Les
Pieds nus
Chanson
française – Les Pieds nus – Marco Valdo M.I. – 2020
ARLEQUIN
AMOUREUX – 57
Opéra-récit
historique en multiples épisodes, tiré du roman de Jiří Šotola
« Kuře na Rožni » publié en langue allemande, sous le
titre « VAGANTEN, PUPPEN UND SOLDATEN » – Verlag C.J.
Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1972 et particulièrement de
l’édition française de « LES JAMBES C’EST FAIT POUR
CAVALER », traduction de Marcel Aymonin, publiée chez
Flammarion à Paris en 1979.
Dialogue
Maïeutique
« Les
Pieds nus », demande Lucien l’âne, que peut bien pouvoir
dire ce titre ?
Je
te promets une réponse assez complète, dit Marco Valdo M.I., et pur
cal, il me faut resituer cette chanson et t’annoncer que c’est la
dernière de la saga d’Arlequin amoureux. Comme les précédentes,
elle est fortement éprise de poésie et baigne dans une atmosphère
métaphorique. Il le faut, car il s’agit de l’agonie et de la
mort d’Arlecchino, de la dernière désertion du déserteur. Ainsi,
comme tu le devines, elle dit plus qu’elle ne dit ou dit autrement,
l’ensemble des mots de son discours dépasse le cadre apparent que
constitue la simple addition de ceux-ci. Car. Car, lorsqu’on
rapproche les mots selon certaines formes, dans certaines
configurations, il se produit des phénomènes d’interaction qu’on
ne peut anticiper. Les mots, considérés comme des objets inertes et
quelque sorte morts, se mettent à vivre, à converser entre eux et
on voit surgir une physique et une chimie des mots.
Halte-là,
Marco Valdo M.I. mon ami, si je te laisse aller ainsi, tu vas bientôt
faire intervenir d’étranges théories telles l’évolution, la
gravitation ou les quantas.
Dans
le fond, pourquoi pas ?, répond Marco Valdo M.I. en souriant,
mais il faudrait d’abord y réfléchir, car on ne manipule pas les
mots aussi innocemment que ça. Mais soit, j’admets qu’il serait
intéressant d’appliquer une démarche de ce genre au langage et
surtout, aux mots considérés comme des particules, des atomes, des
électrons, des neutrons, que sais-je ; bref, des machins en
interaction. Il faudrait en déceler les forces qui les attirent ou
les éloignent, qui bâtissent certaines affinités entre eux, qui
donnent un sens au mouvement désordonné des paroles. Comme à
l’ordinaire, je n’irai pas plus loin dans cette esquisse, quitte
à y revenir plus tard ou à laisser à d’autres le soin de le
faire. Cela dit, j’en reviens aux pieds nus.
Bonne
idée, dit Lucien l’âne, car j’en suis encore à me demander…
Donc,
pieds nus, Lucien l’âne mon ami, renvoie au fait que tous les
petits personnages du théâtre de bois reviennent auprès du
directeur-déserteur à la fin de la chanson pour, exigent-ils,
terminer le spectacle. Or, tous morts, ils se présentent tous les
pieds nus ainsi qu’Arlecchina-La Tournesse, morte elle aussi, qui
dit à Matthias-Arlecchino-Pollo-Pulcino-Kuře de retirer ses
brodequins afin de partir tous ensemble comme des chats. À pieds
nus, car seuls les vivants ont besoin de chaussures.
Oui,
dit Lucien l’âne, les cadavres ne portent pas de souliers. C’est
bien, l’Arlequin amoureux est maintenant fini ; « Un
mort, c’est complet, c’est terminé. On n’est pas complet, tant
qu’on n’est pas mort », disait Boris Vian. À propos,
dis-moi, de quoi est-il mort l’Arlecchino ?
Pour
ce que j’en sais, répond Marco Valdo M.I., l’Arlecchino est mort
de la mort des autres, de la mort des petits comédiens de bois, de
celle d’Arlecchina, de Barbora et de Lukas. L’Arlecchino meurt
volontairement pour reprendre le vagabondage du déserteur et cet art
théâtral qui font son histoire.
Oui,
dit Lucien l’âne, mais alors, nous, qu’allons-nous devenir,
qu’allons-nous faire, nous ne pouvons, pas plus que lui,
interrompre notre errance. Qu’allons-nous faire comme nouveau
voyage dans l’imaginaire ?
On
y réfléchit d’abord, dit Marco Valdo M.I., on avisera demain.
Alors,
finissons-en et tissons le linceul de ce vieux monde boiteux,
halluciné, égrotant et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Je
veux me pendre pour de bon
Avec
une corde attachée au plafond,
Mais
pas ici, il fait trop glacial.
Je
veux me pendre, point final.
Et
toi, va au diable, vieux bonimenteur !
Donneur
de leçons, joli menteur !
Je
suis Dieu, tu le sais bien.
J’ai
si peu de pouvoir, je ne peux rien.
Oui,
Monsieur
Po,
oui, Monsieur
Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Matthias,
quittons cette ville et vite !
Pour
toi, la campagne est plus sûre.
On
trouvera un fenil vide.
Notre
pomme est mûre.
Pas
ici, pas maintenant, plus tard,
On
réfléchit plus à l’aise dans le noir.
Dans
la grange, couché dans le foin,
Caché
au chaud dans un coin,
Oui,
Monsieur
Po,
oui, Monsieur
Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Eh,
Pollo, dit encore la voix sombre,
Toute
pâle dans son manteau à grelots,
Que
va-t-il nous arriver, Pulcino ?
Arlecchina,
est-ce toi cette ombre ?
Matthias,
les pieds nus, la troupe attend là-bas ;
Pour
finir le spectacle, elle n’attend plus que toi.
Ôte
tes brodequins, danse, c’est l’heure, on y va,
Ensemble
pour toujours, comme de vieux chats.
Oui,
Monsieur
Po,
oui, Monsieur
Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.