jeudi 8 novembre 2018

Sept et Vingt-deux


 
Sept et Vingt-deux


Chanson française – Sept et Vingt-deux – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux –
106
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel –
IV, X)





Dialogue Maïeutique

Décidément, Marco Valdo M.I. mon ami, pour ce qui est d’inventer des titres énigmatiques, tu t’y entends. Moi, par contre, je n’y comprends rien et me voici, contraint à chaque fois, de te demander une explication. Et ce n’est pas différent cette fois-ci avec cette mention chiffrée. 7 et 22, on dirait une date, mais laquelle ? Je connaissais déjà 11/9, 9/11, que sais-je encore ? Mais là, je donne ma langue au chat.

Et tu fais bien, Lucien l’âne mon ami, car ainsi le chat sera content. Trêve de plaisanterie, ces nombres étranges n’indiquent nullement une date. Il s’agit des fameux « Sept », dont parle la Légende, souviens-toi de « Vengeance et Mort »

« Par la guerre et par le feu,
Par la mort et par le glaive,
Cherche les Sept.

Dans la mort et dans le sang,
Dans les ruines et dans les larmes,
Trouve les Sept. »

Ces Sept que Till doit retrouver, mais dont on ne sait jamais si ce sont les bons. On avait déjà rencontré les sept bouchers à la fête chez Stevenine :

« Les Sept sont là,
Sept pour te sauver,
Sept fort bouchers,
Sept amis pour toi. »

Quant aux Vingt-deux, ce sont 22 assabres d’une escadre venue d’Espagne qui tente d’atteindre Anvers pour y porter vivres, armes et surtout l’or pour payer les armées du Duc de fer. Il est donc de la plus haute importance de s’en emparer et d’empêcher aux Espagnols l’accès par mer. Ce blocus finira par porter ses fruits.

Mais dis-moi, Marco Valdo M.I., que sont ces assabres tout aussi mystérieux ?

Lucien l’âne mon ami, tu as parfaitement raison de poser cette question, car en effet, c’est un terme assez sibyllin dont on ne trouve pas trace dans les dictionnaires usuels. Avec un peu de patience, on finit par trouver qu’il s’agit du nom donné à un petit bateau caboteur, usité par les Espagnols. La chanson raconte la capture et la destruction par les Gueux d’une escadre de 22 assabres dans la rade de Middelbourg jusque sous les tirs de canons des forts. Et ensuite, cette guerre continue s’alimentant d’elle-même continûment ainsi que le font toutes les guerres jusqu’à épuisement d’au moins un des adversaires.

Ainsi va le monde et personnellement, je ne sais s’il en ira un jour autrement, ni quand. L’essentiel cependant, conclut Lucien l’âne, c’est de vivre avec persévérance les bonheurs du jour ; jour après jour, tant qu’il y en a, comme ils viennent et tels qu’ils se présentent. Pour le reste, tissons le linceul de ce vieux monde plein de bruits et de furie, horrifiant où un ruffian coiffé d’une casquette rouge brait des éructations insensées, et cacochyme.


Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane


Nelle et Till conversent sur le pont ;
L’orage gronde au fond de la nuit.
« Nous sommes des renards qu’affole
L’arrivée de la volaille espagnole :

Vingt-deux assabres, piqués des lueurs
De lanternes, leurs insignes de malheur.
Tous feux éteints, nous attendons,
Dit Till, le passage du convoi ennemi. »

Et répond Nelle : « La nuit d’ici
Est une nuit de sorcières
Au ciel noir comme bouche d’enfer
Où les mouettes poussent de grands cris.

Till, mon aimé, prenons la poudre,
Allons dans le monde des esprits.
Peut-être, y verra-t-on les sept réunis. »
Alors, fermant les yeux, ils voient la foudre.

Et la mer démontée se rit du ciel lointain
Où sont les sept, les sept étoiles.
Arrive un navire de fer à l’immense voile,
Il déchire l’eau et la mer geint.

À l’arrière, trône madame la Mort.
Ricassante, de la gauche, elle serre fort
Sa faux et de la droite, elle dégage
Un fouet et frappe tout son équipage.

Partout, les victimes hurlent : « Pitié ! ».
Sur terre, flambent villages et villes.
Les noirs cavaliers tuent, volent, violent ;
Enfin, épuisés, ils s’asseyent et jouent aux dés.

Les lanternes des assabres font de rouges étoiles
« L’Espagnol vogue sur Flessingue. Alarme ! »
Les Gueux de mer exultent : « Aux armes !
Pour le Prince de Liberté, en chasse à pleine toile ! »

Tous à courre : La Johannah, le Cygne, le Gueux,
L’Anne-Mie, l’Egmont, le Guillaume-le-Taiseux,
Sous le vent, l’escadre fuit vers le port ;
Les flibots la poursuivent sous le feu des forts.

Les canons des murs tirent et tirent encore ;
Les Gueux vident les assabres et s’emparent
De l’or, de blé, de balles, d’artillerie et de poudre
Et dans la rade, abandonnent les carcasses noires.