samedi 4 novembre 2017

LE LAVEUR DE PAREBRISES

LE LAVEUR DE PAREBRISES

Version française – LE LAVEUR DE PAREBRISES – Marco Valdo M.I. – 2017
Chanson italienne – Il lavavetriNuvole Pesanti – 2004
Texte de De Siena
Musi
que de De Siena-Sirianni-Voltarelli



Comme la chanson s’intitule « Le laveur de parebrises », il m’est venu à l’esprit l’idée qu’il fallait préciser en commençant que le laveur de parebrises, qu’il vaudrait mieux appeler le barbouilleur de parebrises, est de ces personnages de nos sociétés urbaines ; c’est une figure récente de l’imaginaire collectif.

Forcément, dit Lucien l’âne en riant, il n’y a pas si longtemps qu’il existe des parebrises automobiles.

Certes, reprend Marco Valdo M.I. ; donc, le laveur de parebrises surgit d’un coup devant les autos à l’arrêt au carrefour pendant la durée calibrée des feux de signalisation. Il se déroule alors une scène que raconte la chanson. D’un côté (du parebrise), l’automobiliste coincé à son volant dans son cocon d’acier et de verre, l’œil rivé sur le sémaphore et les pieds en suspension dans le vide au-dessus des pédales. Il est extrêmement concentré tant il ne pense qu’à ça. De l’autre côté du parebrise, juste en face de lui, le laveur de parebrises avec un torchon humide, une éponge, parfois une raclette, qui s’efforce de laver le parebrise et par cela-même, de forcer l’automobiliste à un petit geste de rétribution.L’ensemble est plutôt symbolique et rituel, car comme je l’ai déjà signalé, pour ce qui est de laver le parebrise, l’opération est généralement assez inefficace. Il y a là un moment de tension, dans la mesure où l’automobiliste n’a pas vraiment envie que l’on « nettoie » son parebrise.

En effet, dit Lucien l’âne, j’ai déjà assisté à de pareils affrontements, qui peuvent devenir très dramatiques, au moment où le feu passe au vert ; à ce moment, l’auto s’élance sans trop se préoccuper du laveur de parebrises. C’est un ballet mortel, un peu comme la tauromachie. Dan l’idéal, on peut imaginer que de tels moments pourraient être moins tendus si les automobilistes reprenaient leurs esprits.

Oui, Lucien l’âne mon ami, même furtif, ce serait un moment sympathique entre deux êtres humains et tout pourrait se présenter comme un instant de détente pour l’automobiliste et une rencontre conviviale avec le laveur. Un peu comme l’échange du matin avec le marchand de journaux, le garçon de café, la boulangère, le facteur, le chauffeur de bus, que sais-je encore. Mais là aussi, de nos jours, les choses finissent par se gâter. On parle d’heure, de ponctualité, de presse, de stress, de burn-out. Toutefois, outre qu’il entrave la marche de l’automobile, le laveur de parebrises est marqué d’un signe pire encore que tous les autres, il est auréolé de soupçon. Vois-tu, Lucien l’âne, les gens pensent : c’est un étranger, un immigré, un migrant, un clandestin peut-être, un sans-papiers, un sans domicile, à tout le moins, une sorte de mendiant. D’ailleurs, il ne travaille pas ; en tout cas, il n’exerce pas une profession respectable. Dès lors, on le méprise, on se méfie et que fait la police ? Dans la tête des automobilistes aux autos rutilantes, aux machines dont le prix nourrirait le laveur de parebrises pendant des années, ce n’est jamais qu’un de ces faquins des temps anciens. Pour un peu, ils l’assimileraient aux moustiques qui collent sur le parebrise de leur véhicule.

Oh, dit Lucien l’âne, je l’entends encore ce mot faquin qui avait tout l’air d’une apostrophe infamante, d’une insulte.

Cependant, continue Marco Valdo M.I., la chanson se place à un autre niveau. Elle raconte cette aventure urbaine du point de vue de l’acteur ; elle nous dévoile ce qui se passe pour le laveur, dans la tête du laveur. Si le but pour ce dernier est de décrocher un peu d’argent (Faut bien qu’il vive ! Olé !), cet objectif précis et immédiat de son action ne l’empêche pas de se garder à l’écart de ce jeu social, une zone de vie personnelle :

« Il voyage dans sa tête,
Il se réfugie dans son enfance
Quand alors encore son avenir
Était le bonheur.
Le bonheur ! »

C’est ce qui le sauve, comme ce recul hors du monde afin de se retrouver soi-même et de résister ainsi à la pression quotidienne sauve le prisonnier.

Tout comme nous le faisons nous aussi, les ânes quand on nous réduit aux travaux forcés, dit Lucien l’âne. Maintenant, voyons cette histoire singulière et puis, reprenons notre tâche volontaire et tissons le linceul de ce vieux monde inégal, inéquitable, injuste, méprisant, méprisable et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I et Lucien Lane



Avec dans la main l’éponge
Et la mousse dans l’éponge,
Il a dans les yeux le parebrise
De cette auto qui arrive
Et ensuite s’en ira.
Appuyé
au poteau,
Il met
ses rêves dans son seau.
Comme un chat, il s’approche
Du moteur et il se réchauffe
Et ensuite
s’en va.

Et il lave lave et lave lave
Les vitres de cette voiture officielle
Qui maintenant est à l’arrêt au rouge
Et dans un instant sera déjà lointaine.

Il lave les vitres et il est content ;
Il n’a cure pour le moment
De ce travail idiot,
De ce
lui qui fait « no »
Et ensuite va partir.
Il voyage dans sa tête,
Il se réfugie dans son enfance
Quand alors encore son avenir
Était le bonheur.
Le bonheur !

Et s’ouvre s’ouvre la fenêtre
Et lentement la main,
petite
Fait tomber une pièce, petite
Premier euro du laveur de parebrises 

Mais une violente et soudaine
Averse de saison est là,
Lave les yeux du laveur de parebrises,
Lui chuchote des choses étranges,
Et ensuite
s’en va.

Et il lave lave et lave lave
Le cœur de cet homme en bleu
Accroché maintenant à ses privilèges
Et dans un instant ou deux,
Déjà sera tombé.
Olé !