LETTRE
DE MAUTHAUSEN
Version
française – LETTRE DE MAUTHAUSEN – Marco Valdo M.I. – 2016
Chanson
italienne – Lettera da Mauthausen – Manuel
Miranda – 2009
Suicide à Mauthausen (194 ?) Et elle s’en va la vie Sombre comme une harpie… |
J’avais raconté, il y a déjà quelques temps, l’histoire de Joseph-Giuseppe Porcu qui finit la guerre au camp de concentration de Dachau en Bavière. Elle était intitulée Dachau-Express. On a croisé – en chansons – des prisonniers, morts ou vivants, de Theresienstadt, Auschwitz, Sachsenhausen, Orianenburg et sans doute, d’autres lieux du genre encore. La méticulosité administrative du régime nazi en distinguait toute une série de sortes : camp de travail, camp de prisonniers, camp de concentration, camp d’extermination, camp de la mort, camp de transit, j’arrête là, on n’entrera pas plus dans les subtilités du genre. Il suffit de savoir que l’horreur avait mille facettes. Cette fois, c’est d’un autre de ces monstrueux complexes qu’il s’agit : Mauthausen en Autriche. Il y a passa des centaines de milliers de prisonniers et des centaines de milliers y moururent. Pas tous cependant, il y eut des survivants. Le décompte exact est impossible ; les bourreaux avaient détruit les archives avant de s’enfuir. C’était un ordre venu d’en haut.
C’est de ce camp que provient la lettre qui est le sujet de la canzone. Je précise tout de suite qu’elle ne peut qu’être imaginaire, même si tout en elle est vraisemblable. C’est une reconstitution par un auteur-interprète contemporain, Manuel Miranda et publiée en 2009.
C’est donc la version française de la Lettre de Mauthausen de Miranda et que dit-elle cette canzone ?, demande Lucien l’âne en balançant la tête. Comme bien tu supposes, il s’agit d’une lettre écrite par un prisonnier du camp de Mauthausen à quelqu’un de l’extérieur. Mais c’est obligatoirement une fiction, car jamais une telle lettre n’aurait pu franchir la barrière de la censure. Et cela d’autant plus qu’elle parle d’une des vilenies les plus secrètement gardées de ces monstrueuses résidences.
De quoi parle-t-elle de si secret, de si étouffé, dès lors qu’elle parle déjà d’un camp de concentration ?, demande Lucien l’âne.
Ce qu’elle évoque de si terrible, c’est le presque, le quasi-indicible, c’est le destin des prisonniers eux-mêmes vu par l’un d’eux ; le destin de ceux qui finissaient là abandonnés au fin fond de l’horreur à se demander « pourquoi ? ». Elle rapporte aussi la révolte de celui-là qui les voit y pourrir sur place et qui est rongé par la colère et la volonté de fuir et de faire fuir les autres. Était-il un de ces prisonniers préposés au marquage des autres, comme on marque les veaux pour l’abattoir ? Était-ce un de ces prisonniers-médecins qui, sans aucun moyen, se devaient d’aider quand même (tel est le sens de leur serment d’Hippocrate) les malades, les blessés, les souffrances ? Je ne sais trop, mais ce qui est sûr, c’est que c’est une canzone qui se doit d’être entendue.
Eh bien, Marco Valdo M.I. mon ami, nous l’entendrons donc ; enfin, on lira attentivement ta version française. Puis, nous reprendrons notre tâche et nous tisserons le linceul de ce vieux monde cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Salut, comment ça va ?
Bientôt, le soleil se lèvera…
que fais-tu là-bas ?
Journal, maison, église, ou quoi… ?
Ici, il fait froid,
Ce n’est pas facile ici…
Chaque jour, on risque sa vie
Et elle s’en va la vie
Sombre comme une harpie…
Au
service d’une brutale impiété,
Je passe mon temps à
Immatriculer des gens que j’aurais aimé…
Que je voudrais voir libres, pourtant,
J’aurais voulu qu’ils fuient
Loin de cette vilenie
Il n’y a plus dans ces camps,
Un gramme de liberté,
Un gramme d’humanité…
Je passe mon temps à
Immatriculer des gens que j’aurais aimé…
Que je voudrais voir libres, pourtant,
J’aurais voulu qu’ils fuient
Loin de cette vilenie
Il n’y a plus dans ces camps,
Un gramme de liberté,
Un gramme d’humanité…
Et je t’écris cette lettre
De Mauthausen, elle t’arrive,
Comme si c’était mon âme,
Comme une voix angélique…
Tu ne sais pas comme
Comme ici l’existence est rude,
Comme la nuit est froide,
Comme l’espérance est brève,
Comme le vide vient vite.
Esclave d’un régime
Aux idées qui ne sont pas les miennes
De folie, de barbaries,
De fours, de gaz, de fusils et ainsi de suite.
Des hommes blessés dans leur cœur
Au plus profond de leur être intérieur,
Des gens qui malheureusement,
Resteront marqués ce moment,
Par un sort secret injustement.
Et je t’écris cette lettre de là.
Qui sait l’effet qu’elle fera ?
Essaye un peu d’imaginer cela
Cette rage qui s’est insinuée en moi…
Des
gens sans patrie
Abandonnés dans un chalet, laissés là
À pourrir inconnus, oubliés
À chercher des réponses infinies
Continuant à se demander : « pourquoi ? »
Moi, je ne resterai pas, non
Muet dans cette horreur, non,
J’aurai le courage, sûrement
De m’enfuir et celui
De sauver ceux qui sont dedans
Seulement par folie…
Abandonnés dans un chalet, laissés là
À pourrir inconnus, oubliés
À chercher des réponses infinies
Continuant à se demander : « pourquoi ? »
Moi, je ne resterai pas, non
Muet dans cette horreur, non,
J’aurai le courage, sûrement
De m’enfuir et celui
De sauver ceux qui sont dedans
Seulement par folie…