vendredi 30 septembre 2016

LATRINES

LATRINES


Version française – LATRINES – Marco Valdo M.I. – 2016
Chanson allemande – LatrineGünter Eich – 1946




La description détaillée, obsédante, révoltante des latrines d'un camp de prisonniers allié plein de soldats allemands – l’auteur y a passé beaucoup de temps avant de retrouver la liberté – se réfère une citation de la poésie Andenken de grand Friedrich Hölderlin… S'agripper au beau pour ne pas tomber dans le macabre ? C’est possible, toutefois dans le troisième quatrain, Günter Eich fit rimer « Hölderlin » avec « Urin », déclenchant un scandale parmi ses contemporains… Qui sait si un des poètes plus aimés des nazis (Hölderlin) – abusé, malgré lui – n'était-il par contre rendu à la réalité pénible et difficile de l'Allemagne dans son « Année Zéro » ?
« Latrine » – avec « Inventur » – est une des œuvres les plus connues et représentatives de la « Trümmerliteratur », la littérature des décombres, en Allemagne de l'immédiate après-guerre.


Dialogue maïeutique


Cher ami Lucien l’âne, je sais, je sais, oui, je le sais qu’il peut paraître bizarre que je t’appelle toujours Lucien l’âne et non pas, tout simplement Lucien. Je précise tout de suite que je vais continuer à le faire et que je trouverais malvenu de ne pas le faire, tout simplement parce que précisément, tu es un âne et qu’il peut paraître bizarre et même, inconvenant à certains d’appeler un âne son ami et de deviser maïeutiquement avec lui. Maïeutiquement, c’est-à-dire à la manière de Socrate et de ses interlocuteurs. Cela dit, on en tirera les conclusions qu’on voudra, je ne suis pas ici pour nous interpréter. Nous commentons tout le reste et c’est bien suffisant.

Merci bien, dit Lucien l’âne en soulignant son remerciement d’une petite génuflexion ironique. Cela dit, moi qui ai vécu toutes ces époques, je peux te dire que cette démarche est singulière, même si tu ne t’en aperçois pas.

Oh, dit Marco Valdo M.I., la chanson aussi est singulière : d’abord par son titre et son sujet qui aurait pu être terriblement trivial, si cette trivialité n’avait été contredite immédiatement par la mise en cause d’Hölderlin ou à tout le moins, de l’Höderlin tel qu’il était considéré par les gens du régime défunt ; autrement dit, le fait que les nazis avaient classé Hölderlin parmi leurs auteurs de référence et l’avaient réédité intégralement et en grandes pompes – je rappelle qu’Hölderlin était mort en 1843 au terme de trente-six ans de démence. Les nazis avaient ainsi placé l’écrivain et son œuvre en position de cible potentielle. Et c’est précisément ce qui se passe dans cette chanson, qui s’en prend à la figure d’Hölderlin et à certains de ses vers. Mais à mon sens, là n’est pas l’essentiel. Cette histoire d’Hölderlin, parodié très efficacement, est un point d’appui pour tout autre chose. Un tout autre chose qui ne s’est révélé que bien plus tard quand on a commencé à se rendre compte de ce que je m’apprête à t’exposer.

Attends, attends, un instant que je reprenne mes esprits. Jusqu’ici en gros, tu ne m’as parlé que d’Hölderlin et tu m’affirmes maintenant que ce n’est pas l’essentiel. Mais alors, dis-le moi cet essentiel.

D’abord, pour aller vite, ce sont les latrines qui sont l’essentiel, en ce qu’elles représentent exactement la situation dans laquelle se retrouve la population allemande en cette année 1946 : très exactement dans la merde et tout le monde ou presque le disait comme ça. La chanson le dit « poétiquement » en parodiant le « grand poète » et en usant d’un de ses textes les plus connus pour construire ces latrines. Ainsi faisant, jetant à bas les idoles – Hölderlin et le Reich de Mille Ans, Günter Eich pose les bases d’une nouvelle poésie allemande et d’une nouvelle littérature d’après le désastre, ainsi que le font ceux du Gruppe 47, dont je t’ai déjà touché un mot. Une littérature qui repart du plus bas, qui naît des ruines et dans les ruines ; une littérature qui s’est conçue dans les latrines de l’histoire. Cela dit, le texte de Günter Eich est à la mesure de cette ambition. Mais comme tu le sais, je n’analyse jamais la poésie ; je ne l’explicite jamais ; elle est assez grande pour le faire elle-même.

Et je partage tout à fait ton point de vue, il n’est pas de notre compétence d’équarrir, de décortiquer et d’autopsier les poètes. Nous, on cause ; et on s’appliquerait volontiers l’antienne de Laverdure qui disait « Tu causes, tu causes, c’est tout ce que tu sais faire. » Cela dit, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde merdeux, merdique, merdicole, merdifère et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Sur le fossé puant,
Plein de papiers, d’urine et de sang ,
Les mouches tournoient bourdonnant,
Je m'accroupis fesses au vent,

L’oeil sur les rives boisées,
Des Jardins, une barque échouée.
Dans la boue, putréfiées,
Sèchent les fèces pétrifiées

À mon oreille résonnent
Les vers d’Hölderlin.
Dans la pureté neigeuse,
Les nues se mirent dans l'urine.

« Va donc maintenant et salue
la belle Garonne - »
Sous nos pieds instables
Nagent les nuages.


jeudi 29 septembre 2016

TROC-BROC


TROC-BROC

Version française- TROC-BROC – Marco Valdo M.I. - 2016
Chanson allemandeTausch-RauschDie Hinterbliebenen1946







Une chanson de Heinz Hartwig pour le Reisekabarett, le cabaret itinérant “Die Hinterbliebenen” – « Les Survivants ».
« Die Hinterbliebenen » a été un groupe d’artistes allemands agressifs, féroces et des irrévérencieux qui entre 1946 et 1949 décrivirent sans aucune retenue, l’Allemagne sortie en ruines de la guerre. En plus d’Heinz Hartwig, journaliste et écrivain satirique berlinois, « Die Hinterbliebenen » comptaient parmi eux l’acteur viennois Roman Sporer et le réalisateur Hans Albert Schewe, auquel s’ajouta ensuite Gerhart Herrmann Mostar à sa rentrée de son exil en Yougoslavie :

« C’est nous les survivants,
De partout nous sommes .
Nous poursuivons l’art libre
Que nous cherchons de tous côtés.
Nous cherchons à apprendre
Le grand art de penser ! »

Die Hinterbliebenen (« Les Survivants ») s’arrêtaient partout où il y avait un local disponible ; ils se considéraient comme la voix du peuple, les juges de leur temps, en somme une sorte de Pasquino (personnage romain imaginaire incarné dans une statue antique, qui a comme mission de dénoncer les abus et les travers du pouvoir – à l’origine, pontifical) de l’époque.
Les chansons de Hartwig et de Mostar ne s’arrêtaient devant rien, allaient avec leurs vers ironiques droit au cœur du problème : Hitler et le nazisme, avec toutes leurs tragiques implications, n’étaient pas tabous ; il n’y avait alors même pas un phénomène pressant comme celui du néonazisme qui, paradoxalement, serpentait déjà au travers de l’Allemagne quand l’écho de la guerre n’était pas encore pas éteint !

La faim était toujours un sujet à l’ordre du jour au « Reisekabarett » (cabaret itinérant) de cette première année de l’après-guerre. Dans un hiver où le froid avait atteint des records jamais vus, on donnait son âme pour un peu de nourriture, on faisait n’importe quoi pour se procurer les produits de première nécessité. Elle envahissait dans toute l’Allemagne le Tausch Rausch, « La fièvre du troc », titre de cette chanson hilarante de Heinz Hartwig :


Offre belle-mère apoplectique
Contre beurre bien frais,
Rouleau papier hygiénique
Contre vers bien faits.
Reichstag hors service
Contre Parlement,
Führer contre Président.
Zone russe contre angliche.
Femme arienne contre sémite,
Bavaroise contre prussienne,
Chemise brune contre caleçon.
Et en somme, résumons :
Troque le monde qui ne tourne pas
Contre un billet pour l’enfer.
Ô Dieu, aide-nous toi !
Change tout, même nous,
Car nous vivons comme des fous.

Introduction tirée de « Kabarett ! Satire, politique et culture allemande en scène de 1901 à 1967 », par Paola Sorge, LIT Éditions 2015 (je dois dire que dans ce livre, fort précieux et intéressant, souvent et volontiers sont présentées des traductions très libres sans la possibilité de confronter les avec les textes des originaux. Même dans le cas de ce « Tausch Rausch » la traduction (italienne) correspond seulement en partie au texte original de la source citée… Peut-être, il n’en existait plus de versions improvisées… Je ne sais pas… ndr)

(Commentaire italien)

Dialogue maïeutique

Mon ami Lucien l’âne, je suis placé devant un problème pour lequel je vais solliciter à l’instant ton avis. Pour ce faire, j’ai pris la peine de traduire le commentaire italien afin que tu en aies connaissance, car il me faut le commenter afin d’introduire valablement ma version française.

Marco Valdo M.I. mon ami, je veux bien répondre à toutes tes questions et interrogations, même si – comme je le pense par avance cette fois – tu pourrais te passer joyeusement de mon avis et de tout avis généralement quelconque.

Ce n’est pas qu’il y ait beaucoup de réticences de ma part vis-à-vis de ce qu’a dit le commentateur italien ; bien au contraire, il situe assez bien les choses et je n’aurai donc qu’à ajouter à ses propos. D’abord et avant d’aller au fait, je voudrais insister sur cette période de l’immédiat après-guerre en Allemagne, car on a du mal à s’imaginer la chose aujourd’hui, on a du mal à concevoir l’Allemagne comme un pays en ruines, plongée dans le chaos (pour la seconde fois en un demi-siècle), la population masculine décimée par la guerre, la famine, le dénuement généralisé, à tout cela venant s’ajouter l’occupation et l’emprisonnement de millions de gens soupçonnés à raison souvent, parfois à tort de collusion avec le nazisme. Il s’agissait de faire le tri ; on les relâcha après enquête, mais il a fallu du temps pour tirer toutes les conclusions du fameux « questionnaire » – 250 questions, auquel chacun de ces prisonniers était prié de répondre intégralement. Tel est le décor sur le fond duquel va se déployer l’art de ces comédiens itinérants.

Ce n’était d’ailleurs pas là un phénomène nouveau que ces troupes itinérantes ; c’était la renaissance d’une tradition assez ancienne. J’en ai souvent accompagné moi-même déjà dans l’antiquité, quand j’accompagnais Thespis, quand je courais sur les franges des trois continents. Puis, au Moyen-Âge quand je courais l’Europe à la suite de Till, avec les petites troupes en chariot comme celle de Molière du temps où il ne l’était pas encore, puis avec Fracasse.

D’ailleurs, Lucien l’âne mon ami, que faisons-nous d’autre que ce que faisait le grand Lope de Ruega, dont Cervantès lui-même disait le plus grand bien. Écoute ceci, qu’on m’a rapporté : « Aux temps de ce célèbre espagnol, tous les effets de mise en scène d’un auteur de comédie tenaient dans un sac, et se résumaient à peu près à quatre pelisses blanches garnies de pièces de cuir doré et de quatre barbes et perruques ainsi que quatre houppettes. Les comédies étaient des discussions, comme églogues, entre deux ou trois bergers et une bergère ; on les ornait et dilatait de deux ou trois intermèdes » C’est assez proche de nos dialogues.

Comme si je l’ignorais, Marco Valdo M.I. mon ami. Je le sais aussi bien que toi que nous sommes des marionnettes ou des comédiens et qu’il nous faut tout juste jouer notre rôle. Et c’est bien ainsi, d’ailleurs. Mais, fin de parenthèse et revenons à cette histoire de troc.

Donc, Lucien l’âne mon mai, dans ce décor lugubre, fait de ruines, de froid et de faim, une troupe de comédiens, aussi affamés que le reste de la population, se propose de troquer tout ce qu’ils ont, c’est-à-dire une fois encore, tout ce que l’Allemagne, les gens d’Allemagne ont contre du comestible ou du confortable. Mais l’histoire commence par une justification de cette pénible obligation de liquidation générale des gloires nationales et de retour dans la dérision de l’Allemagne préhistorique de Neandertal, telle qu’elle était mythifiée par l’antrustion d’Hitler, le dénommé Alfred Rosenberg, le grand théoricien de la race aryenne. Pour le reste, tout me paraît clair.

Alors, sourit Lucien l’âne, reprenons notre tâche et tissons, comme d’honnêtes canuts, le linceul de ce vieux monde plein de guerres, de tueurs, de faim, de froid, chaotique et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



On était encore des cannibales
Et
des hommes préhistoriques de Neandertal.
L’argent liquide
n’était pas encore en usage,
On
troquaitet ça allait pas mal.
Alors Adolf est venu en trench brun,
On
eut là un surhomme.
On a eu de l’argen
t en espèces et en chèques
Et on a obtenu
de la saleté en échange.
Quand l’Adolf est tombé, l’argent
aussi a chuté :
Tout va ainsi dans le monde.
Et aujourd’hui, on
troque à nouveau,
Comme au temps de Neandertal.

Des cols de caoutchouc lavables
Contre des landaus
pour jumeaux
Donne authentique Titien
Contre bouteille de
vin du Rhin

Zone entière à troquer
Contre grain de café.

Offre antrustion Rosenberg véritable
Contre nain de jardin agréable.

Échange grands
dirigeants
Contre dix étudiants
bruyants.

Insigne Hermann Göring en dentelles
Contre
ruban arbre de Noël.

Cherche petit magasin open
Offre le Berghof-Berchtesgarden.

Dame sans enfant
Contre meilleur passe-temps.
Souci de Mamy
Cherche ami ricain, offre nazi

Offre un billet de tram
Contre deux billets de théâtre.

À celui qui a le cœur meurtri,
Offre mon insigne de parti.

Troque une chansonnette
Contre
un rouleau de papier toilette.

Troque
Reichstag contre Parlement
Führer contre Président.
Chemise brune contre pagne
Ou grand
s discours
Contre messages courts.

Encore aujourd’hui et sans tarder,
Troque monde entier,
Qui ne me plaît plus guère,
Contre un
billet pour l’enfer.
Cher dieu, nous te prions en personne,
Troque-nous contre nous-mêmes.

lundi 26 septembre 2016

CHANSON DE L’ATTENTE

CHANSON DE L’ATTENTE


Version française – CHANSON DE L’ATTENTE – Marco Valdo M.I. – 2016
Chanson allemande – Lied vom WartenErich Kästner – 1947



Une chanson qu’Erich Kästner présenta au Cabaret Schaubude à Munich en 1947, interprétée par Ursula Herking.

Lorsque l’Allemagne, en décombres, devint une énorme salle d’attente de gare, avec millions de femmes qui espéraient le retour de leurs hommes prisonniers… Le nombre de soldats allemands prisonniers des Alliés et des Soviétiques à la fin de la seconde guerre mondiale est controversé. Encore plus controversé est le nombre de ceux qui moururent en captivité, mais furent indiscutablement très nombreux ceux qui ne revinrent jamais.

Tu vois, Lucien l’âne mon ami, c’est une chanson extraordinaire et elle l’est forcément, vu les circonstances. L’homme qui l’écrit, la chose est essentielle à comprendre, n’est pas prisonnier, ne l’a pas été ni par les Soviétiques, ni par les Alliés. Et pour cause, puisque Erich Kästner avait été du début à la fin un ennemi affirmé du régime nazi et cela se savait. Opposé aux nazis et vivant en Allemagne, il avait subi la Gestapo et ses humiliantes séances d’interrogations, on avait brûlé ses livres en place publique, on l’avait insulté, on l’avait malmené. Il faut avoir ça en tête pour bien comprendre toute la portée de sa chanson : Erich Kästner ne peut en aucun cas être suspecté de complaisance envers les nazis et pour comprendre ce que je vais dire, moi qui suis fils de résistant mort des suites des tortures infligées par les nazis allemands.

J’entends tout cela, Marco Valdo M.I. mon ami. Je le savais, évidemment, mais je pense bien que ce rappel ici était nécessaire et j’imagine pourquoi. Mais je te le laisse dire toi-même, car j’en vois bien toute l’importance.

Comme tu le comprends, Lucien l’âne mon ami, la chose est délicate et il me faut avancer sur l’extrême pointe des pieds. D’un côté, je n’ai aucunement l’intention de faire le moindre cadeau aux crapules nazies, ni leur pardonner quoi que ce soit : c’étaient des crapules odieuses et il fallait assurément s’en débarrasser, les mettre hors d’état de nuire et disons le mot, au besoin et il y avait ce besoin, les assassiner, les pendre, les décapiter ou les tenir en prison jusqu’à ce que mort s’ensuive – je pense même que c’eût été la meilleure solution ; ils auraient eu le temps de se morfondre ; en fait, la mort était un cadeau qu’on leur faisait.

À mon sens, dit Lucien l’âne en pointant ses deux oreilles vers l’avant, les garder à vivre avec eux-mêmes me paraît être la meilleure manière de régler ce dilemme. Bien sûr, cela nécessitait de leur rappeler chaque jour leur indignité et ce pourquoi on les tenait là. Voilà pour cette engeance.
Mais pour les autres, pour ceux qu’ils emmenèrent jusqu’au plus profond de l’ignominie, ceux qu’ils forcèrent à tuer, ceux qu’ils forcèrent à massacrer, ceux qu’ils rabaissèrent à leur niveau (par l’usage de la terreur, du mensonge, du chantage, de la nécessité quotidienne), je suis plus circonspect.


C’est d’ailleurs ce qu’ont découvert les juges et les responsables politiques d’après guerre. On ne peut condamner tout un peuple ou presque ; on ne peut le tenir en prison ou dans les camps ; cela ne peut se faire longtemps. C’est d’une certaine façon injuste, car il s’agit d’une punition collective excessive et d’autre part, c’est impraticable. Alors, pour ceux-là, dont l’engagement et la responsabilité dans la mésaventure nazie étaient réduits, une certaine mansuétude a été considérée possible et selon les cas, au cas par cas, une amnistie s’est imposée.
C’est la base morale sur laquelle se fonde la chanson d’Erich Kästner. Mais cela a pris du temps. Et comme tu le verras, deux ans sont déjà passés et des millions d’hommes sont encore dans les camps. Cela tenait à la difficulté de faire le tri, de débusquer les vrais nazis, afin de pouvoir laisser les autres retourner à une vie civile et civilisée. Pendant ce temps, les femmes – qui souvent savaient à quoi s’en tenir, mais je te l’accorde pas toujours – attendaient le retour de leur homme avec plus ou moins de bonne conscience. Deux ans de camp, qui viennent après des années de guerre, c’est long. Voilà ce que raconte cette chanson, une sorte de supplique des femmes allemandes.
Il me reste à insister sur le fait que cette chanson est conçue dans le cadre d’un cabaret littéraire et par conséquent, politique et qu’elle vise à relayer directement le message des femmes face aux autorités et à la communauté internationale.


Eh bien, Marco Valdo M.I. mon ami, regardons cette chanson, lisons-la, écoutons-la et puis, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde toujours compliqué, pitoyable, mortel et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane


En mai, ça fera deux ans passés
Que mon homme est prisonnier.
Il est en prison et moi, je suis en liberté.
L’espoir nous a oubliés.

L’espoir a passé son tour.
La même blême angoisse de l’attente
Se pose partout comme un vautour
Et nous tient dans ses serres.

Dans les villes brumeuses, dans les vallées lointaines,
Toute l’Allemagne est une salle d’attente
Où millions de femmes,
Nous nous demandons muettes,
Quand le monde en pitié nous prendra.
Renvoyez-nous les donc à la maison.
Renvoyez-nous les enfin la maison,
Qu’on les prenne dans nos bras.