lundi 19 octobre 2015

ALLAH

ALLAH

Version française – ALLAH – Marco Valdo M.I. – 2015
Chanson italienne – AllahBisca – 1999
Texte de E. Manzo, S. Maglietta
Album : Lo sperma del diavolo (Le Sperme du Diable)


LE FESTIN DES DIEUX
Bernard De Ryckere - 1570


Hé hé, Lucien l'âne mon ami, viens donc voir la chanson que voici, que voilà, que je viens de traduire. Ce n'est pas une chanson très nouvelle, elle date du siècle dernier, mais rien qu'à son titre, on comprend qu'elle a une certaine actualité. Elle s'intitule tout simplement Allah.


Avec un titre comme Allah, en effet, elle peut paraître d’actualité ; on n'entend plus parler que de ça. Mais je te dirai que moi, l'actualité, je m'en contrefiche. L’actualité est cette chose déjà périmée au moment où on en parle. Avec l'actualité, on perd son temps ; il faut courir pour la suivre et si jamais, on la rattrape, elle se dissout. Mon idée est que les choses du monde sont trop importantes et trop complexes pour se soucier de l'actualité. Il est aussi temps de mettre au jour certaine inertie qui introduit la nécessaire lenteur de la vie. Moi, par exemple, je me déplace lentement, mais depuis tant de temps et puis, peu importe la longueur du chemin parcouru, car il reste toujours le chemin du début jusqu'à sa fin. Il forme un tout. Toutes ces histoires d'Allah, Jésus, Bouddha sont tellement sassées et ressassées que leur présent n'a aucun sens. L'horreur d'hier a effacé celle d'avant-hier ; celle d'aujourd'hui avale celle d'hier… Quant à demain et après-demain et après… Panta Rhei.

D'accord, Lucien l'âne mon ami, ce sont là de brillantes réflexions, mais je me demande, si des fois, tu n'aurais pas mangé trop de foin de philosophie… Cependant, tu as raison, cette chanson n'a de valeur en regard de l'actuel qu'en raison-même de son intemporalité. En clair, elle vaut aujourd'hui ce qu'elle valait hier et ce sera pareil demain. Car…


Car ?, dit Lucien l'âne d'un air un peu interdit.


Car, laisse-moi reprendre mon souffle et rassembler mes idées que je viens de laisser filer quand tu m'as interrompu…


Retrouve tes idées et ton souffle, Marco Valdo M.I. mon ami, et dis-moi de quoi elle cause cette chanson et comment.

Je commencerai par le comment. Elle se oint d'huile d'ironie, huile sainte s'il en est. Ainsi ointe, elle enfourche le cheval du héraut et dénonce – l'air de rien – la plus grande escroquerie de tous les temps, à savoir la religion.


La religion ?, dit Lucien l'âne. Mais laquelle ?


Oh, elle ne fait pas trop le détail, car ces religions se valent toutes. Donc, ici, la religion signifie toutes les religions ou n'importe laquelle. Bref, donc, j'ai usé du mot escroquerie, mais j'aurais aussi bien dit : tour de passe-passe, bonneteau, élucubration, vaticination, divagation, entourloupe, embrouille, carambouille, cavalerie céleste, ersatz, contre-façon, micmac. Là, tout n'est que message et mensonge, propagande et prêchi-prêcha. Pour savoir précisément ce qu'en dit cette chanson, il me semble que le mieux est de la lire ou de l'écouter. Je n'en dirai rien de plus que ceci : les faussaires y sont dénoncés et leurs noms sont clairement prononcés : Allah, Jésus, Bouddha, Shiva, Mahomet, Joseph, Abraham… J'ajoute volontiers : et tous les autres.


Je comprends ça, dit Lucien l'âne en hochant le crâne. Je le comprends, car la liste ne peut être close ; elle est longue, pour ne pas dire infinie, la liste des charlatans et des prophètes…


Ainsi pour résumer la chose, c'est une chanson iconoclaste et forcément, athée. Comme ça, tu sais tout.


Va pour la chanson iconoclaste et athée, j'aime ça. Tu as donc bien fait de la mettre en langue française afin, comme on dit dans les jugements, afin que nul n'en ignore et maintenant, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde adepte, inféodé, emprophétisé et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.




Allah est grand, Jésus est maigre
Et Bouddha est si gras que même sa graisse est sacrée
On croit être dans une fête foraine
Avec ses attractions, ses lumières et ses fusées :
« Le Paradis est ici. Venez chez moi ! »
« Peuple élu, viens chez moi ! »
La marchandise exposée est toujours la même :
Paix Éternelle et Justice Universelle.
Mais ensuite on creuse, toujours plus bas, on creuse
Il y a une femme à payer
Puis un jeu un peu brut et vague
Pour, s'il en est besoin, confirmer
Que c'est le mâle, le mâle qui commande.
Shiva, Mahomet, Saint Joseph et Abraham
Chacun avec son style de Dieu fait sa réclame :
« Venez à moi et vous serez bénits.
Si vous suivez mon credo, vous irez au Paradis. »
Allah est grand, mais les Arabes tout petits,
Bouddha est gras et les Hindous très amaigris
Et Jésus-Christ, cet ascète émacié
De l'Occident gras est le symbole incarné !

LE DÉPART DU CROISÉ : LE PREUX ANSELME

LE DÉPART DU CROISÉ : LE PREUX ANSELME

Version française – LE DÉPART DU CROISÉ : LE PREUX ANSELME – Marco Valdo M.I. A – 2009
Chanson italienne – La partenza del Crociato (Il prode Anselmo) – Giovanni Visconti Venosta – 1856



Le Sultan pour le briser
Fit tailler un pieu piquant
Mais Anselme prévoyant
Dans son froc avait mis l'acier.



Grâce à ma génitrice, qui au dernier salon du livre de Turin s'est longuement entretenue avec la splendide Dame Viglongo, propriétaire de la maison d'édition homonyme de Turin depuis 1945, je suis entré en possession de la réédition du « Le Preux Anselme – Le départ du croisé pour la Palestine ». L'édition originale remonte à 1944 sur les presses des Éditions Daniel de Rome, depuis absorbées par la Viglongo et on y trouve des illustrations de Livio Apolloni (1904-1976), célèbre illustrateur et auteur de BD romain actif dans les années 20 et après la seconde guerre et auteur, entre autres, d'une BD de « La Ferme des Animaux » de George Orwell.
Ce petit volume se conclut avec une étude notable de Walter Fochesato, spécialiste de la littérature pour enfants et de l'histoire de l'illustration et coordinateur rédactionnel du mensuel « Andersen. Le monde de l'enfance »; postface dont je tire la plus grande partie de cette introduction.
Alessandro

Giovanni Visconti Venosta (Milano 1831-1906) écrit dans ses « Souvenirs de jeunesse » : … « Sur la fin de cet automne [1856], j'écrivis une farce poétique, à laquelle ne manque pas une certaine notoriété. […] Nous étions près de la rentrée scolaire, et un jour, une bonne dame, qui habitait près de notre maison de Tirano (Valtellina), vint chez moi avec son fils qui était élève au gymnase de Côme , je crois. La mère me dit que son fils était tout mortifié, car il n'avait pas réussi à faire son devoir d'automne, donnés par son professeur. En fait, il l'avait commencé, mais il ne pouvait le terminer. L'enfant pleurait presque, et moi, me laissant attendrir, je m'offris à finir ce foutu devoir. Il s'agissait d'un poème, dont le sujet, choisi parmi ceux en vogue dans les écoles en ces temps-là, était : « Le départ du croisé pour la Palestine ». L'élève avait commencé son poème ainsi :
« Passe un jour, passe un autre
Jamais ne revient notre Anselme
Car il était fort dégourdi
Il alla à la guerre et mit son casque... »
Il s'était arrêté là. En lisant ces vers me passa par al tête une tentation mauvaise, mais irrésistible; je ds à la mère et au fils qu'ils reviennent le jour suivant et que je l'aurais fini ce poème. Je courus à mon bureau, je répétai ces vers en les déclamant et le reste vint de lui-même.
Le jour suivant quand la mère et le fils revinrent, le crime était consommé. J'écoutai sans remords leurs mots de remerciement et je remis la feuille.
Il se passa quelques mois. Tandis que je passai un examen à l'Université de Pavie, je remarquai que les professeurs me regardaient avec une certaine curiosité, parlant à mi-voix entre eux et riant. L'examen fini, l'un d'eux me raccompagna et me dit : « Donc... « Passe un jour, passe l'autre... »... C'est vous l'auteur de la Ballata ? Alors, en retour, je l'interrogeai de mon côté, et je sus qu'il avait eu mon « Croisé » par un de ses amis, professeur à Côme. Peut-être le professeur de ce fameux élève. À partir de ce jour, mon Croisé chemina longuement à mon insu, et je le rencontrai à tout moment, parfois réduit, parfois augmenté, et souvent malmené. »
.



Marco Valdo M.I., qui écrivit plus récemment « La Croisade de Pierre », se réjouit hautement de ce poème aux saveurs moyenâgeuses et racontant – bien avant lui – l'aventure du croisé. Il n'a pas pu s'empêcher, pris d'une « intention mauvaise », de le traduire illico, c'est-à-dire dès après en avoir eu connaissance. Il en abandonna même la lecture d'un roman de Saramago, que par ailleurs, il recommande tout autant à ceux qu'un soir d'été de lecture et la proximité de la mort n'effrayent pas trop. Au fait, le titre de ce roman est en français : « Les intermittences de la mort » et en portugais, langue dans laquelle il fut écrit : « As Intermitências da Morte » et en italien, la chose va de soi, « Le Intermittenze della Morte ».

Qu'on ne s'attende pas au sublime récit, façon Chanson de Roland, ni à certain lyrisme épique... Quoique... Ce lyrisme-là est bien présent, mais il sombre dans le pataquès et joyeusement. Les vers sont chaotiques et boitillants... Par parenthèse, on comprendra que l'helme (helmet, elmo...) n'est autre chose que le heaume ou le casque et ça vous a un de ces airs de chevalerie... ou de feux de Saint Elme, rien de plus fulgurant. On l'aura compris, si le Preux Anselme est ridicule, c'est bien ainsi qu'il convient qu'il soit. L'ironie et la dérision ont tissé leur toile tout au long de cette catastrophique histoire. C'est ce qui d'ailleurs fait son charme, sa réputation et l'a propulsée cent cinquante ans plus tard, ici même.
« Le Preux Anselme » a connu diverses heures de gloire et notamment, durant le ventennio (période où fleurit le goût de la croisade fasciste...) où l'idée de partir combattre au loin titillait certain Rodomont au menton carré et au crâne dégarni. Mais là aussi, malgré toutes les précautions, malgré de sensibles modifications imposées d'en haut , lesquelles modifications et versions sont reprises ici entre [...], le Preux Anselme poursuivit son œuvre de destruction de la forfanterie et de l'appétit de gloriole.

Les successeurs du Rodomont au menton dressé feraient bien de méditer la leçon et éviter toute forme de croisade ou même, de lutte contre l'Infidèle, contre l'étranger, contre ceux venus d'ailleurs.

Gloire donc au Preux Anselme, à ses pompes et à ses œuvres !

Cela dit, suivons les aventures de cet inestimable croisé.

Ainsi Parlait Marco Valdo M.I.


Passe un jour, passe l'autre
Jamais ne revient le Preux Anselme
Car c'était un grand apôtre
Il alla à la guerre et mit son casque...

Il mit son casque sur la tête
Pour ne pas se faire trop mal
Et partit la lance en tête
Á cheval sur un cheval.

Sa belle l'embrassa
Lui donna un baiser et dit : « Va ! »
Autour du cou, elle lui plaça
Un flacon de pastis plat.

[Et sa mère qui l'embrassa
Lui donna un baiser et dit : « Va ! »
Mais ne fais pas le malin
Avec les sous de papa !]

Puis, elle lui donna un anneau doré
Gage sacré de sa foi.
Elle lui mit dans son barda
Jusqu'aux chaussettes pour ses pieds.

Ce fut dès mâtines
Qu'Anselme sortit fier et beau
Pour aller en Palestine
Conquérir le Tombeau.

Il n'alla pas par la voie ferrée
Comme aujourd'hui la machine à vapeur.
En ces temps-là, on ne ferrait
Pas la voie, mais le voyageur.

Sa cravate de fer forgé,
Et son gilet de cuivre doré
Il voyageait, c'est vrai, porté
Mais le cheval allait à pieds.

De ce jour, il ne fit qu'aller
Aller toujours, aller, aller...
Quand au pied d'une chaumière,
Il vit un lac et c'était la mer.

Méfiant... et pensif, il s'arrêta
Sagement il médita
Puis se penchant, et d'un doigt
À bon compte, il l'essaya.

Lorsqu'il fut sur le bâtiment,
Il lui vint le mal de mer
Mais Anselme en un moment
Remit son déjeuner à l'air.

[La Cité de Constantin
En le découvrant trembla.
Elle voulut trinquer au vin
Mais le Coran l'en empêcha]

Le Sultan pour le briser
Fit tailler un pieu piquant
Mais Anselme prévoyant
Dans son froc avait mis l'acier.

Pipes, tapis, croissants
Sabres, yatagans
Odalisques, minarets,
Le Sultan déjà tout emballait.

Quand près de Salamine
Une vilaine soif le tourmenta
Anselme délaissant la marine
Pris son casque et boire s'en alla

Mais le casque le croirez-vous
Tout au fond, avait un trou
Et il mourut de soif en trois jours,
Sans s'en apercevoir, ce balourd.

[N'avait-il pas lu , pauvre cœur,
Le bon docteur Amal ?
Ne savait-il pas que pour l'homme en sueur
L'eau glacée est fatale.]

[Sur la fiasque d'essence
Il mit sa lèvre et fit « glou, glou... »
Sur le champ, il tomba éteint.
Et le Preux Anselme fut !]

Passe un jour, passe l'autre,
Jamais ne revient le guerrier
Car c'était un grand apôtre
Il alla en guerre avec son cimier.

Il mit son cimier sur la tête
Mais le fond, il ne regarda pas
Et ainsi advînt cela

Que jamais il ne revînt de la conquête!

LES MACS DE LA MORALE

LES MACS DE LA MORALE



Version française – LES MACS DE LA MORALE – Marco Valdo M.I. – 2013
Chanson espagnole – Los macarras de la moralJoan Manuel Serrat – 1998







Ô grands moralisateurs, ô prêcheurs immenses, ô Père la Pudeur, Ô Pontifex maximus... Rentrez sous la terre d'où vous n'auriez jamais dû sortir. Retournez aux enfers que vous avez inventés... L'homme est trop bonasse qui vous laisse vivre et qui supporte vos exordes, vos exhortations et vos homélies... Mais nous les ânes, on n'en a cure... On vous connaît trop bien et depuis si longtemps... On vous a vus quand vous dressiez vos bûchers et rôtissiez toute une humanité, on vous a entendus quand vous prêchiez la croisade et quand depuis des temps immémoriaux, vous appeliez aux meurtres... On vous a connus bénissant les bannières, les chevaux et les canons. Vous avez mis vos dieux dans tous les camps... Vous vendiez l'indulgence et le paradis et vous le faites encore... Et vous osez faire la morale aux hommes...Votre suffisance est incommensurable

Ainsi Parlait Lucien Lane



Sans hâte mais sans pause, comme la bruine
Depuis la plus tendre enfance,
Ils te fourguent leur pâtée :
« Si tu ne manges pas ta soupe, tu ne grandiras pas... »,
« Si tu te touches, tu deviendras aveugle... »
Ils te troublent pour la vie en t'instillant la peur,
En pêchant dans le flot louche du péché et de la vertu,
En te faisant passer un chat pour un lièvre par le biais d'un credo
Qui fabrique les pots cassés qu'on te fera payer.

Ils sont la sauce de la farce
La quintessence du mal
La mèche de la suspicion
Le feu de la peur
L'âme de l’inquiétude,
De la méfiance et de l'effroi.
Les barbeaux de la menterie

Les macs de la morale.

Ils annoncent des apocalypses et se vantent d'être les sauveurs
Et si on leur cède, on est perdu sans recours ;
Ils manipulent nos rêves et nos peurs,
Ils savent que la peur n'est jamais innocente.
Tu dois les suivre en aveugle et leur être dévoué
Les croire les yeux fermés et leur donner raison
Car : « Celui qui ne se tient pas tranquille ne sera pas sur la photo... »
« Pour celui qui sort du troupeau,
Il n'y a qu'exil et excommunication. »

Ils sont la sauce de la farce
La quintessence du mal
La mèche de la suspicion
Le feu de la peur
L'âme de l’inquiétude,
De la méfiance et de l'effroi.
Les barbeaux de la menterie

Les macs de la morale.

Sans hâte et sans pause, ces vieillards
Organisent leurs croisades contre l'homme libre
Responsable plus ou moins de tous les maux
Car il pense par lui-même,
Il songe et le raconte.
Si ces gens-là n'étaient pas si terribles, on en rirait.
Si ces gens-là n'étaient pas si mauvais, on en aurait pitié
Car comme les fantômes, sans hâte et sans pause,
Ils ne sont rien si on leur arrache leur drap.

Ils sont la sauce de la farce
La quintessence du mal
La mèche de la suspicion
Le feu de la peur
L'âme de l’inquiétude,
De la méfiance et de l'effroi.
Les barbeaux de la menterie


Les macs de la morale.