VIVE L’ITALIE !
Version
française – VIVE L’ITALIE ! – Marco Valdo M.I. – 2017
Chanson
italienne – W
l’Italia – La
Famiglia Rossi – 2010
Salut
à toi, Marco Valdo M.I. mon ami.
Salut
à toi, Lucien l’âne mon ami. Te voilà bien Rome antique dans ton
propos.
Romantique ?
Moi, un âne, romantique ? Où as-tu été chercher cette idée ?
Mais enfin, Marco Valdo M.I. mon ami, que veux-tu dire par
romantique ? D’autant que j’aurais plutôt tendance à me
considérer comme un Grec antique.
C’est,
vois-tu Lucien l’âne mon ami, à cause de la chanson et de ce
qu’elle raconte. Car, comme tu vas pouvoir t’en assurer, elle
parle d’une Italie décadente assez contemporaine qui, à bien des
égards, me fait penser à la Rome antique quand elle était sur le
déclin et en disant cela, je m’aperçois que cette comparaison est
très fertile car, elle ouvre d’étonnants horizons à la
réflexion. Par exemple, elle donne immédiatement une idée d’une
certaine dimension temporelle, celle de l’évolution des sociétés
humaines. C’est une dimension qui s’apparente aux marées
longues ; ses amplitudes sont assez indifférentes aux
événements qui captivent tant les médias ; la marée ignore
superbement le paquebot qui coule, alors que le commentateur ne voit
que le navire en train de sombrer. Je m’explique : quand on
regarde la mer depuis une plage, on voit jusqu’à l’horizon –
cependant, il faut comprendre immédiatement qu’on ne voit que
jusqu’à l’horizon, même si un océan de plusieurs milliers de
kilomètres se prolonge au-delà.
Oh,
dit Lucien l’âne, ça me rappelle l’histoire de ces émigrés en
route pour la Terre promise : « Dis papa, c’est loin
l’Amérique ? Tais-toi et nage ! ».
En
effet, il convient de nager, dit Marco Valdo M.I., mais je reprends.
On ne voit que jusqu’à l’horizon, ce qui est une première
limitation et la marée ne se voit qu’à peine et de près, sur la
plage : elle avance, elle recule et là déjà, pour constater
ce double mouvement, il faut du temps ; d’autant que cette
progression-régression se superpose au mouvement similaire de la
vaguelette qui vient lécher le pied de l’observateur, laquelle
retient l’attention du baigneur. Donc, de près sur la plage, on ne
voit que la dernière vague qui vient se casser et s’éteindre
devant nous avant de refluer et c’est elle qu’on regarde.
Pourtant, pour continuer la métaphore, la marée qu’on ne voit pas
et qu’on ne peut pas voir conditionne le destin de la vague et même
celui de la plage – en supposant qu’on en reste à une mer calme.
Telle est l’idée : celle du temps long qui est celui des
choses qu’on ne voit pas. Si maintenant, on applique cette
réflexion au monde des humains, on peut constater qu’on a
généralement tendance à ignorer ces processus quadridimensionnels,
tant on a le nez collé sur les événements sans jamais – ou
presque – les replacer dans le flux ou la marée de l’histoire.
Il est vrai que certains – agissant de pareille façon – ont même
été jusqu’à imaginer, je dirais plus exactement, fantasmer la
fin de l’histoire. Comme si tant qu’il y aura des hommes,
l’histoire pouvait s’interrompre et finir. C’est une aimable
absurdité de théoricien événementiel. Ce n’est pas parce qu’on
ferme les yeux ou qu’on met – telle une autruche, du moins si
l’on en croit l’Histoire naturelle de Pline l’ancien – la
tête dans le sable pour ne pas voir les choses, que les choses
n’existent pas, que les effets du temps s’effacent et qu’il ne
continue pas imperturbablement son parcours, fût-il erratique.
Et
la Rome antique dans tout ça ?, Marco Valdo M.I., que
vient-elle faire dans ton raisonnement ?
En
premier lieu, Lucien l’âne mon ami, elle vient donner un cadre de
réflexion dans lequel on peut situer des événements contemporains
qui, cahin-caha, grosso modo, s’entrechoquent et se bousculent
comme ceux qui mirent progressivement fin à l’Empire romain, après
avoir liquidé la royauté, puis la République. Mais pour ma
réflexion, peu importe le type d’organisation du pouvoir en place
ou les détails de son fonctionnement ; ce qui compte c’est le
comportement quasiment organique du corps de cet être complexe et
collectif qui mourut sous le costume de l’Empire. L’affaire avait
duré, je te le rappelle des centaines d’années et à divers
moments du processus, certains auraient, là encore, pu proclamer la
fin de l’Histoire, sans pour autant en interrompre le parcours.
Encore une fois, peu importe l’agitation ou le calme du moment,
l’Histoire continue son erre. Voilà pour la Rome antique ; de
plus, comme tu ne l’ignores pas, l’actuelle Italie est considérée
comme ce qui géographiquement correspondrait à cette Rome antique.
Oui,
je le sais, dit Lucien l’âne. C’est même parfois assez toxique
comme idée, et elle recèle même des effets de nostalgies
perverses.
Mais
revenons à la canzone qui traite, comme je te l’ai dit, Lucien
l’âne mon ami, d’une Italie plus contemporaine. Avant d’aller
plus loin, je voudrais la rapprocher d’une autre chanson, tout
aussi italienne et qui porte d’ailleurs le même titre. En effet,
on
ne peut s’empêcher de penser à Viva
l’Italia
– Vive
l’Italie que chantait Francesco De Gregori ; c’était peu
avant 1980 ; celle-ci,
dont je viens de faire la version française, date de 2010 : il
y a donc
30
ans entre
les deux, mais c’est le même chant amer. Je
suis d’ailleurs
absolument
persuadé que
la plus récente
renvoie très directement à
son aînée et
que la lecture parallèle des deux canzones le montre plus d’une
fois. Ce qui expliquerait la façon dont le titre est présenté « W
l’Italia », qui
est une autre manière d’écrire
« Viva l’Italia » : c’est la même chose et
c’est tout autre chose et malgré tout, oblige à se poser la
question : L’Italie ? Dans le fond, pourquoi pas ?
Pourquoi ne
pas
dire
ses dérives et ses déchéances et sa soumission au pouvoir et aux
pouvoirs des mages et des maîtres-chanteurs de la nation
catholique ? Ici,
dans cette version la plus récente, l’Italie est assimilée à un
bateau qui va tout droit sur les récifs pendant que l’orchestre du
bord s’échine à la fanfare et que le commandant fait la roue
devant les passagères, tout pétri de la certitude de son
insubmersibilité et de
celle de son mastodonte. « Dites, commandant, c’est un
croiseur ou un sous-marin, votre navire ? Un croiseur,
évidemment ! Alors on coule. »
Moi,
dit Lucien l’âne, cette histoire de navire me fait penser au
titanic, au Concordia et à certain homme politique italien qui
chantait des bluettes dans les croisières pour vieilles dames sur le
retour, qui se targuait du titre de Cavaliere et comme homme
d’affaires fut un pionnier de la déliquescence démocratique. À
ce dernier titre, il a ouvert la voie à bien des personnages en vue
de nos jours. Donc,
Marco Valdo M.I., on parlait de l’Italie.
Justement !,
Lucien l’âne mon ami. Justement ! Maintenant, si tu veux bien
conclure, car telle est ta mission.
Conclure ?
Tu en as de bonnes, Marco Valdo M.I. mon ami. C’est un peu tôt,
car je voudrais en quelque sorte introduire la conclusion par une
chanson qui me semble appropriée et qui me permettra de rendre un
hommage appuyé à un groupe musical allemand Comedian
harmonists qui
est à l’origine d’une forme musicale qui a perduré
jusqu’aujourd’hui, au travers d’ensemble d’hommes chantants,
avec parfois l’une ou l’autre dame : Ray Ventura, Frères
Jacques, Quatre Barbus, I Gufi, Quartetto Cetra, Chansons plus
bifluorée… Le succès de
ces Comédiens harmonistes (en
réalité, Comedians
harmonists)
fut interrompu dès 1934 et
le groupe dissout en 1935 ;
il y avait des Juifs dans le groupe et
puis, ils opposaient la légèreté du propos aux discours en forme
de panzers qui envahissaient l’horizon. Faire
du léger quand les temps sont lourds est une forme de résistance
assez subtile, mais dangereuse. J’ai
pensé à eux, car ils avaient créé une chanson qui pourrait être
le chœur
de cette Italie qui court tout droit sur les rochers. Ils
chantaent en plusieurs langues :
en allemand : Das
Ist Die Liebe Der Matrosen, en
français : C’est
nous les gars de la marine et une version anglaise : The
Way With Every Sailor. Compte tenu de l’époque et de certain
pendant nationaliste local, c’était en soi déjà une réponse à
l’imbécillité ambiante. Un
film
raconte leur aventure : Conclure,
enfin, voici : l’Italie n’en finit pas de sombrer, comme le
fait toute la frange méditerranéenne de l’Europe. Pour
le reste, je suis un âne et je ne suis pas devin. Je te propose dès
lors de reprendre notre tâche et de tisser le linceul de ce vieux
monde plein d’hommes d’affaires, affairistes, arrogants, avides,
arides, ambitieux et cacochymes.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I et Lucien Lane
Fascinés
par le
fracas des musiciens.
Vive
l’Italie de grattez et gagnez ;
Si vous perdez, recommencez !
Vive l’Italie des chevaliers,
Des lèche-culs, des putassiers !
Si vous perdez, recommencez !
Vive l’Italie des chevaliers,
Des lèche-culs, des putassiers !
Vive
l’Italie des fraudeurs
Accueillis comme des bienfaiteurs !
Vive l’Italie des moutons
Qui se prennent pour des lions !
Accueillis comme des bienfaiteurs !
Vive l’Italie des moutons
Qui se prennent pour des lions !
Et
vive l’Italie des moralistes
Où les salopes sont ministres
Et inventent des lois d’airain
Pour qu’on arrête les putains.
Où les salopes sont ministres
Et inventent des lois d’airain
Pour qu’on arrête les putains.
Vive
vive
l’Italie à la
dérive !
Vive vive tant qu’il y a des vivres !
Vive vive l’Italie à la dérive !
Vive l’Italie, c’est un spectacle grandiose !
Vive vive tant qu’il y a des vivres !
Vive vive l’Italie à la dérive !
Vive l’Italie, c’est un spectacle grandiose !
Vive
l’Italie du piduiste,
Du chef mafieux en tête de liste !
Vive l’Italie de la famille
Du mange-mange, du pique-pique !
Du chef mafieux en tête de liste !
Vive l’Italie de la famille
Du mange-mange, du pique-pique !
Vive
l’Italie de l’information
Toujours à la laisse de son patron
Qui nous endort et nous réconforte
En vendant des mensonges de porte à porte.
Toujours à la laisse de son patron
Qui nous endort et nous réconforte
En vendant des mensonges de porte à porte.
Vive
l’Italie du bon droit,
Du bon pasteur et du vieux cabot !
S’il y a un problème, on fera une loi
Qui sauvera le porc qui baise le troupeau !
Du bon pasteur et du vieux cabot !
S’il y a un problème, on fera une loi
Qui sauvera le porc qui baise le troupeau !
Vive
vive l’Italie
à la dérive !
Vive vive tant qu’il y a des vivres !
Vive vive l’Italie à la dérive !
Vive l’Italie, c’est un spectacle grandiose !
Vive vive tant qu’il y a des vivres !
Vive vive l’Italie à la dérive !
Vive l’Italie, c’est un spectacle grandiose !