !
Les
Juifs sont, sont et sont coupables !
Et même si tu ne le crois pas, ils sont coupables,
De tout, de tout les Juifs sont coupables !
C'est ainsi !
Et même si tu ne le crois pas, ils sont coupables,
De tout, de tout les Juifs sont coupables !
C'est ainsi !
Que
la neige soit terriblement blanche
Et de là, dit-on, froide,
Qu'en revanche le feu chauffe
Et qu'en forêt, du bois, on fagotte,
Que la rose ne soit pas l’échalote
Et que le cafard cafarde
Que Heine soit plein de santé
Et qu'Einstein soit surdoué :
Et de là, dit-on, froide,
Qu'en revanche le feu chauffe
Et qu'en forêt, du bois, on fagotte,
Que la rose ne soit pas l’échalote
Et que le cafard cafarde
Que Heine soit plein de santé
Et qu'Einstein soit surdoué :
De
tout cela, les Juifs sont coupables !
Les Juifs de tout sont coupables !
Pourquoi, pourquoi sont-ils coupables ?
Enfant, tu ne peux pas comprendre, ils sont coupables !
Ils sont coupables ! C'est ce qu'on dit !
Les Juifs de tout sont coupables !
Pourquoi, pourquoi sont-ils coupables ?
Enfant, tu ne peux pas comprendre, ils sont coupables !
Ils sont coupables ! C'est ce qu'on dit !
Les
Juifs sont, sont et sont coupables !
Et même si tu ne le crois pas, ils sont coupables,
De tout, de tout les Juifs sont coupables !
C'est ainsi !
Et même si tu ne le crois pas, ils sont coupables,
De tout, de tout les Juifs sont coupables !
C'est ainsi !