vendredi 31 octobre 2014

LE TROUPEAU

LE TROUPEAU

Version française – LE TROUPEAU – Marco Valdo M.I. – 2014
Chanson allemande – Die Herde – Kurt Tucholsky – 1922
alias Theobald Tiger
Die Weltbühne, 31.08.1922, Nr. 35, S. 232.



Sous les Tilleuls
vus de chez
Max Liebermann

Juste deux mots pour rappeler que Kurt Tucholsky est Berlinois et que la principale avenue de Berlin, un boulevard qui traverse la ville est précisément Unter den Linden – Sous les Tilleuls.
Sous les Tilleuls, outre d'être une belle promenade, a été tout au long de son histoire le lieu de défilés militaires ou para-militaires où venaient s'étaler les pouvoirs et leurs ambitions.




Quand dans l'orage les drapeaux du roi flottent,
Quand devant le château des salves tonnent,
Quand Monsieur Lehmann avec son bâton de maréchal
Devant les troupes se dandine doucement au trot,
Quand l'esprit guerrier commande,
Quand il aiguillonne un prince :
Toujours on chemine, sous le feuillage,
Entre les tilleuls, jeunesse, entre les tilleuls – !

Quand des partis commandent doucement,
Quand nous manifestons pour la liberté,
Quand nous crions : « Plus jamais de guerre ! On n'en veut plus »
(Certains entendent toujours : des revenus ! Des revenus !) ;
Quand les locataires récusent une loi,
Quand les citoyens s'enthousiasment pour la musique :
On trouve beaucoup de plaisir
Du côté des tilleuls, jeunesse, du côté des tilleuls – !


Tandis que les masses pressent en bas,
Est assis en haut, dominant tout le monde,
Un petit nombre, ceux qui manœuvrent
Pour qu'on baisse les bras.
Quand près la Rebbach, on doit toujours se trouver;
Alors : on ne peut pas penser - on ne peut pas être libre !
Quand, ô peuple, cela disparaîtra-t-il de
Sous les tilleuls – ?

mercredi 29 octobre 2014

UNE CHANSON ALLEMANDE

UNE CHANSON ALLEMANDE

Version française – UNE CHANSON ALLEMANDE – Marco Valdo M.I. – 2014
Chanson allemande – Ein Deutsches LiedNichts1982

Je chante une chanson allemande,
Et personne ne l'écoute,
Je chante une chanson allemande




Voici donc une chanson allemande, ein deutsches lied… C'est son titre ; un titre qui pourrait être quelconque, un titre qui pourrait être banal, un titre qui a l'air de parler d'une chanson sans trop insister. Cependant, il n'en est rien. Il te souviendra, Lucien l'âne mon ami, de ces autres chansons de Kurt Tucholsky et de Bertolt Brecht qui portaient (à peu près) le même titre ; la première date de 1923 et s'intitulait : « Deutsches Lied » [[48348]] et la deuxième : « Deutsches Lied 1937 » [[4725]].

Oui, très bien, dit Lucien l'âne en fronçant les sourcils… Mais encore...

Dès lors, celle-ci, celle de ce groupe Nichts – tout un programme, un groupe qui s'appelle « Rien », qui s'illustra au début des années 1980, s'inscrit directement dans une sorte de tradition ou comme on dit parfois, de fil rouge. Et c'est bien de ça qu'il s'agit. Une chanson qui complète les précédentes… Celles-là annonçaient et dénonçaient la déchéance allemande et cette dernière chanson la réaffirme… La confirme en ces termes :

« Être Allemand,
À personne on ne le dit,
Face aux questions, le tourment
La honte de mon pays ».

Elle raconte, cette chanson, comment les gens de l'après-Ratatin, petite moustache maléfique, ont ancré dans leurs plus intimes sentiments et pensées, cette « honte d'être Allemand ». Un demi-siècle après l'arrivée au pouvoir des déments. Et c'est heureux…


Heureusement, en effet, dit Lucien l'âne comme soulagé. Elle me rappelle Paul Nizan tout au début d'Aden Arabie… « J'avais vingt ans et je ne laisserai dire à personne que c'est le plus bel âge de la vie... » Cette chanson est tout aussi déchirante, tout aussi terrible. Quel héritage, quelle hérédité… Encore Paul Nizan dans Aden Arabie… 
J'insiste :
" J'avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c'est le plus bel âge de la vie. Tout menace de ruine un jeune homme : l'amour, les idées, la perte de sa famille, l'entrée parmi les grandes personnes. Il est dur d'apprendre sa partie dans le monde. À quoi ressemblait notre monde ? Il avait l'air du chaos que les Grecs mettaient à l'origine de l'univers dans les nuées de la fabrication. Seulement on croyait y voir le commencement de la fin, de la vraie fin, et non de celle qui est le commencement d'un commencement. "


Peut-être, peut-être, on ne sait jamais, grâce à ces gens-là, à ceux qui ont fait ces chansons, par exemple, à Paul Nizan aussi – car il faut le lire, impérativement ! – on ne doit pas désespérer définitivement de l'espèce humaine. Peut-être, peut-être et c'est sa seule chance, parviendra-t-elle à mettre fin à cette Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres avec une dureté et une insensibilité incroyables, sans souci aucun des conséquences de leurs actes, sans souci des destructions et des mutilations qu'ils engendrent… Bref, des infantiles rongés par leur ambition, par leurs envies, par leurs désirs, par leurs avidités polymorphes… « Moi d'abord ! Et moi seul » au-dessus de tout le monde « über alles in der Welt », telle est leur devise. Et malgré bien des avertissements, bien des appels à la raison, ils ne l'ont pas encore abandonnée… Il suffit de voir ce qui se passe « hic et nunc » en Europe. Le rêve d'Otto continue à les guider volens nolens. Disons une inertie… Mais comment se débarrasser de pareille erre ?



Il suffit de le vouloir, mais de le vouloir vraiment. C'est là, foi d'âne, que le bât blesse… Quant à nous, tissons le linceul de ce vieux monde honteux, emporté par son inertie, incapable de se réformer, de se refaire, de se renouveler et cacochyme.


Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.


Être Allemand,
À personne, on ne le dit,
Face aux questions, le tourment
La honte de mon pays

Être fier m'est interdit
Je suis né ici,
Pour rien je n'y suis

Je chante une chanson allemande,
Je chante une chanson allemande,
Et personne ne l'écoute,
Je chante une chanson allemande


Je chante une chanson allemande,
Je chante une chanson allemande,
Et personne ne l'écoute,
Je chante une chanson allemande

mardi 28 octobre 2014

CHANT ALLEMAND

CHANT ALLEMAND

Version française – CHANT ALLEMAND – Marco Valdo M.I. – 2014
Chanson allemande – Deutsches Lied – Kurt Tucholsky (alias Theobald Tiger) – 1923

Peine, chagrin allemands. 
Travail sans fin. 
Usure, un État souverain,

Couverture du livre de Kurt Tucholsky
"Deutschland über alles"
(Illustration John Heartfield - Helmut Herzfeld)


Voici, Lucien l'âne mon ami, une chanson intitulée : « Deutsches Lied » ; titre qu'on peut presque indifféremment traduire par Chant allemand ou Chanson allemande. Elle date de 1923, comme tu le vois. Des années plus tard, Bertolt Brecht écrira à son tour une « Chanson allemande », et il prendra bien soin de l'intituler : « Deutsches Lied 1937 ». [[4725]] Et plus récemment encore, j'ai trouvé trace d'une chanson portant ce même titre de « Deutsches Lied » ; mais de celle-là, je t'en reparlerai prochainement plus en détails quand je l'insérerai dans les Chansons contre la Guerre, car elle aussi y a sa place.

On dirait qu'il a du succès ce titre…

Peut-être bien… Quoique on l'utilise en des sens plutôt ironiques ou qu'on le décline sur un ton plutôt acide. Cette fois, sur un fond de bruit de bottes, l'ami de Mademoiselle Ilse [[37875]] fait un état des lieux de l'État républicain et sent venir ce qui va venir ; nous sommes en 1923 et il, alias Theobald Tiger, alias Kurt Tucholsky, décrit (comme le feront d'autres) la montée de la perversion ; ce qu'il n'arrêtera pas de faire jusqu'à sa mort 12 ans plus tard. Déjà à ce moment, le militarisme -
« Caserne ! Caserne !
Soleil, lune, étoiles !
Respect ! Direction ! Chacun son tour !
C'est – ton – tour ! »

gangrène l'Allemagne. Il finira par l'emporter dans le délire et bien au-delà. C'est cela que Kurt Tucholsky pressent, annonce et dénonce.


On devrait toujours écouter les poètes quand ils racontent la réalité et qu'ils en tracent les futurs…


Laisse-moi dire, Lucien l'âne mon ami, que cette Guerre de Cent Mille Ans n'est pas finie et nul ne sait ce qu'il en sera demain. Les ingrédients de la soupe infâme sont toujours là et les apprentis cuisiniers continuent à vouloir nous en préparer et nous en servir de ce triste breuvage. Leur but est toujours le même : accroître la richesse des riches, étendre le pouvoir des puissants, renforcer leurs domination, augmenter leurs privilèges, protéger leurs propriétés, asservir le plus grand nombre et tirer le maximum de l'exploitation des hommes, des animaux, des plantes et de la planète tout entière et demain, de l'espace – ce qui a déjà commencé. Ces infantiles sont incapables de refréner leurs pulsions sordides et de penser plus loin que le bout de leur bout.


Ainsi, Theobald Tiger, alias Kurt Tucholsky, l'ami de Mademoiselle Ilse,
sentait venir la bête immonde, il lançait le cri d'alarme, mais peut-être était-il déjà trop tard… L'inertie de l'histoire entraînait déjà ces millions de gens qui vont nourrir les ambitions d'une bande de déments nationalistes, eux-mêmes englués dans le rêve d'Otto. Le plus troublant, c'est ce distique :
« Le monde au dehors est indifférent.
Nous sommes seuls dans ce pays. »
Pour éviter une telle destinée, Marco Valdo M.I. mon ami, tissons le linceul de ce vieux monde à l'image de la République de Weimar, exploiteur, concurrentiel, mêlant le national au libéral et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Dans cour, des enfants pâles
(Ouest – une rue perdue)
Font une ribote
À côté des poubelles.
Teint de fromage et tignasse blafarde.
Maigre vert en pot de fleurs
Sur deux appuis de fenêtre.

« Caserne ! Caserne !
Soleil, lune, étoiles !
Respect ! Direction ! Chacun son tour !
C'est – ton – tour ! »

Recroquevillés au fond du bâtiment,
derrière le volet imposant,
Assis courbés, dans leurs blouses bleues,
Nos camarades.
Un Procureur général les chicane,
Un garde les maltraite.
Leurs voix psalmodient
En Prusse et en Bavière :

« Caserne ! Caserne !
Soleil, lune, étoiles !
Respect ! Direction ! Chacun son tour !
C'est – ton – tour ! »

Peine, chagrin allemands.
Travail sans fin.
Usure, un État souverain,
Et un mur toujours gris.
Nous sommes coupables. Un cri retentit.
Le monde au dehors est indifférent.
Nous sommes seuls dans ce pays.
Où on entend seulement :

« Caserne ! Caserne !
Soleil, lune, étoiles !
Respect ! Direction ! Chacun son tour !
C'est – ton – tour ! »





vendredi 24 octobre 2014

DING DING DÉLIRE

DING DING DÉLIRE

Version française - DING DING DÉLIRE – Marco Valdo M.I. – 2014
Chanson italienne – DingDingdelirio - Io?dramas.d. (2010 ?)

Plus de terreur constante crée un malaise déchirant
Toi tu n'entends que ce ding !












Vous violentez Violette car elle a une crête.Vous lobotomisez Tommaso qui a mal à la tête.Ils n'ont pas de respect pour l'évêque… mais moi-même,
Je n'ai pas de respect pour l'évêque.

Cowboys écorchez vifs ces Peaux-Rouges :
Comme des punaises ils nous encerclent, un point c'est tout.
Ne pas t'allie aux sauvages et aux pauvres :
Sans armes, ce ne sont pas des hommes.

Crucifions ce journaliste,
Il a du mal a se tenir coi et la tête basse.
Refoulons son concept de dialogue.
Qui dit la vérité est à la solde du diable.

Les bombes amputent les jambes et puis broient des enfants,
Plus de pétrole, plus de sang refournit les pompes.
Plus de terreur constante crée un malaise déchirant
Toi tu n'entends que ce ding !

Ding! Ding! La monnaie tombe le fond.
Ding! Ding! La monnaie actionne le monde.
Mais c'est l'heure. Il est l'heure.
(Aujourd'hui les États-Unis doivent chercher hors de leurs frontières
Soixante pour cent du pétrole nécessaire
Du pétrole à importer, il n'en existe pas presque plus ! ).

Violette maintenant est violente.
Ding! Ding! Pour l'instant.

jeudi 23 octobre 2014

PETIT CHANT DE MARCHE


PETIT CHANT DE MARCHE


Version française - PETIT CHANT DE MARCHE – Marco Valdo M.I. – 2014
Chanson allemande - Kleines Marschliedchen – Erich Kästner – 1932

Musique de Holger Münzer [1972]
Interpr
étation : Holger Münzer [1976] et Georg Schneyder [1986]


 

En rangs par quatre, vous et votre bêtise déambulez

La Kleines Marschliedchen (petite chanson de marche) d'Erich Kästner a été conçue en 1932, c'est-à-dire à la veille de la prise de pouvoir (par les Nazis) en janvier 1933.
On y découvre les pensées qui vinrent à un pacifiste comme Kästner, quand il vit marcher « les colonnes brunes » dans les rues.


Il n'y a donc rien d'étonnant, dit Lucien l'âne en redressant l'échine, à ce que les mêmes Nazis mirent les écrits d'Erich Kästner au bûcher.


Tu n'as pas tort. Ce qui est plus étonnant, c'est qu'Erich Kästner affronta la bête dans son antre – comme le fit le peintre Max Liebermann [[38296]] et même s'il fut réduit (provisoirement – le temps des 12 ans du Reich de Mille Ans) au silence, il persista dans son combat ; ce qui lui valut plus d'une invitation dans les bureaux de la Gestapo. Il fut probablement le seul écrivain allemand à assister (être présent physiquement) à l'autodafé de ses œuvres et de celles des autres « écrivains dégénérés ». J'ajouterais volontiers une petite réflexion à l'intetion de nos contemporains. La voici : on réduit souvent – dans nos contrées – Erich Kästner à l'écrivain de romans pour enfants ; ce qu'il fut aussi. C'est un peu court, on le voit aux extraordinaires chansons reprises dans les Chansons contre la Guerre ce qui, d'ailleurs,n'est qu'une petite partie de son œuvre. Cependant, on ne saurait trop conseiller ces romans aux enfants et à leurs parents. Que diriez-vous d'une petite lecture du « 35 mai » ? C'est excellent pour décrasser les esprits lobotomisés par les téléviseurs, ces célèbres « machines à décerveler ».


Certes, dit Lucien l'âne en riant, ce serait une belle découverte et pourquoi pas continuer par Petit Point ou Émile et les détectives ? Sans oublier cette incroyable histoire des deux jumelles qui échangent leurs parents sans que ceux-ci s'en doutent…


Je vais te faire une confidence, mon ami Lucien l'âne … Je crois bien que c'est avec ces histoires que j'ai connu Erich Kästner.


Confidence pour confidence, Marco Valdo M.I. mon ami : moi aussi. Enfin, reprenons notre tâche tranquille – comme le fit Kästner tout au long de sa vie – et tissons le linceul de ce vieux monde ennuyeux, triste, conformiste, idiot et cacochyme.



Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
(M.V.M.I. et L.L.)



En rangs par quatre, vous et votre bêtise déambulez
Dans les casernes du passé.
Ne croyez pas que nous sursautons quand vous criez,
Car ce que vous pensez, ce que vous criez est à pleurer.
Vous fîtes bouillir l'âme à peine arrivés ;
L'âme bouillit, et la raison se glaça.
La vie vous l'aimez seulement quand vous marchez,
Car alors on chante et on ne parle pas .

Marcher devant les princes vous émeut aux larmes,
Pourtant vous marchez au pas de l'oie.
On dit que ce qu'on n'a pas dans la tête,
On doit l'avoir dans les jambes.

Vous aimez la haine ; c'est votre mesure du monde.
Vous mettez la bête en l'homme.
Quand en vous la bête profondément s'insère,
La bête en l'homme mange l'homme.
Vous désirez faire pousser des carottes sur les décombres,
Et comme jamais, des églises et des casernes.
Vous aspirez au retour de la vieille dynastie
Et à goûter du pain des intermédiaires.

Vous voulez retarder les aiguilles du temps,
Et croyez ainsi modifier la course du temps.
Touchez à l'horloge. - Personne n'arrête le temps ;
L'horloge n'ira plus jamais correctement.

C'est un rêve, l'Allemagne ne se réveillera pas,
Car vous êtes idiots et on ne vous élit pas.
Le temps viendra où on dira :
Faire un État avec ces gens, on ne peut pas.

C'est un rêve, l'Allemagne ne se réveillera pas,
Car vous êtes idiots et on ne vous élira pas.
Le temps viendra où de vous, on dira :
Faire un État avec ces gens-là, on ne peut pas.