lundi 31 août 2020

MONSIEUR G SUR LE PONT




MONSIEUR G SUR LE PONT

Version française – MONSIEUR G SUR LE PONT – Marco Valdo M.I. – 2020
Chanson italienne – Il signor G sul ponteGiorgio Gaber – 1970
Paroles : Giorgio Gaber – Giuseppe Tarozzi
Musique : Giorgio Gaber





  Pont de Londres en soirée
d’après Claude Monet






Une insertion, je pense, particulière et un peu controversée ; mais qui n’est pas particulier et controversé ? En tout cas, elle va à la fois dans le sens du nouveau parcours sur le suicide et de l’euthanasie (également particulier et controversé), soit dans celui-ci sur les ponts, tout juste né. M. G, alors qu’il rentre chez lui avant « l’orgie du soir » à 22 heures devant la deuxième chaîne de télévision, passe sur un pont, repense à sa vie d’homme commun, ordinaire et à d’autres choses et a certaines pensées, parmi lesquelles celle de sauter dudit pont. « Mr. G », comme tout le monde le sait ou devrait le savoir, est l’un des jalons du « Teatro Canzone » de Gaber et Luporini. On lit dans Uichipedia :


« L’album est l’enregistrement en direct du spectacle homonyme (mis en scène pendant la saison théâtrale 1970-1971), réalisé dans les studios Regson à Milan le 6 octobre 1970 ; l’ingénieur du son est Gianluigi Pezzera, tandis que la réalisation est de Claudio Celli. Dans ce disque, pour la première fois, les chansons chantées alternent avec les monologues récités par Gaber lui-même, selon une formule typique de presque tous les albums qui rendront compte de ses spectacles dans les années 70 et 80. Les chansons sont toutes de Gaber et Sandro Luporini (même si dans le disque original, elles sont toutes signées par Gaber seul, car Luporini n’était pas encore membre de la SIAE – Société Italienne des Auteurs et Éditeurs), sauf Suona chitarra (de Gaber et Federico Monti Arduini) et Il signor G sul ponte (de Gaber et Giuseppe Tarozzi), Le nostre serate (de Gaber et Umberto Simonetta), et la prose Preghiera (de Tarozzi).

Que dire d’autre ? À propos du pont et du suicide, paraphrasant (mal) Leopardi, on pourrait dire que des frères furent engendrés en même temps. Sous les ponts ne coulent pas, ou en tout cas ne se trouvent pas, en général des choses faciles et rassurantes : des rivières plus ou moins profondes, assez souvent des lacs ou même des bras de mer, ou encore des ravins, des surplombs, des falaises, des voies ferrées, des quartiers de ville, etc. Et je soupçonne qu’un peu tout le monde, à certains moments de sa vie, a envisagé de faire comme M. G lors de cette fameuse soirée d’hiver avant de passer outre et d’aller regarder la télévision. Le pont reste vide et M. G, oui, finalement meurt. Toute une vie ; et, comme le disait le poète, la vie est cette chose dont personne ne sort vivant. [RV]


Dialogue Maïeutique

Lucien l’âne mon ami, en ces temps de pandémie galopante, notre ami Riccardo a raison de rappeler que la vie est une chose dont personne ne sort vivant. Chez nous, on dit que la vie est une maladie mortelle qu’on attrape en naissant et pour rester dans le bruissement contemporain, pour laquelle il n’y a pas de vaccin.

Oh, répond Lucien l’âne, c’est du pareil au même. Cependant, moi, depuis le temps que j’erre du pas de l’âne sur les chemins tortueux de ce monde, je finirai par penser que je suis, tel Sisyphe, condamné à ne pas mourir. Il me semble, à te voir, que ce serait ton cas également.

N’y va pas si vite, Lucien l’âne mon ami, car il est toujours possible – à cœur vaillant, rien d’impossible – de mettre fin à ses jours volontairement et nul ne sait et ne peut dire, s’il n’y viendra pas un jour. Passons ! Pourtant, holà, rassure-toi, je n’en ai nulle intention – même à titre d’essai ou de volition, mais il est certaines gens, comme ce Monsieur G qui parfois, par exemple, quand ils se penchent du haut d’un pont vers les flots noirs – car c’est quasiment toujours au jour tombé que viennent de telles lubies – se laissent bercer par je ne sais quelle mélancolie et s’imaginent plongeant dans ce vide entre la rambarde et l’eau.

Je sais tout cela, dit Lucien l’âne et même, je sais aussi que souvent ils renoncent à cette intention et après un moment d’égarement spirituel, ils reprennent le chemin de leur vie et rentrent tranquillement chez eux. Ce sont souvent des personnes un peu distraites et certainement, discrètes, car elles gardent pour elles leurs escapades lunatiques.

Lucien l’âne mon ami, tu es un devin, car c’est là toute l’histoire que raconte la chanson. Je ne suis pas sûr que ce Monsieur G, alias sans doute, le sieur Gaberščik lui-même, n’ait pas évoqué certaine de ses propres heures de grises songeries. Cela dit, il arrive quand même que des gens se jettent du haut du pont – ici ou là, comme le fit le poète Paul Celan, ainsi que le raconte la chanson « Celan Sous Le Pont Mirabeau ». Il arrive parfois que la pratique se généralise et tourne à l’épidémie au point qu’en Allemagne, peu après 1920, on trouvait sur la rambarde d’un pont une pancarte qui disait : « Il est interdit de se suicider ». Personnellement, j’aurais ajouté « sous peine d’une sévère amende ».

En effet, dit Lucien l’âne, je me souviens de ce bout de la chanson Histoires d’Allemagne, qui disait :

« MAYENCE, DÉCEMBRE 1926 -

Près de Grosshesselohe, le pont sur l’Isar
S’appelle « Le Pont des Suicidés »
Trente mètres de haut, un tremplin
Son passé est tragique.
On a posé un grillage
Et une pancarte :
« Défense absolue de se suicider ».

On devrait généraliser cet écriteau plein d’auto-dérision. Enfin, suivons attentivement Monsieur G, lequel finalement rentre chez lui et regarde la télévision. C’est là que c’est vraiment tragique. Quant à nous, tissons le linceul de ce monde paradoxal, mélancolique, idiot et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane






L’eau passe, l’eau coule,
Il pleut un peu, un grand vent souffle ;
Il fait nuit noire, il y a de la lumière.
Je me tiens sur le pont et je regarde la rivière.


À quoi pensez-vous, Monsieur G ?
Pensez-vous à la fin de votre vie,
À ce que vous avez fait, ce que vous avez dit,
À votre courage, à votre passé, qui est déjà passé !


L’eau passe, l’eau continue à couler
Dans l’obscurité, au-delà de l’obscurité.
Il fait très froid, c’est presque l’hiver ;
Je suis sur le pont en enfer.


En enfer, Monsieur G ?
Allons, ne dites pas de telles choses ;
« Tout va bien », telle est votre devise.
Vous oubliez. Vous avez toujours eu ce que vous avez donné.


L’eau passe, l’eau continue à couler
Comme une berceuse qui jamais ne finit
Et moi qui la regarde assoupi,
Je ferais le plongeon tout habillé.


Tout habillé, Monsieur G ?
Laissez tomber, partez de là.
Rentrez chez vous dans votre chez soi.
Chez vous, pensez à votre femme, rêvez !


L’eau passe, l’eau coule,
Elle ne reflète aucune étoile ;
Quelqu’un parle, quelqu’un répond
Et il n’y a plus personne sur ce pont.

jeudi 27 août 2020

NON, NON, NOUS NE VOULONS PAS DE VOTRE MONDE !



NON, NON, NOUS NE VOULONS

PAS DE VOTRE MONDE !


Version française – NON, NON, NOUS NE VOULONS PAS DE VOTRE MONDE ! – Marco Valdo M.I. – 2020
Paroles et musique : Klaus der Geiger [Klaus Christian von Wrochem]


Le Cirque du Monde
Marc Chagall




Dialogue Maïeutique
Cette fois, Lucien l’âne, je viens de terminer une version française d’une chanson allemande populaire de la fin du siècle dernier, dont le titre est en soi tout un programme : Nein, nein, wir woll'n nicht eure Welt Non, non, nous ne voulons pas de votre monde ! L’auteur exerce son art de musicien de rue depuis 1970 sous le nom de Klaus der Geiger – autrement dit, Colas le violoneux, mais c’est un violoneux virtuose qui a été formé à l’école classique à Cologne et ailleurs et à d’autres musiques (folk, jazz, rock). Dans sa vie, son art musical et dans les textes de ses chansons, il inscrit la protestation contre la société – contre la guerre, le racisme, la xénophobie et la pollution, une manière de protestation anarchiste ; il se dit lui-même anarchiste et il décrit l’anarchisme comme l’utopie vivante du XXIe siècle, à laquelle il offrait une voix.

Klaus der Geiger – Colas le Violoneux, tu dis, répond Lucien l’âne, ça me rappelle une chanson de Fabrizio De André, « Il suonatore Jones » que tu avais mise en français sous le titre de Jean le Violoneux. Mais au fait, comment s’appelle-t-il réellement ?

Voilà, répond Marco Valdo M.I., Klaus de Geiger est né Klaus Christian von Wrochem en pays saxon en 1940.

Pour en venir à la chanson, avec son titre, dit Lucien l’âne, il me semble que son titre est pour la plupart des gens du monde une antienne ancienne. En fait, c’est le refrain que l’on entend depuis la nuit des temps, que dure la Guerre de Cent Mille Ans.

C’est exactement ce que j’en ai pensé en la mettant en français, répond Marco Valdo M.I. ; à quelques détails près, elle aurait pu être écrite au temps de La Marseillaise ou de l’Internationale ; d’ailleurs son refrain dit quelque chose de similaire à celui-ci de l’Internationale :

« Debout, les damnés de la terre !
Debout, les forçats de la faim !
La raison tonne en son cratère,
C’est l’éruption de la fin.
Du passé faisons table rase,
Foules, esclaves, debout, debout !
Le monde va changer de base,
Nous ne sommes rien, soyons tout ! »

Évidemment, comme on peut l’imaginer, le violon (Geiger) – instrument facile à transporter et très apprécié en Europe centrale – accentue la coloration populaire du refrain.

En effet, dit Lucien l’âne, c’est une chose qui aurait pu être chantée à bien des époques et de bien des manières ; au moins depuis deux siècles. C’est d’ailleurs une chanson de protestation qui pourrait être utilisée aujourd’hui un peu partout dans le monde et sans doute aussi pour longtemps encore. Ce qui est bien, c’est qu’elle va droit au but et dit les choses sans fard.

On verrait bien, enchaîne Marco Valdo M.I., les nouvelles générations s’emparer de cette chanson de lutte pour continuer le combat tant qu’il y aura des riches et des puissants ou plus exactement, tant qu’il y aura des hommes avides d’argent et de pouvoir.

Certes, dit Lucien l’âne, et comme j’ai dit, ça risque de durer encore ; quant à nous, tissons le linceul de ce monde avide, arrogant, ambitieux, moralement aride et analphabète et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Non, non, nous ne voulons pas de votre monde,
Nous ne voulons pas de votre pouvoir
Et nous ne voulons pas de votre argent immonde.
Nous ne voulons pas entendre parler de votre bazar ;
Nous voulons réduire tout ce foutoir.

Votre progrès n’a de sens que s’il fait augmenter les prix
Et il nous faut payer le triple pour tout ce que vous donnez ;
Vous salissez la nature, vous tuez l’imagination, vous abîmez la santé,
Pour vous, tout ce qui compte, ce sont vos boni.

Non, non, nous ne voulons pas de votre monde,
Nous ne voulons pas de votre pouvoir
Et nous ne voulons pas de votre argent immonde.
Nous ne voulons pas entendre parler de votre cirque ;
Nous voulons détruire tout cette boutique.

Vous faites de grandes fêtes, vides de sens et pleines d’ennui ;
Vous construisez des tours et vous torturez l’humanité ;
Vous faites des contrôles de jour comme de nuit,
Vous êtes le pire fléau de l’humanité.

Non, non, nous ne voulons pas de votre monde,
Nous ne voulons pas de votre pouvoir
Et nous ne voulons pas de votre argent immonde.
Nous ne voulons pas entendre votre musique ;
Nous voulons abolir tout votre clique.

Vous pouvez nous frapper, vous pouvez nous chasser ;
Vous savez très bien que cela ne veut rien dire,
Car nous sommes la vie, hé hé !
Et vous, les fossoyeurs de l’avenir.


Non, non, nous ne voulons pas de votre monde,
Nous ne voulons pas de votre pouvoir
Et nous ne voulons pas de votre argent immonde.
Nous ne voulons pas entendre parler de vos affaires
Nous voulons liquider toute la misère.


samedi 22 août 2020

Après les Drapeaux


Après les Drapeaux


Chanson française – Après les Drapeaux – Henri Tachan1969
Paroles : Henri Tachan
Musique : Jean-Paul Roseau




L’Apothéose de la guerre
« Dédié à tous les grands conquérants anciens, actuels et à venir »
Vassili Verechtchaguine – 1871







Dialogue Maïeutique

« Après les Drapeaux » ?, demande Lucien l’âne. Qu’est-ce que ça veut dire ? Va-t-on voir un cortège commémoratif, une sorte de parade nationale ou un défilé nationaliste ?

Pas du tout, rassure-toi, répond Marco Valdo M.I., car d’abord, ce n’est pas le genre d’Henri Tachan et ensuite, laisse-moi te dire qu’il ne s’agit pas du sens habituel du mot « drapeau ». Peut-être, sais-tu qu’en français, « être sous les drapeaux » est une expression qui veut dire « faire le soldat », « être (requis, réquisitionné) dans l’armée », « faire son service militaire », « servir dans le contingent » et j’en passe. Enfin, bref, quelque chose du genre. De sorte qu’« après les drapeaux » signifie tout simplement « après avoir été soldat », et ici, plus spécifiquement, « après avoir fait la guerre ».

Bon, soit, dit Lucien l’âne, mais quelle guerre ? Il y en a eu tellement.

Là, Lucien l’âne mon ami, vu l’année de la chanson (1969) et l’allusion dès le début au « djebel » et plein d’autres éléments dans la chanson, la réponse est claire et nette, il s’agit de la guerre d’Algérie, vue du côté d’un ancien soldat de l’armée française. C’est un récit d’après-guerre, une sorte de compte-rendu de campagne d’un troufion, un « obligé » du contingent, un zig contraint de crapahuter dans le djebel comme des milliers d’autres et ce bidasse, ce soldat démobilisé qui raconte la vie du campement, c’est Henri Tachan ; il détaille aussi les séquelles au retour dans la vie civile. Mais je te préviens l’érotisme miliaire réserve des surprises.

Ça ne m’étonnera pas trop, dit Lucien l’âne, j’en ai tant vu dans tant de guerres et de bien des armées. Cependant, c’est là un aspect, une face de la Guerre de Cent Mille Ans qui n’est pas souvent abordé sous cet angle de vue.

Tout juste, Lucien l’âne mon ami, d’habitude, comme pour Adèle, L’Histoire du Soldat, Quand un Soldat, ce sont toujours de braves, bons, gentils et vertueux gars qui s’en reviennent au pays tandis qu’ici, comme je l’ai laissé entendre, il est question d’autre chose : de l’activité érotique militaire pratiquée (par défaut) sur des chèvres et des canards tout au long des longues campagnes de chasse à l’indigène, au terroriste, au résistant, comme on voudra ; c’est selon le point de vue où on se place. L’ennui, c’est que les chèvres, à force, deviennent syphilitiques ou blennorragiques et leurs amants de passage aussi.

Oh, dit Lucien l’âne, voilà une belle illustration de ta légendaire antienne : « Les amibes de mes amies sont mes amibes. »

Pour tout dire, reprend Marco Valdo M.I., c’est une chanson réaliste tout comme celle de Jacques Brel : « Au Suivant ! » ; mais ce n’est pas tout, elle évoque également certaine conséquence aussi dramatique qu’insidieuse que l’on découvre plus tard : le profond désarroi, la blessure mortelle qui frappe pendant longtemps après et parfois, finit par tuer celui qu’on a forcé à pratiquer la tuerie patriotique. Le retour à la vie civile n’est pas nécessairement le retour à une vie pacifiée :

« Mais après les drapeaux,
L’autre vie recommence :
Si j’ai sauvé ma peau,
Ai-je vraiment eu de la chance !? »

Oh, dit Lucien l’âne, faut pas s’y fier ; j’entraperçois déjà ce mirage de suicide qui hante l’ex-militaire :

« Mais un soir en cachette j’irai dans le métro,
Prendre enfin mon plaisir sous le corps d’une rame. »

Il n’y a pas à dire, ce genre d’aventure, ça laisse des traces. Enfin, je vais prendre le temps de lire cette histoire en chanson. Maintenant, tissons le linceul de ce vieux monde armé, trop armé, guerrier, insensé et cacochyme

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane






C’était en 1900 et plus, dans le djebel,
Au nom de la Patrie, promus artificiers,
Nous rêvions en silence aux gros culs de nos belles,
En violant quelques chèvres à l’ombre des figuiers.

Pardi ! Six mois de jeûne, ça vous titille un homme,
Et qui plus, des soldats, vainqueurs « in partibus »,
Si bien qu’en fin de compte, on se surprit, en somme,
Au bout de quinze jours, à baiser les cactus !

Hissez les drapeaux !
Une minute de silence !
Garde-à-vous les héros
Pour l’honneur de la France !
Mais après les drapeaux,
L’autre vie recommence :
Le retour des héros
Se passe sous silence !

On s’excitait parfois, entre deux gourdes d’eau,
Dévorés par les poux, bouffés par les moustiques,
Aveuglé de soleil et râlant sur le dos,
On cherchait l’ombre rare d’un mirage érotique !

Lucien qui l’avait fine mais de belle tenue,
Taraudait en expert de très jeunes canards,
Et s’endormait enfin, puant, goinfré, repu,
La chemise tâchée comme nos étendards !

Hissez les drapeaux !
Une minute de silence !
Garde-à-vous les héros
Pour l’honneur de la France !
Mais après les drapeaux,
L’autre vie recommence :
Le retour des héros
Se passe d’importance !

Quand la paix fut signée, que tout fut déconquis,
Qu’on nous réexpédia au pays des bordels,
Dans nos veines coulait le foutre des maquis :
Nous ne regardions plus passer les jouvencelles…

Mais le temps a passé, qui lave les cerveaux,
Aujourd’hui gentiment je contente ma femme,
Mais un soir en cachette j’irai dans le métro,
Prendre enfin mon plaisir sous le corps d’une rame.

Hissez les drapeaux !
Une minute de silence !
Garde-à-vous les héros
Pour l’honneur de la France !
Mais après les drapeaux,
L’autre vie recommence :
Le retour des héros
Se passe à contre-sens.

Mais après les drapeaux,
L’autre vie recommence :
Si j’ai sauvé ma peau,
Ai-je vraiment eu de la chance !?

jeudi 20 août 2020

Le petit Bonhomme de Foix


Le petit Bonhomme de Foix

Chanson française – Le petit Bonhomme de Foix – Marco Valdo M.I. – 2020




L'Assassinat d’Henri IV

Charles-Gustave Housez - 1859




Dialogue Maïeutique

As-tu, Lucien l’âne mon ami, souvenance d’une comptine enfantine qui racontait dette histoire de l’homme de Foix ?

J’en ai entendu beaucoup de versions, dit Lucien l’âne en riant, mais à l’origine de ma mémoire, j’ai gardé celle-ci – assez cohérente, même si je pense qu’elle camoufle une autre signification plus ancienne et mystérieuse, liée à l’histoire de la ville et du Comté de Foix. La voici dans son intégralité :

« Il était une fois,
Un marchand de foie
Qui vendait du foie
Dans la ville de Foix.
Il se dit : « Ma foi ! »,
C’est la première fois
Et la dernière fois,
Que je vends du foie
Dans la ville de Foix ! »

Donc, Lucien l’âne mon ami, tu connais bien cette comptine et tu entrevois son passé tumultueux. C’est ce dernier que ma chanson – parodie de cette comptine et comptine elle-même, entend restituer, car c’est souvent ainsi avec les comptines : elles servent – sans le savoir – à transmettre une mémoire cachée, un sens crypté du fait qu’elles sont nées d’un événement généralement dramatique, d’un grand traumatisme ou qu’elles servent à mettre en garde les enfants et les futurs adultes contre certains aléas de la vie. Ce qui fait que hors de ce souvenir sous-jacent, elles ont souvent l’air un peu légères, un peu vides de sens et de passé réellement identifiable ; ce sont des paraboles, elles racontent autre chose au-delà de ce qu’elles racontent. Songe un instant aux contes pour enfants qui ont la même destination et la même fonction : par exemple, le petit chaperon rouge où le loup va se farcir la petite fille. Ainsi, la version que tu proposes où un marchand vient vendre du foie à Foix et une seule fois. En dehors de l’allitération, on se demande vraiment pourquoi une telle histoire à dormir debout. D’abord, s’il vend du foie (au temps où remonte la chanson, il n’y avait ni surgelé, ni frigo, ni conserveries), il ne peut venir de loin, ne fût-ce que parce que sa marchandise ne résisterait pas à de longs transports ; son foie arriverait pourri sur le marché ; sans compter que pour en vivre, il lui faudrait en écouler (et en transporter) de grandes quantités. S’il ne vient pas de loin, disons à une heure ou deux de marche, il ne peut négliger la ville dont il est proche. Il en ferait quoi de son foie ? De plus, s’il devait effectivement venir au marché chaque semaine, il faudrait considérer le régime alimentaire de la population de la ville ; ce serait peut-être l’explication du nom de la ville elle-même ?, pourrait avancer un farfelu.

En effet, dit Lucien l’âne, je me disais aussi que c’était bizarre qu’un marchand renonce ainsi à son marché, et puis, pourquoi ne vendrait-il que du foie ? Que ferait-il des restes de ses bêtes forcément mortes – cochons, canards ou oies, puisque sans foie ? Dès lors, est-ce un éleveur, un boucher ? À supposer qu’il vende tout le reste au marché, pourquoi pas le foie ? Et pourquoi seulement à Foix ? Dès lors, il me semble aussi que cette histoire cache quelque chose, en quelque sorte historique.

C’est à cette élucidation, répond Marco Valdo M.I., que s’est efforcée ma chanson. D’abord, quelle mémoire de foie ou de foi peut-on noter à Foix, ville située aux pieds des Pyrénées en plein pays cathare ; dans le Comté de Foix, la Foi, ce fut un temps la Foi cathare, celle des Parfaits qu’un horrible et incroyable croisade, lancée par un Pape au nom Innocent, on ne peut plus faux-cul, tenta d’éradiquer. Par parenthèse, elle commença comme la croisade contre Valdo et ses partisans. Elle dura longtemps et dit-on, elle finit à Montségur par un bûcher énorme où on carbonisa les derniers Bonshommes.

Oh, dit Lucien l’âne, je les ai vus, de mes yeux vus, ces croisés sur les chemins de France et de Navarre pillant, tuant, violant, torturant, incendiant, pires que les Huns d’Attila. C’est à Albi qu’on entendit « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ! » Il en reste encore des traces aujourd’hui près de huit cents ans plus tard. L’Église catholique entendait conserver son pouvoir et ses privilèges. Ceci dit, ce n’est pas une spécificité catholique, car toute religion tend qui à étendre son influence, son pouvoir en vient nécessairement à opprimer et in fine, à massacrer, ceux qui ne se soumettent pas à ses ukases.

Plus tard, sans doute dans le prolongement de la résistance cathare, Lucien l’âne, le pays cathare ou l’Occitanie, c’est tout comme, se rallia à la Réforme. Et on recommença à les massacrer.

On comprend aisément un tel scénario, dit Lucien l’âne. À mon avis, il faudrait examiner ça comme un épisode particulier de la Guerre de Cent Mille Ans.

Cependant, la chanson n’en reste pas là, puisque, moment crucial dans l’histoire de France et de l’affrontement entre les sbires de l’Église romaine et les partisans de la Réforme, il y eut la tentative d’un Comte de Foix de mettre un terme à ces stupides querelles religieuses ; il y laissa sa vie. Il s’agit bien évidemment du roi de France assassiné Henri IV, dit le Vert Galant. C’est la clé de cette chanson : cette volonté de mettre fin à la guerre religieuse.

Eh bien, dit Lucien l’âne, voyons ça et pour notre part, tissons le linceul de ce vieux monde empêtré dans ses croyances absurdes, malade de la foi, délinquant spirituel et cacochyme.


Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Il était une fois
Un petit bonhomme de Foix
Qui mangeait du foie
Dans la ville de Foix.

Une fois, il eut une crise de foie ;
De foie, mais pas de foi.
Alors, il dit, cette fois,
C’est la dernière fois
Que je mange du foie
Dans la ville de Foix.

Il était une fois
Un petit bonhomme de Foix
Qui mangeait du foie
Dans la ville de Foix.

Dans sa tombe, il disait, ma foi,
Il se pourrait des fois,
Que j’aie mangé l’autre fois,
Une ultime fois
Bien trop de foie
Dans la ville de Foix.

Il était une fois
Un petit bonhomme de Foix
Qui mangeait du foie
Dans la ville de Foix.

Ce petit bonhomme de foi
Vivait tranquille autrefois
En la bonne ville de Foix.
Il était pur et de Bonne Foi.
L’Inquisition vint une fois
Tortura et brûla les Bonshommes de Foi.

Il était une fois
Un petit bonhomme de Foix
Qui mangeait du foie
Dans la ville de Foix.

Hommes de peu de foi,
Réfléchissez un peu parfois,
À la vérité et même, plusieurs fois,
Aux hommes de Bonne Foi
Qu’on tua autrefois
Dans la ville de Foix.

Il était une fois
Un petit bonhomme de Foix
Qui mangeait du foie
Dans la ville de Foix.

Et aussi de Navarre, Henri III 
Henri IV de France, Henri II de Foix
Comte, pour être roi deux fois,
Deux fois retroqua sa foi.
Mais la deuxième fois ;
Un fanatique de sa dernière foi
L’assassina à Paris et pas à Foix.