vendredi 31 juillet 2020

BLANC ET NOIR (version blanche)


 BLANC ET NOIR (version blanche)

Version française – BLANC ET NOIR (version blanche)Marco Valdo M.I. – 2020
Chanson italienne – Bianco e nero Quartetto Cetra1961








Dialogue Maïeutique

Comment ça, Marco Valdo M.I. mon ami, une version blanche ? Qu’est-ce que ça signifie ? Il y aurait une version noire ? Et puis, que raconte cette chanson Blanc et Noir ?

Ah, mon ami Lucien l’âne, je m’en vais te dépêtrer ça tout de suite. D’abord, pour répondre à ta question, c’est une chanson qui raconte l’histoire de deux enfants – un blanc et un noir – qui jouent ensemble du jazz à la Nouvelle-Orléans – censément la capitale originelle du jazz. Au départ, c’est une chanson italienne du Quartetto Cetra, un ensemble vocal que nous avons déjà rencontré dans le passé, dont nous avons mis en français notamment Le Testament du Taureau, Le Chameau et le Dromadaire et L’Homme, la Femme et la Fleur.

Oui, dit Lucien l’âne, et même aussi mis en français des chansons d’Anton Virgilio Savona, pivot du groupe, dont particulièrement, Le Testament du Curé Meslier, cet homme qui était curé le jour et athée la nuit, c’est-à-dire un de ces athées cachés que créent par leur intolérance les religions et les religieux, car, vois-tu, moi qui ai traversé le monde et les siècles de mes petits pas d’âne, j’ai vu tant de fois tant de gens contraints et forcés de se dire, de se montrer croyants afin de pouvoir vivre leur vie en paix. Tous n’y arrivaient d’ailleurs pas, car comme toujours sous le régime de la peur et de la domination – in nomine domini, on voit fleurir la dénonciation, le cafardage et la délation. Mais revenons à cette chanson Bianco e nero.

Donc, je te disais, Lucien l’âne mon ami, que j’ai fait une version française de Bianco e nero que j’ai tout naturellement intitulée Blanc et Noir, mais chemin faisant, il m’est venu l’impression que cette version du Quartetto Cetra de 1961 était un peu trop douce, trop édulcorée, qu’elle était – comment dire – un peu trop angélique et trop magique ou trop merveilleuse, qu’elle occultait le réel. C’est ainsi que je l’ai qualifiée de « version blanche », une version qui tendait à camoufler, à dissimuler, à chloroformer la virulence raciste, celle qui sévit encore aujourd’hui dans le Sud des Zétazunis, la guerre raciale que mènent encore à présent les « suprémacistes blancs » dans les États du Sud.

Ah, dit Lucien l’âne, pourtant, il ne sert pas à grand-chose de vouloir éloigner le réel, enterrer sous le mensonge la réalité, car comme le naturel, le réel revient à la surface, comme les cadavres ressortent toujours des glaciers.

En effet, répond Marco Valdo M.I., c’est bien pourquoi j’en ai fait une version plus réaliste, moins idéaliste, moins angélique ; en somme, plus vraie, une version nettement plus revendicative, plus réelle. Je n’en dirai pas plus, on la verra en son temps.

Certes, dit Lucien l’âne, et je suis très intéressé à la découvrir le plus prochainement. En attendant, tissons le linceul de ce vieux monde raciste (encore et toujours), angélique, aveugle (volontairement) et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




Nouvelle-Orléans
Nouvelle-Orléans
Nouvelle-Orléans
Nouvelle-Orléans

Dans les rues de la Nouvelle-Orléans,
Il y avait deux enfants,
De bons amis. Ils s’appelaient Noir et Blanc.
Noir jouait de la clarinette, de la batterie jouait Blanc
Quel succès, quelle joie avec leur jazz !
On aurait dit les enfants du jazz.

Noir est blanc, Blanc est noir,
Vous ne devez jamais l’oublier !
Noir est blanc, Blanc est noir,
Ce sont de très bons amis, malgré
Que l’un soit blanc et l’autre noir :
Comme le lait et le café !
Comme le lait et le café !

Deux impresarios de la Nouvelle-Orléans ont voulu
Connaître Noir et Blanc. Quand ils les ont vus,
Ils ont dit : « Jamais ! Ça ne va pas les enfants,
Nous ne voulons pas d’un noir en duo avec un blanc,
Nous ne sommes pas intéressés par votre jazz !
Par votre propre jazz. »

Noir est blanc, Blanc est noir,
Vous ne devez jamais l’oublier !
Noir est blanc, Blanc est noir,
Ce sont de très bons amis, malgré
Que l’un soit blanc et l’autre noir :
Comme le lait et le café !
Comme le lait et le café !

Au lever du soleil de la Nouvelle-Orléans,
Un archange est apparu dans le ciel rutilant,
Il a tendu sur le monde un grand voile de lune
Il n’y avait plus de couleurs, plus de rancunes.
Et les deux enfants ont remercié l’ange du jazz,
L’archange du jazz.

Noir est blanc, Blanc est noir,
Vous ne devez jamais l’oublier !
Noir est blanc, Blanc est noir,
Ce sont de très bons amis, malgré
Que l’un soit blanc et l’autre noir :
Comme le lait et le café !
Comme le lait et le café !

Et en noir et blanc, leur duo jazzifiant
Vole haut, dans le ciel de la Nouvelle-Orléans !

mercredi 29 juillet 2020

LES SORCIÈRES DE BARGACE


LES SORCIÈRES DE BARGACE


Version française – LES SORCIÈRES DE BARGACE – Marco Valdo M.I. – 2020
Chanson italienne – Le streghe di BargazzaCaterina Bueno – 1997
Chanson populaire des Apennins toscans-émiliens interprétée par Caterina Bueno dans son disque intitulé « Canti di maremma e d’anarchia », en supplément de l’hebdomadaire Avvenimenti, 1997.







Baragazza – Bargace est un hameau de la commune de Castiglione dei Pepoli, province de Bologne, dans les Apennins toscano-émiliens. Dans les temps anciens, il y avait une forteresse à Baragazza, contestée entre les Bolognais et les Florentins, qui fut ensuite abandonnée et détruite en 1400 – qui sait si ce n’est pas le palais qui apparaît et disparaît dans cette chanson. Elle est curieuse cette chanson, qui raconte avec une légèreté et une joie inhabituelles un sabbat satanique, quand juste à Baragazza, à Boccadirio, à la fin de 1400 est apparue la Madone. Aujourd’hui, il existe un important sanctuaire pour les pèlerinages. Ces culs-bénits, cependant, s’y rendent à pied, ou tout au plus en voiture ou en bus, et ne savent certainement pas « comme c’est beau d’y aller par l’air ! » Le texte raconte une histoire qui témoigne de la vision paysanne du sabbat et est emprunté à une ancienne feuille, diffusée sous le titre « Les sorcières de Bargazza ». (notes du disque)



Dialogue Maïeutique


Oh !, dit Lucien l’âne, encore une chanson de sorcière ? Ou je me trompe ? Je dis encore, car on vient pourtant de présenter la version française de La Strega – LA SORCIÈRE.

De fait, dit Marco Valdo M.I., il s’agit de ma version d’une chanson de sorcière et d’une chanson de sorcière d’origines populaires – toscane, pour tout dire ou peut-être même, qui sait, étrusque.

Quoi, s’étonne Lucien l’âne, les Étrusques, ça fait bien longtemps que j’en ai entendu parler. Mais de mes souvenirs, du temps où je me promenais en Étrurie, menant par les collines, tel un Dante prématuré, un lucumon distingué qui s’en allait ainsi sur les sommets à la rencontre de sorcières antiques. Car c’est par elles qu’il se faisait soigner de certaine maladie dont les hommes attribuent volontiers la source à Vénus, comme ce méchant coup de pied dont parle Georges Brassens dans le Bulletin de Santé :
« Vénus parfois vous donne
De méchants coups de pied qu’un bon chrétien pardonne,
Car, s’ils causent du tort aux attributs virils,
Ils mettent rarement l’existence en péril. »

Il buvait pour ce faire des eaux vénérables, salées, pierreuses et s’oignait, ou plutôt par la main de la sorcière se faisait oindre, de certaine huile essentielle qui le raidissait d’abord, puis le détendait subitement et ensuite, généralement, il s’endormait pour un moment. Il en ressentait un très grand bien, me disait-il.

Voilà qui est intéressant, dit Marco Valdo M.I. ; d’ailleurs, on trouve la trace de cette pratique dans la chanson. Il suffit de regarder son antienne pour comprendre :

« Que c’est bon d’aller en l’air ! »

Elle est intéressante à plus d’un titre cette canzone populaire, car elle permet de faire surgir une fois de plus les fondements du mythe de la Vierge ou de la Madone, c’est tout comme. Comme on le sait, dans l’histoire des deux derniers millénaires, il a bien fallu faire apparaître la Vierge Marie pour tenter d’effacer jusqu’au souvenir des sorcières et ainsi pouvoir s’approprier leur action bénéfique auprès des paysans. Mais ceux-ci n’ont rien oublié ou à tout le moins, ont gardé la trace du temps où les sorcières de tout le pays se réunissaient – souvent par trois (au minimum), pour faire la fête. C’était le sabbat des sorcières ; en somme, le samedi soir de l’ouvrier. Les fêtes, dites de sabbat, ne sont rien d’autre que des réunions de joyeuses commères.

Tout cela est bien vrai, dit Lucien l’âne. J’ajouterais cependant cette occurrence que à la mi-août, la grande fête des moissons, était en fait la fête des sorcières, moment où elles se retrouvaient pour plusieurs jours en une grande foire annuelle et elles faisaient des concours et des spectacles qui faisaient la joie des gens et des pays. Elles échangeaient là aussi tous leurs mystères et s’en retournaient ensuite dans leurs campagnes et leurs montagnes reprendre leurs activités quotidiennes, qui consistaient en gros à soigner les gens et les animaux, aider les femmes à avorter et à accoucher – selon les cas, les vaches à vêler, les chèvres à mettre bas ; ou encore, à aider les vieux à vieillir – elles visitaient les grabataires, elles secouraient le nécessiteux – et quand venait le temps, elles aidaient ces vieux miséreux à finir leur vie, au besoin aussi, à l’abréger ; elles prenaient sue elles le temps qu’il fallait à conseiller les jeunes filles et les jeunes garçons, les enfants et leurs parents, les maris et les amants ; elles savaient tout des maladies, elles savaient tout de la vie des gens et du pays.

Avec elles, dit Lucien l’âne, il n’y avait pas besoin de prêtres, de religions et pire que tout, elles chassaient les nuages de la peur et de la superstition. Bien sûr, si elles savaient beaucoup des choses de la nature et de l’humaine personne, elles ne savaient pas tout, mais c’était chez elles qu’on allait chercher de l’aide et du réconfort. De plus, elles avaient ce qu’on appelle de la morale, elles avaient une sorte d’éthique qui les empêchait de se laisser aller et de profiter leurs pouvoirs et de leur influence sur les gens. Ainsi, elles dérangeaient, elles faisaient barrage à la religion, marchandise d’importation venue du Moyen-Orient.

C’est d’ailleurs, rappelle Marco Valdo M.I., en cela qu’elles étaient dangereuses : elles empêchaient par leurs actions les prometteurs de beaux jours éternels et les charlatans séculiers d’opérer leurs manœuvres circonvenantes auprès des populations et c’est ainsi et pour ces raisons que l’on substitua à la sorcière, en vue de l’éradiquer, le culte de la Vierge, en ce compris la grande fête de la mi-août. La Vierge (et c’est là le sommet de l’indécence) serait – selon ses bénisseurs et ses adorateurs – la Personnification de l’Amour : marial, lustral, immaculé, invraisemblablement détaché des choses du corps et du réel. Et comme le relevait déjà Cavanna dans sa Lettre ouverte aux culs-bénits (1994) :

« Qu’ont en commun les inquisiteurs, les brûleurs de sorcières, les massacreurs de populations au nom de la foi (soixante mille égorgés lors de la prise de Jérusalem pendant la première croisade), les bénisseurs d’armées, les pendeurs d’hérétiques, les incitateurs à l’assassinat pieux, les lapideurs de femmes adultères, les qui vont-à-la-messe, bouffent du foie gras et laissent un abbé Pierre leur astiquer la bonne conscience en se faisant le bouc émissaire de la charité ? Ils ont en commun le mot clé de tous les culs-bénits : AMOUR. »

Et que dit de ça, cette chanson ?, demande Lucien l’âne.

Elle répond, Lucien l’âne mon ami, « Que c’est bon d’aller en l’air ! ». En français, on dit la chose un peu différemment, on dit : « Qu’il est bon de s’envoyer en l’air ! », mais en disant ça dans leur chanson – car c’est une chanson d’origine paysanne, les paysans savaient très bien de quoi il s’agissait et ils aimaient leur nocturne liberté.

Certes, dit Lucien l’âne, je le sais aussi. Mais n’épiloguons pas plus et tissons le linceul de ce vieux monde cagot, hypocrite, menteur, suborneur et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Plus de trains, ni de postillons,
Plus de voitures et de wagons.
Or, certains boucs là-bas
Font mille milles par la pensée.
Je peux vous dire que j’y suis allé.
Et ce n’est pas une fable, croyez-moi.
Qui n’y est pas allé, désespère.
Que c’est bon d’aller en l’air ! »

L’autre jour, je fus à Bargace,
J’y fus à une fête,
« Deux filles de conte de fées ».
M’ont tenu la jambe toute la soirée
Puis quand vint l’heure de partir
Chez elles, elles m’invitèrent.
Je les suivis et du coup, je peux dire :
« Que c’est bon d’aller en l’air ! »

Discourant sur le chemin, tout du long,
Nous sommes arrivés à leur maison.
Je ne vous dis pas quel bazar,
J’en tremblais comme à la foire.
Bientôt arrivé, sitôt d’un pot,
Tous s’oignirent, et je m’oins moi aussi aussitôt
Disant : « S’oindre, quel bien, ça peut faire !
Et que c’est bon d’aller en l’air ! »

Dans cette circonstance,
Un bouc grand, gros et noir s’avance.
Je lui demandai la vérité
Et comment on allait y aller.
Une répondit, celle du milieu :
« Au plus vite et au mieux !
Il est déjà tard, il faut prendre l’air. »
Que c’est bon d’aller en l’air !

On monta tous en croupe,
Il emmena si loin toute la troupe
Qu’on touchait les étoiles du matin
Rien qu’en tendant la main.
L’éclair entre les comètes et la Terre,
C’était ce bouc et nous autres trois.
Chose impossible, si « on ne croit pas
Que c’est bon d’aller en l’air ! »

Je n’ai vu ni campagnes
Ni villes, ni plaines, ni montagnes.
Le diable nous a emmenés
Dans un palais illuminé
À l’intérieur et devant, une place ornée
De tentes et de pendules toute décorée.
Ce n’est pas là paroles en l’air
Et que c’est bon d’aller en l’air ! »

J’ai vu certaines matrones, là,
Demoiselles fabuleuses
À l’exception de certains visages
Différents de ceux qu’ici, on a.
Moi, toujours muet, je m’assis,
Sans bouger et sans bruit,
En un silence qui sut me plaire.
Que c’est bon d’aller en l’air ! »

Vint l’heure des douceurs et des liqueurs.
Comme dans les fêtes,
Aux dames, aux danseurs,
Deux serviteurs présentent
Crèmes, biscuits et confitures
Pâtisseries, tartes, bouteilles et verres.
Et sans misère, je le déclare, sincère,
Que c’est bon d’aller en l’air ! »

Elles ont de particuliers usages
Pour nous, différents et étranges,
Comme d’user et abuser
Du dialecte ou du patois,
De toute une mimique sans voix,
Sans se mouvoir et sans parler.
Qui n’y a pas été, s’y perd :
Que c’est bon d’aller en l’air ! »

Tout disparut en un moment,
Il ne resta que les murs
Et la coutumière monture
Prête à partir à l’instant
— C’était un bouc de belle race,
Je ne sais où il est né –
De la maison du diable jusqu’à Bargace,
En un instant, nous a ramenés.

vendredi 24 juillet 2020

LES HÉROS


LES HÉROS


Version française – LES HÉROS – Marco Valdo M.I. – 2020
Chanson italienne – Gli eroiCollettivo Víctor Jara – 1979 (?)






Le Héros 
Cohen le Barbare









Dialogue Maïeutique 




« Les Héros », dit Lucien l’âne, je les connais depuis longtemps ; d’ailleurs, j’en suis un moi-même, mais sans doute pas du genre de héros dont parle la chanson.

Certes, Lucien l’âne mon ami, tu fais bien de le remarquer, car, en effet, il y a héros et héros, des héros de toutes conditions et de tous âges.

C’est bien là, la question, dit Lucien l’âne. Qu’est-ce qu’un héros ? Ou de quel héros parle-ton ? De façon générale, on considère comme un héros quelqu’un qui d’une manière ou d’une autre est auréolé d’une gloire, même minime, même quasi-imperceptible. A fortiori, si cette gloire est grande ou immense. Quand on pense aux héros, on voit tout de suite surgir Ulysse, Hector ou Agamemnon, Don Quichotte, Hamlet, Roland ou Cohen le Barbare. Il y a tant de héros qu’une telle énumération serait fastidieuse, sinon carrément impossible.

Oui, ajoute Marco Valdo M.I., d’autant plus qu’on n’a même pas pensé à ces dames. Alors, en effet, de quels héros parle-t-on dans la chanson ? Donc, il s’agit du héros au sens le plus commun, du héros guerrier, du héros massacreur, celui pour qui « la raison du plus fort est toujours la meilleure », celui qui entend sortir vainqueur de la confrontation, celui assomme la concurrence, le paranoïaque par excellence.

À moins que ce soit l’excellence paranoïaque, dit Lucien l’âne. Bref, le héros unidimensionnel est une réplique exacte de l’homme unidimensionnel  dont Herbert Marcuse fit le portrait, il y a déjà 50 ans, est ce héros sans cervelle et dont même l’histoire et la préhistoire sont parsemées des cadavres.

Exactement, dit Marco Valdo M.I., c’est précisément le thème de la chanson que de faire l’histoire de ce géant de l’imbécillité au travers des temps, des plus immémoriaux au temps présent. C’est une chanson parfumée aux senteurs de l’ironie, trempée dans la soude comique, baignée d’acide folklorique et de lucidité sarcastique. On peut aisément s’en rendre compte à la fin de la chanson quand elle dit :

« À présent il est paré, il veut dominer le monde
Avec son armée la plus puissante, la plus grande. »

et sa conclusion est sans fard :

« Les héros sont les pires criminels. »

Oui, dit Lucien l’âne, l’inconvénient avec le héros, je parle du héros de son plein gré, du héros né de l’ambition de l’être, celui qui se veut tel, celui qui est atteint de cette étrange folie, de cette impotente idiotie, c’est qu’il est tellement dopé de soi qu’il est un danger de première grandeur pour son entourage, pour tout ce qu’il contrôle et quand il arrive accéder au pouvoir, il a fortement tendance à en abuser. Et plus il monte haut à l’arbre de la célébrité, plus on voit ses failles, mais aussi, plus il devient mégalomane, plus sa démence se révèle et plus grandit le danger pour ceux qu’il entend dominer.

Je te comprends très bien, Lucien l’âne mon ami, je comprends très bien ce que tu essaies de dire sans trop dévoiler la couronne du Roi des Cons, celui dont Brassens chantait les mérites perpétuels dans « Le Roi ». C’est utile, car actuellement, le jeu de cons n’est pas terminé et les concurrents sont nombreux à vouloir atteindre la première place du classement – à tous les niveaux. En somme, il faut bien s’en pénétrer, on n’est pas sorti de cet asile d’aliénés.

Je le pense aussi, répond Lucien l’âne, et je ne vois pas comment y arriver. Le héros est une hydre très résiliente. C’est une figure centrale de la Guerre de Cent Mille Ans que les riches et les puissants font aux pauvres et aux plus faibles afin d’asseoir leur domination, de renforcer leur pouvoir, d’étendre leurs privilèges et de multiplier leurs richesses, si possible à l’infini. Enfin, c’est une raison de plus pour tisser – encore et toujours – le linceul de ce vieux monde paranoïaque, aveugle, respectueux, sourd, héroïque, imbécile et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane







Voici l’origine du combat historique :
Il y eut la question de la possession
Entre un homme à mains nues et un avec un bâton.
Ainsi naquit au nom du progrès l’homme héroïque.



Vive l’intelligence et son héros !



S’armant d’une massue, le vaincu se relève,
Se relance l’attaque à moitié nu ;
L’autre riposte et l’arrête,
Grâce à l’accessoire utile qu’est son écu.



Vive la technique et son héros !



Avec sa grande détermination, son écu et sa masse,
Il s’élance pour s’ouvrir un nouveau passage ;
L’autre sans rien dire sort du feuillage.
Et ricanant, de son arc, il le menace.



Vive la balistique et son héros !



Avec son arc, son écu et sa masse, l’imbécile
Attaque encore, il s’y casse la figure,
Brisant ses flèches contre le fer qui protège
Notre héros enferré dans sa bonne armure.



Vive le lansquenet et le héros !



Ce héros exceptionnel, armé de belle manière,
Conquit la France, l’Espagne et les pays avoisinants.
Armé jusqu’aux dents, il pesait lourdement
Sur la peau du paysan sans défense.



Il profite pendant 20 ans, sans soucis.
Cette fois-ci, il va le payer cher.
La poudre noire l’envoie en l’air :
En trois minutes, il est occis.



Vive la Renaissance et le héros !


Il court acheter une arquebuse
Et avec elle, menace d’exécutions sommaires.
Par malheur, il ignore les techniques récentes :
Le fusil à répétition et la carabine Winchester.



À bas les Peaux Rouges ! Vive le Colt et le héros !



Exaspéré et secoué, rouge de rage,
En un éclair, il fait un beau canon,
Mais l’autre, diabolique, tel un orage,
Le fulmine du haut de son avion.



Vive la Luftwaffe et son héros !



À présent il est paré, il veut dominer le monde
Avec son armée la plus puissante, la plus grande,
Paré pour la vengeance, mais du ciel tombe une bombe
Trois… deux… un… zéro ! Fiiiiiii… Pum ! Ah !
Un grand champignon, une forte chaleur, et puis, plus un chat.



Le héros ne s’y trompe pas, c’est la technique importe.
Il crée des armes mortelles
Pour semer la mort par la technique la plus forte.
Les héros sont les pires criminels.



Le héros ne s’y trompe pas, c’est la technique importe.
Il crée des armes mortelles
Pour semer la mort par la technique la plus forte.
Les héros sont les pires criminels.