vendredi 23 octobre 2020

CONTREVENT

 

CONTREVENT


Version française – CONTREVENT – Marco Valdo M.I. – 2020

Chanson allemande – Gegenwind der ZeitDie Toten Hosen – 2017

Texte : Andreas Frege (Campino) et Marten Laciny

Musique : Michael Breitkopf



 

LES GYMNASTES

Gerhard Keil – 1939





Dialogue Maïeutique


Contrevent ?, demande Lucien l’âne.


Oui, Contrevent, dit Marco Valdo M.I., c’est son titre et ce n’est pas une chanson de marins. C’est une chanson qui interpelle frontalement les résidus du nazisme en Allemagne contemporaine et qui les renvoie à leurs calendes, qui les confronte à leur désuétude.

Oh, dit Marco Valdo M.I., « le ventre est encore fécond d’où est sortie la chose immonde » ou quelque chose comme ça, disait Bertolt Brecht. Est-ce bien de ces résidus-là, de ces nostalgiques des reichs qu’il est question dans la chanson ?

C’est bien d’eux qu’elle s’inquiète, répond Marco Valdo M.I., et même si elle les retourne à leur passé ; même si, finalement, elle les moque ; même si elle conseille (à juste titre, selon moi) de se soigner ; elle a comme but primordial de les dénoncer, de dénoncer leur indigente conformité à un songe périmé et tous les dangers qu’une telle déviance recèle. En somme, c’est une Cassandre qui – comme bien des poésies – regarde Ilion et la voit demain sous les flammes. Elle part des résurgences de racisme et de milices qui fleurissent à Berlin et autour et de la réapparition du drapeau Schwarz-Weiß-Rot – « Noir-blanc-rouge ».


Oh, dit Lucien l’âne, déjà, un drapeau, tu imagines ? Un drapeau ? Un drapeau, c’est comme un monument : « Un drapeau, un drapeau, mais que voulez-vous que je foute d’un drapeau ? », aurait sans doute dit Michel Simon, ou Serge Reggiani, ou les Charlots ou Boris Vian. (comme je l’ai signalé plusieurs fois dans les commentaires à La Java des Bombes Atomiques).


En effet, dit Marco Valdo M.I., qu’est-ce qu’on peut bien foutre d’un drapeau ? Je veux dire qu’est-ce ce qu’on peut faire d’intelligent et d’utile d’autre que d’en faire une couverture ou un drap ou un linceul avec un drapeau ? Un drapeau, par essence, sert à distinguer, à créer une frontière entre le groupe qui s’y soumet et les autres, parmi lesquels il se trouvera vraisemblablement d’autres admirateurs des étoffes colorées. C’est, a priori, une source d’hostilité et il mène inévitablement à la confrontation, si ce n’est à l’affrontement.


Oui, dit Lucien l’âne, ça se comprend, sans le drapeau, comment on saurait sur qui il faut taper ?


En fait, il sert à ça, c’est son but : transformer le troupeau en meute. Le drapeau instaure la loi des héros, suscite l’héroïsme jusqu’à l’absurdité, jusqu’à le manger :

 

« Puis, après la soie, il mangea la hampe ;

Ce fut le plus dur, le plus valeureux.


Il murmurait : France !… Et mangeait, quand même !

Lorsque tout à coup son cœur s’arrêta. »

(Le Salut au Drapeau – Müller et Reboux)


Eh bien, reprend Marco Valdo M.I., un drapeau, c’est franchement indigeste et le sort des héros est quelquefois pénible. Par ailleurs, la chanson fait justement remarquer, met adéquatement en exergue ces héros semblables à ceux déjà débusqués par Carlo Levi, sous leur tenue d’athlète, qui se délectaient à écraser les autres et puis qui :


« S’éloignent dans le ciel noir,

Avec l’heureuse sensation palpable

De m’être passés par-dessus

De m’avoir foulé aux pieds.

Chose étrangère, négligeable,

Pour eux, je suis le nabot.

Sur le sable, par terre,

vivant mais écrasé.


Musculaire jeunesse piaffante

Étalons ardents d’Éros

Les athlètes s’en sont allés

Dans le ciel des Héros. »


Ce sont eux, qui déjà au temps de la république de Weimar constituaient les sociétés de gymnastique, ces embryons musclés des milices en « chemise courte », qui incendient les maisons, les livres et finissent par brûler les gens.


Oh, dit Lucien l’âne, je savais qu’une chanson pouvait dire tant de choses. Maintenant, tissons le linceul de ce vieux monde sportif, olympique, patriotique, nationalique, hypocondriaque et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane








Vous dites, on élèvera les murs autour de notre pays ;

Vous dites, maintenant, on protégera notre empire ;

Vous dites, personne n’entrera, tout sera saisi.

Vous dites, comme les Orientaux sont tous les mêmes,

Une unité spéciale de notre milice

Brûlera toutes leurs maisons.

La saucisse, la choucroute et la bière entreront

Dans les restos grecs et les kebabs par la Constitution.



Avec votre chemise courte, vous restez

À contrevent.

Vous vous accrochez au passé

À contrevent,

À contrevent !



Deux battes de baseball en croix comme symbole,

Un salut hitlérien, vous vous reconnaissez.

Tous les drapeaux arc-en-ciel seront retirés

Et remplacés par le noir-blanc-rouge,

Même pendant vos parties de fesses,

Vous déposez des fleurs pour Rudolf Hess,

À la porte des bistros, des supermarchés,

Droit, figé, se tient un de vos patriotes râblés.



Avec votre chemise courte, vous restez

À contrevent.

Vous vous accrochez au passé

À contrevent,

À contrevent !



Votre radio joue toujours encore des marches,

Mangez votre plomb et buvez votre essence,

Si le passé n’est pas sorti de vos trombines,

Prenez tous une tonne d’aspirine !



Avec votre chemise courte, vous restez

À contrevent.

Vous vous accrochez au passé

À contrevent,

Vous vous accrochez au passé

À contrevent,

À contrevent,

À contrevent,

À contrevent !