MISTER C
Version
française – MISTER C – Marco Valdo M.I. – 2016
d’après
la version italienne de Riccardo Venturi
d’une
Chanson
polonaise – Mister
C – Aleksander Kulisiewicz – Sachsenhausen,
1940
Musique : Henryk Wars ("Czarny Jim", 1939)
Musique : Henryk Wars ("Czarny Jim", 1939)
Aleksander Kulisiewicz et sa guitare |
« Mister
C » est Winston Churchill, le premier ministre anglais à
l’éternel cigare à la bouche qui,
entre la défaite de la France et
l’entrée en guerre des États-Unis, incarna le
dernier espoir que l’Europe prisonnière avait de
vaincre les Allemands. Écrite après qu’étaient
arrivées au lager de Sachsenhausen les
terribles nouvelles de la retraite alliée de
Dunkerque, en France septentrionale, « Mister C » fut
présentée pour la première fois pendant une réunion
secrète dans le Bloc 3 du camp de
concentration, où, Kulisiewicz se rappelle qu’
« étaient exécutées plus mordantes et obscènes
satires antifascistes en plusieurs langues ».
Quelques vers de « Mister C » (écrite par
ailleurs dans une sorte de véritable « argot
du lager», où les mots allemands sont nombreux) sont
délibérément obscurs. L’« île de Rügen », à
savoir la plus grande île allemande située dans la mer
Baltique, évoque d’anciennes luttes de
frontière entre les populations slaves et germaniques
(Rügen était l’ancienne installation slave de
Rujana chassée par les Allemands).
Le « vent de l’est » fait allusion à l’aide que les
prisonniers espéraient avoir de l’Union soviétique en
dépit du fait que le pacte de
non-agression entre Hitler et Staline
était, alors, encore en vigueur.
Aleksander
Kulisiewicz (1918-1982) était un étudiant en droit en Pologne sous
occupation allemande quand en octobre 1939, la Gestapo l’arrêta
pour ses écrits des antifascistes et il l’envoya au lager de
Sachsenhausen, près de Berlin. Kulisiewicz était un
auteur-compositeur de talent : pendant ses cinq ans de captivité, il
composa 54 chansons. Après la Libération, il se souvint non
seulement de ses propres chansons, mais aussi de celles qu’il avait
appris de ses camarades de captivité, et il dicta des centaines de
pages à son infirmière dans un hôpital polonais.
En
tant « auteur et parolier», Kulisiewicz préférait les
ballades descriptives, en usant d’un langage agressif et brutal
pour reproduire les circonstances grotesques dans lesquelles il se
trouvait avec les autres ; mais son répertoire comprenait même
des ballades qui, souvent, ils évoquaient la Pologne natale avec
nostalgie et patriotisme. Ses chansons, présentées pendant des
rencontres secrètes, aidèrent les prisonniers à faire face à la
faim et au désespoir, en soutenant leur moral et leurs espoirs de
survie.
En
plus de revêtir une importance spirituelle et psychologique,
Kulisiewicz soutenait que les chansons du lager pouvaient même être
une forme de documentation. « Dans le camp »,
écrivait-il, « j’ai toujours cherché à créer des vers qui
servaient de reportage poétique direct. J’ai employé ma mémoire
comme une archive vivante. Les amis venaient chez moi et me
récitaient leurs chansons. » Presque obsédé par les sons et
les images de Sachsenhausen, Kulisiewicz commença à rassembler une
collection privée de musique, de poésie et d’œuvres d’art
créées par les prisonniers.
Dans
les années 60, il s’associa aux ethnographes polonais Józef
Ligęza et Jan Tacina dans un projet de recueil d’interviews
écrites et enregistrées d’ ex-prisonniers des lagers à propos de
la musique dans les camps de concentration. Il commença même à
faire une série de spectacles, transmissions radiotéléphoniques et
enregistrements de son répertoire de chansons de captivité, qui
s’amplifia jusqu’à comprendre du matériel provenant d’au
moins une douzaine de camps.
L’énorme
étude de Kulisiewicz sur la vie culturelle dans les camps et sur le
rôle décisif que la musique y jouait
comme moyen de survie pour de nombreux prisonniers
resta inédite jusqu’à sa mort. La collection créée par
lui, la plus vaste collection existante de
musique composée dans les camps de concentration, fait maintenant
partie des archives de l’United States Holocaust Memorial Museum à
Washington.
Rien, semble-t-il, ne peut la
fatiguer,
Mieux vaut alors s’agenouiller.
Mieux vaut alors s’agenouiller.
Suprême,
grand Führer en fureur,
Ce bandit de goy – ce barbouilleur,
A la tête pleine d’eau de vaisselle
Et son Volk idiot hurle « Heil ! »
Ce bandit de goy – ce barbouilleur,
A la tête pleine d’eau de vaisselle
Et son Volk idiot hurle « Heil ! »
Mister
C mâchonne son cigare
Souffle la fumée faisant des ronds ;
À l’entour, l’Europe s'égare
Et lui, la regarde et tient bon.
Souffle la fumée faisant des ronds ;
À l’entour, l’Europe s'égare
Et lui, la regarde et tient bon.
Mister
C, tel un dragon, soufflera
Et sur Adolf et sur son « Sieg ! » crachera.
Sur l’île de Rügen, il l’enterrera
Peut-être même déjà en quarante-trois.
Et sur Adolf et sur son « Sieg ! » crachera.
Sur l’île de Rügen, il l’enterrera
Peut-être même déjà en quarante-trois.
Peut-être,
oui ! Peut-être, peut-être.
Qui peut le savoir avec certitude ?
Malheureux Führer, la mer est profonde,
Spécialement la mer d’Angleterre.
Qui peut le savoir avec certitude ?
Malheureux Führer, la mer est profonde,
Spécialement la mer d’Angleterre.
Yum-pum-Tiu,
tagada !
Yum-pum-dju, téguédé !
Peut-être, peut-être… et qui le sait ?
Peut-être le vent de l’est aidera.
Yum-pum-dju, téguédé !
Peut-être, peut-être… et qui le sait ?
Peut-être le vent de l’est aidera.