TERRE DE PERSONNE
Version
française – TERRE DE PERSONNE – Marco Valdo M.I. – 2019
« Terre
de personne » est un titre de 2018, extrait de l’album
"Nomadi Dentro". La chanson se prête à de nombreuses
interprétations, étant donné la généralité des paroles, mais
elle peut certainement être associée à de nombreuses situations de
conflit dans le monde, où les peuples opprimés occupent des terres
de personne.
Dialogue
maïeutique.
Je
ne sais ce que tu penseras toi de cette « Terre de Personne »,
Lucien l’âne mon ami, toi qui a si longuement parcouru les
paysages désolés et désolants que son les terres de personne où
selon les endroits et les moments, cuisent ou gèlent les paysans
sans terre, les terroni, les somari, tes frères en somme. La chanson
dit que ce sont des héros.
Oh,
Marco Valdo M.I., pour ce que je sais de leurs existences, ici
ailleurs ou autre part ou de n’importe quel parage, ces humains-là
sont en effet les vrais héros de la civilisation des hommes que
nous, les autres animaux, nous avons vu paraître et grandir depuis
quelques millénaires. En si peu de temps, ils ont changé le visage
de bien des lieux de la planète – changer le monde serait trop
dire pour si peu de choses, car la vie des hommes et leur présence
au monde sont choses minuscules, plus proches du zéro que de
l’infini. Et cependant, à l’échelle du modeste empire des
hommes, ils ont changé le « monde » et laisse-moi te
rappeler que sans eux, sans ces culs-terreux, ni les villes
pullulantes, ni les infrastructures gigantesques et envahissantes, ni
les merveilles technologiques qui sont apparues récemment,
n’existeraient et peut-être même, n’y aurait-il plus eu
d’humanité depuis longtemps, sans les paysans sans terre – qu’en
certain pays de l’autre bout du monde, on désigne sous le nom de
péons, sans leur exténuant travail de fourmis, sans ces mains, ces
pauvres mains qui ont bâti votre destin. Et tout ça, avec une
abnégation incommensurable et la plupart du temps pour presque rien.
Tu
as raison, Lucien l’âne, et il me vient soudain à l’esprit
l’idée que les plus riches et tous les riches – vrais ou faux,
réels ou apparents et tous ceux qui les envient ou veulent le
devenir, sont parfaitement ridicules dans leur prétention. Qui
seraient-ils, que seraient-ils sans les paysans sans terre ?
L’homme, et toi l’âne, tu en seras sans doute d’accord, est un
animal fouisseur et si certains l’oublient, c’est car ils ne
veulent pas voir qu’ils ne le sont plus que parce que d’autres le
font à leur place, que parce qu’ils tirent bénéfice de la misère
des autres.
Bien
vu, Marco Valdo M.I., la richesse d’une petite partie de l’humaine
nation est édifiée sur la misère de l’immense majorité de
celle-ci et sur le refoulement systématique de cette vérité, sur
l’occultation de cette réalité.
Certes,
Lucien l’âne mon ami, d’ailleurs, sans ce refoulement du réel
et sans le cynisme qui le fonde et le perpétue, la Guerre
de Cent Mille Ans
n’aurait pas lieu, car ce serait une position moralement impossible
à tenir. Comprends bien ceci que sans justification, aucune guerre
ne peut durer ; elle ne peut même pas commencer. C’est
le rôle des clercs religieux ou laïcs, de la religion ou de la
propagande que de fournir ces justifications. En disant ça, je ne
préjuge en rien de savoir si ces justifications et ces
autojustifications sont vraies, fausses ou ont une quelconque valeur,
mais je dis qu’elles doivent exister. D’où, l’importance de
récits, de textes, de poèmes, d’épopées, de chansons qui
dénoncent les raisons et les effets de la guerre, de toute guerre,
de n’importe quelle guerre ; en l’occurrence, ces chansons,
qui sont choses minuscules, agissent sur les justifications, les
raisons des guerres comme le vinaigre sur le calcaire ou l’eau sur
la pierre – elles en viennent à bout infinitésimalement. D’où
l’importante des Chansons contre la Guerre, d’où l’importance
de cette chanson « Terre sans Personne » qui expose
crûment le destin des paysans sans-terre par la voix de l’un
d’entre eux. Elle me rappelle certaines chansons de Rocco
Scotellaro, comme :
Noi che facciamo ? ou Noi
ci bagneremo.
Je
viens de parcourir la version française et l’italienne et il me
semble, Marco Valdo M.I. mon ami, que tu as apporté ton grain de
sable tout à la fin de la canzone. Est-ce que je me trompe ?
Oh,
Lucien l’âne mon ami, pas dut tout, tu as l’oreille de l’âne,
l’œil de l’aigle et la subtilité du plus savant des lettrés.
J’ai en effet légèrement, très légèrement – comme fit le
correcteur du Siège de Lisbonne dans le roman de Saramago – pour
tout dire, à peine, à peine modifié quelques mots. Cependant,
j’avoue que cette modification donne une autre amplitude à la
finale qui, du coup, rejoint presque en un chœur le Chant des
Canuts. C’est la même fin qui s’ouvre sur le futur et pour les
vivants, le futur, c’est tout ce qu’ils ont comme véritable
richesse, car le présent est déjà passé quand tu cherches à le
voir, quand tu le regardes.
Je
trouve ton grain de sable heureux, Marco Valdo M.I. mon ami.
Maintenant, tissons, tels les Canuts, le linceul de ce vieux monde
imbu, injuste, incorrect, refoulé, avide, perclus de richesses et
cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Terre
de personne
Entre
les Olympiades et
les cathédrales,
Parmi
étoiles et galaxies
À
des distances sidérales,
Nous
ressentons le froid glacial
Dans
nos os et nos mains
Et
en notre cœur
contraint.
Terre
de personne,
Nos
maisons bleues
et blanches,
Au
milieu de gens sans
rien,
Nos
bras trop fatigués
Et
l’été arrive encore
Avec
la lumière de l’aurore
Sur
la terre
de personne
Où
Dieu n’a pas de demeure.
Nous
sommes encore là,
Nous
sommes encore nous,
D’un
film, les héros,
Mais
nous sommes encore
là,
C’est
encore nous
Comme
des héros.
Terre
de personne
À
des distances
sidérales,
Nous,
nous sentons le froid glacial
Dans
nos os et nos
mains.
Terre
de personne
Entre
sourire et chagrins
Où
le soleil au milieu du fleuve
Ne
montre pas son visage
Dans
les rues poussiéreuses
Où
les enfants jouent
Dans
le silence d’un crépuscule
Entre
les mains des
assassins.
Nous
sommes encore là
C’est
encore nous,
D’un
film, les héros,
Mais
nous sommes encore
là,
C’est
encore nous
Comme
des héros.
Soudain,
la tempête viendra.
Réveiller
de vieux mythes et
Les
saisons vont changer.
Soudain,
elle viendra.
Nous
sommes encore là
C’est
encore nous,
D’un
film, les héros,
Mais
nous sommes encore
là,
C’est
encore nous
Comme
des héros.
Soudain,
la tempête viendra.
Réveiller
de vieux mythes et
Les
saisons vont changer.
Soudain,
elle viendra.
Et
nous serons encore là,
Et
ce sera encore nous,
Du
film, les héros,
Mais
nous serons
encore là,
Et
ce sera encore nous
Comme
des héros.