dimanche 24 février 2019

TERRE DE PERSONNE


TERRE DE PERSONNE

Version française – TERRE DE PERSONNE – Marco Valdo M.I. – 2019
Chanson italienne – Terra di nessunoNomadi – 2018



« Terre de personne » est un titre de 2018, extrait de l’album "Nomadi Dentro". La chanson se prête à de nombreuses interprétations, étant donné la généralité des paroles, mais elle peut certainement être associée à de nombreuses situations de conflit dans le monde, où les peuples opprimés occupent des terres de personne.

Dialogue maïeutique.

Je ne sais ce que tu penseras toi de cette « Terre de Personne », Lucien l’âne mon ami, toi qui a si longuement parcouru les paysages désolés et désolants que son les terres de personne où selon les endroits et les moments, cuisent ou gèlent les paysans sans terre, les terroni, les somari, tes frères en somme. La chanson dit que ce sont des héros.

Oh, Marco Valdo M.I., pour ce que je sais de leurs existences, ici ailleurs ou autre part ou de n’importe quel parage, ces humains-là sont en effet les vrais héros de la civilisation des hommes que nous, les autres animaux, nous avons vu paraître et grandir depuis quelques millénaires. En si peu de temps, ils ont changé le visage de bien des lieux de la planète – changer le monde serait trop dire pour si peu de choses, car la vie des hommes et leur présence au monde sont choses minuscules, plus proches du zéro que de l’infini. Et cependant, à l’échelle du modeste empire des hommes, ils ont changé le « monde » et laisse-moi te rappeler que sans eux, sans ces culs-terreux, ni les villes pullulantes, ni les infrastructures gigantesques et envahissantes, ni les merveilles technologiques qui sont apparues récemment, n’existeraient et peut-être même, n’y aurait-il plus eu d’humanité depuis longtemps, sans les paysans sans terre – qu’en certain pays de l’autre bout du monde, on désigne sous le nom de péons, sans leur exténuant travail de fourmis, sans ces mains, ces pauvres mains qui ont bâti votre destin. Et tout ça, avec une abnégation incommensurable et la plupart du temps pour presque rien.

Tu as raison, Lucien l’âne, et il me vient soudain à l’esprit l’idée que les plus riches et tous les riches – vrais ou faux, réels ou apparents et tous ceux qui les envient ou veulent le devenir, sont parfaitement ridicules dans leur prétention. Qui seraient-ils, que seraient-ils sans les paysans sans terre ? L’homme, et toi l’âne, tu en seras sans doute d’accord, est un animal fouisseur et si certains l’oublient, c’est car ils ne veulent pas voir qu’ils ne le sont plus que parce que d’autres le font à leur place, que parce qu’ils tirent bénéfice de la misère des autres.

Bien vu, Marco Valdo M.I., la richesse d’une petite partie de l’humaine nation est édifiée sur la misère de l’immense majorité de celle-ci et sur le refoulement systématique de cette vérité, sur l’occultation de cette réalité.

Certes, Lucien l’âne mon ami, d’ailleurs, sans ce refoulement du réel et sans le cynisme qui le fonde et le perpétue, la Guerre de Cent Mille Ans n’aurait pas lieu, car ce serait une position moralement impossible à tenir. Comprends bien ceci que sans justification, aucune guerre ne peut durer ; elle ne peut même pas commencer. C’est le rôle des clercs religieux ou laïcs, de la religion ou de la propagande que de fournir ces justifications. En disant ça, je ne préjuge en rien de savoir si ces justifications et ces autojustifications sont vraies, fausses ou ont une quelconque valeur, mais je dis qu’elles doivent exister. D’où, l’importance de récits, de textes, de poèmes, d’épopées, de chansons qui dénoncent les raisons et les effets de la guerre, de toute guerre, de n’importe quelle guerre ; en l’occurrence, ces chansons, qui sont choses minuscules, agissent sur les justifications, les raisons des guerres comme le vinaigre sur le calcaire ou l’eau sur la pierre – elles en viennent à bout infinitésimalement. D’où l’importante des Chansons contre la Guerre, d’où l’importance de cette chanson « Terre sans Personne » qui expose crûment le destin des paysans sans-terre par la voix de l’un d’entre eux. Elle me rappelle certaines chansons de Rocco Scotellaro, comme : Noi che facciamo ? ou Noi ci bagneremo.

Je viens de parcourir la version française et l’italienne et il me semble, Marco Valdo M.I. mon ami, que tu as apporté ton grain de sable tout à la fin de la canzone. Est-ce que je me trompe ?

Oh, Lucien l’âne mon ami, pas dut tout, tu as l’oreille de l’âne, l’œil de l’aigle et la subtilité du plus savant des lettrés. J’ai en effet légèrement, très légèrement – comme fit le correcteur du Siège de Lisbonne dans le roman de Saramago – pour tout dire, à peine, à peine modifié quelques mots. Cependant, j’avoue que cette modification donne une autre amplitude à la finale qui, du coup, rejoint presque en un chœur le Chant des Canuts. C’est la même fin qui s’ouvre sur le futur et pour les vivants, le futur, c’est tout ce qu’ils ont comme véritable richesse, car le présent est déjà passé quand tu cherches à le voir, quand tu le regardes.

Je trouve ton grain de sable heureux, Marco Valdo M.I. mon ami. Maintenant, tissons, tels les Canuts, le linceul de ce vieux monde imbu, injuste, incorrect, refoulé, avide, perclus de richesses et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

Terre de personne
Entre les Olympiades et les cathédrales,
Parmi étoiles et galaxies
À des distances sidérales,
Nous ressentons le froid glacial
Dans nos os et nos mains
Et en notre cœur contraint.


Terre de personne,
Nos maisons bleues et blanches,
Au milieu de gens sans rien,
Nos bras trop fatigués
Et l’été arrive encore
Avec la lumière de l’aurore
Sur la terre de personne
Où Dieu n’a pas de demeure.
Nous sommes encore là,
Nous sommes encore nous,
D’un film, les héros,
Mais nous sommes encore là,
C’est encore nous
Comme des héros.


Terre de personne
À des distances sidérales,
Nous, nous sentons le froid glacial
Dans nos os et nos mains.
Terre de personne
Entre sourire et chagrins
Où le soleil au milieu du fleuve
Ne montre pas son visage
Dans les rues poussiéreuses
Où les enfants jouent
Dans le silence d’un crépuscule
Entre les mains des assassins.


Nous sommes encore là
C’est encore nous,
D’un film, les héros,
Mais nous sommes encore là,
C’est encore nous
Comme des héros.
Soudain, la tempête viendra.
Réveiller de vieux mythes et
Les saisons vont changer.
Soudain, elle viendra.
Nous sommes encore là
C’est encore nous,
D’un film, les héros,
Mais nous sommes encore là,
C’est encore nous
Comme des héros.


Soudain, la tempête viendra.
Réveiller de vieux mythes et
Les saisons vont changer.
Soudain, elle viendra.
Et nous serons encore là,
Et ce sera encore nous,
Du film, les héros,
Mais nous serons encore là,
Et ce sera encore nous
Comme des héros.